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04.11.2025
Les femmes votent-elles plus à gauche que les hommes ? Pas dans la France de 2024
Les jeunes femmes seraient de plus en plus progressistes et les jeunes hommes davantage conservateurs. Cela se traduit-il dans leur vote ? Anja Durovic, chercheuse CNRS au laboratoire Printemps (UMR8085, CNRS / Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines), Nonna Mayer et Noémie Piolat, respectivement directrice de recherche CNRS émérite et doctorante au Centre d’études européennes et de politique comparée (CEE, UMR8239, CNRS / Science Po Paris), se sont posé la question pour les dernières élections législatives et européennes en France. Leurs résultats sont publiés dans la Revue française de science politique et à paraître dans la Revue européenne des sciences sociales.
Les femmes ont été traditionnellement moins enclines que les hommes à voter pour les partis dits de « droite radicale populiste » en Europe, comme l’ont montré de nombreuses recherches développées depuis la fin des années 1980. Mais cet écart, appelé Radical Right Gender Gap, a eu tendance à s’estomper, en particulier en France.
Les élections de 2024 ne font pas exception. Au premier tour des élections législatives de juillet 2024, les femmes ont, tout autant que les hommes, contribué au score sans précédent du Rassemblement national (RN). Lors des élections européennes de juin 2024, elles ont même voté plus souvent que les hommes pour la liste du RN.
Qu’en est-il chez les plus jeunes ? Plusieurs études attestent en effet de fortes divergences en termes de valeurs, les jeunes femmes étant nettement plus progressistes en matière d’égalité femmes-hommes et de sexualité. Pourtant, contrairement à ce que l’on observe dans de nombreux pays européens et non européens (Corée du Sud et États-Unis par exemple), les jeunes Françaises n’ont pas plus voté pour la gauche ni moins pour l’extrême droite que les jeunes Français en 2024, que ce soit lors des élections européennes ou législatives.
Enfin, les chercheuses ont examiné l’impact sur le vote des attitudes sexistes au sens large, tant envers les femmes qu’envers les personnes ne se conformant pas à la norme hétérosexuelle.
Plus que le genre, ces attitudes ont un effet significatif sur les choix électoraux : plus une personne a un score élevé sur une échelle d’(hétéro)sexisme, plus il y a de chances qu’elle ait voté pour le RN ; plus son score est faible, plus il y a de chances qu’elle ait voté pour une liste de gauche aux européennes ou pour le Nouveau Front populaire aux législatives.
Ces résultats sont basés sur une enquête post-électorale en ligne réalisée dans le sillage des élections législatives françaises anticipées de 2024 auprès d’un échantillon représentatif de 5 109 répondants. (1)
La France reste donc pour l’instant à l’écart de la dynamique internationale qui voit les jeunes femmes voter plus à gauche que les jeunes hommes. Cela illustre le succès de la stratégie de normalisation du RN, qui affiche un discours plus « progressiste » sur les enjeux de genre et de sexualité que la plupart des autres partis de la droite radicale au niveau international.


Notes
- 1.Enquête en ligne réalisée du 9 au 16 juillet 2024 par Cluster 17 dans le cadre du projet « Comportements électoraux et rapports au travail, à l’emploi et aux syndicats » (CERTES, ANR-23-CE41-0004) coordonné par Tristan Haute — enseignant-chercheur et membre du Centre d'études et de recherches administratives, politiques et sociales (CERAPS, UMR8026, CNRS / Université de Lille) — auprès d’un échantillon de 5 109 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus selon la méthode des quotas (sexe, âge, groupe socioprofessionnel, niveau de diplôme, région de résidence et catégorie d’agglomération).
