C’est avec une profonde tristesse que nous vous faisons part du décès d’Étienne Schweisguth, survenu le lundi 09 juin 2025 à l’âge de quatre-vingt-deux ans. Sociologue et psycho-sociologue de formation, il a marqué de son empreinte intellectuelle les travaux du CEVIPOF et du Centre d’études européennes et de politique comparée de Sciences Po.

Entré au CEVIPOF en 1967 comme assistant de recherche après un troisième cycle à l’École pratique des hautes études, Étienne Schweisguth a consacré une grande partie de sa carrière à l’analyse des comportements politiques et des systèmes de valeurs. Formé par Jean Stoetzel, pionnier des sondages en France, et par Henri Mendras, il a mené des recherches novatrices sur les enquêtes d’opinion et les transformations sociales. 

Il a notamment exploré l’émergence des nouvelles couches moyennes salariées dans les années 1970-1990, remettant en question les cadres théoriques dominants de l’époque. Son concept de libéralisme culturel, élaboré avec Gérard Grunberg, a permis de mieux comprendre les clivages politiques et sociétaux, anticipant ainsi l’évolution des débats sur l’immigration et les valeurs universalistes. Critique des approches réductionnistes, il a défendu l’apport des enquêtes quantitatives à la compréhension des dynamiques sociales.

Tout au long de sa carrière, il a porté un intérêt constant à la question des valeurs, étudiant leur formation et leur évolution avec une approche résolument interdisciplinaire. À partir des années 2000, il consacra son énergie à un ambitieux projet interdisciplinaire ayant comme axes principaux : le rapport entre le système de représentations moral et le système de représentations religieux, depuis l’animisme des sociétés primitives jusqu’à l’invention du concept de valeurs morales à la fin du XIX° siècle ; le processus historique de la valorisation de l’individu face aux mythes de l’individualisme égoïste et de la perte des valeurs ; l'existence d'invariants anthropologiques rendant compte de la formation et de l'évolution des valeurs. 
Un manuscrit d’ampleur, découlant de ses recherches, a été accepté par les éditions Herman avant son décès, couronnant ainsi son prestigieux parcours scientifique. 

Collègue apprécié pour sa gentillesse, sa simplicité et son esprit collectif, il laisse le souvenir d’un chercheur original et rigoureux, toujours animé par le goût de ce qu’il appelait de ses mots l’« aventure intellectuelle ».

Nous partageons la peine de sa famille, de ses proches et de toutes celles et ceux qui ont eu la chance de travailler à ses côtés. 

- Centre d'études européennes et de politique comparée