Des élections présidentielles qui pourraient bien rebattre les cartes au niveau régional / Unas elecciones con fuertes implicaciones en el escenario político regional latinoamericano - Alice Gagliano

Des élections présidentielles qui pourraient bien rebattre les cartes au niveau régional


Alice Gagliano pour l’OEC


Dans le cadre du sommet des Amériques, qui s’est déroulé du 6 au 10 juin dernier, le président chilien Gabriel Boric a réitéré son soutien à Gustavo Petro, déclarant dans une conférence de presse : "Vous savez où est mon coeur” et en faisant de ses mains le signe de ralliement de la campagne du candidat à l’élection présidentielle. De nombreux observateurs ont ainsi souligné le rapprochement de Petro avec certains chefs de gouvernement latinoaméricains. La victoire du candidat de gauche laisserait en effet déferler une nouvelle “vague rose”, à l’image de l’alignement politique du début des années 2000 qui avait été propice à un dynamisme en matière d’intégration régionale (Dabène, 2012). La Colombie, qui n’a jamais été gouvernée par un président de gauche, n’avait cependant pas pris part au mouvement. Mais cette fois, un scénario nouveau et inédit pourrait bien voir le jour. Petro lui-même a confirmé l'hypothèse d’un nouvel axe latinoaméricain s’il venait à remporter les élections et que son homologue Lula sortait également victorieux des urnes au Brésil. Au quotidien El Pais, il a exprimé son souhait de bâtir avec le Chili et le Brésil une “Amérique latine qui valorise la connaissance, la culture et l'agriculture.”

Pour comprendre l’enjeu du résultat de ces élections présidentielles colombiennes en matière de politique extérieure régionale, il faut dans un premier temps appréhender le positionnement traditionnel de ce pays sur la scène latinoaméricaine. Les gouvernements colombiens qui se sont succédé depuis le XIXe siècle jusqu’à nos jours ont, pour la majorité d'entre eux, perpétué la doctrine “respice polum” qui consiste à “regarder vers le nord”, c’est-à-dire vers la puissance étatsunienne (Hernandez Meneses & Osorio Martinez, 2021). Sans rentrer dans le détail des différentes formes qu’a pris dans le temps la coopération bilatérale entre les deux pays, il faut relever que cette relation est majoritairement déséquilibrée, entretenant la dépendance de la Colombie à l’égard des Etats Unis et l’éloignant de ses voisins sud-américains (Tickner & Morales, 2015). Il faut toutefois nuancer ce propos, certains gouvernements s'étant essayés à la doctrine “respice similia”, “regarder vers ses semblables”, c'est-à-dire, en premier lieu vers les voisins sud américains. Dans l’histoire récente du pays, le président Santos a inscrit sa politique extérieure dans ce cadre doctrinal, en rétablissant par exemple les  relations avec l’Équateur et le Vénézuela, en faisant de la Colombie un médiateur dans la crise au Honduras, ou encore en participant activement à certains mécanismes d’intégration régionale (Bermúdez, 2013). L’arrivée au pouvoir du président actuel Iván Duque a marqué le retour de la posture traditionnelle colombienne, alignée sur celle des États unis (Márquez Restrepo & Merchán, p. 543, 2021) et plus distante par rapport à ses voisins.

Ainsi, ces élections revêtent un certain nombre d'enjeux pour la Colombie en matière de politique régionale. Tout d’abord, la crise vénézuélienne rend urgent un rapprochement entre les deux pays. La recherche d’une diversification des partenariats est également indispensable pour que la Colombie gagne une certaine autonomie vis-à-vis des Etats Unis. Si Gustavo Petro s’est régulièrement exprimé sur le sujet et a inclus dans son programme des mesures précises concernant ses ambitions régionales, comme redynamiser la communauté andine (CAN), son adversaire, Rodolfo Hernandez se fait plus discret sur ce sujet. Souvent comparé à Donald Trump ou encore Jair Bolsonaro, le candidat semble cependant se distinguer des deux chefs d’État dans sa compréhension et sa pratique des relations  internationales. En effet, il ne s’appuie pas sur une rhétorique de rejet du multilatéralisme, se référant de manière récurrente dans son programme aux organisations et traités internationaux. Comme Petro, il incarne une rupture par rapport à la politique menée par le gouvernement actuel vis-à-vis de la crise vénézuélienne. Rodolfo Hernandez souhaite en effet rétablir le plus rapidement possible les relations de la Colombie avec son voisin. Cependant, à la différence de son adversaire, ce sont des intérêts commerciaux qui motivent cette volonté de reprendre le dialogue. A la lecture de son programme, les ambitions régionales du candidat de la Liga apparaissent en effet intrinsèquement liés à des enjeux commerciaux et économiques : “Des différences entre les pays peuvent subsister, mais c'est une règle économique que le commerce surpasse les différences, de sorte que les sociétés concernées ne finissent pas par être affectées par des conflits politiques” . Il se distingue ainsi clairement de son adversaire qui défend un agenda régional résolument “post-commercial”. 

Ainsi, dans les deux cas de figure, le résultat de cette élection marquera-t-il une rupture avec la politique étrangère du gouvernement actuel, à minima vis-à-vis de la crise vénézuélienne. Reste à savoir quelles ambitions régionales la Colombie incarnera pour les cinq prochaines années : un pays prêt à se tourner un peu plus vers ses voisins sud-américains pour des considérations en grande partie économiques, ou bien un des leaders d’une nouvelle vague de régionalisme à l’agenda post-commercial? Les défis seront nombreux pour le futur président de ce pays qui se tient traditionnellement à l’écart des processus d’intégration et qui est encore fortement dépendant de la puissance étasunienne dans bien des domaines.


Unas elecciones con fuertes implicaciones en el escenario político regional latinoamericano 


Alice Gagliano por el OEC 

Durante la Cumbre de las Américas, que tuvo lugar del 6 al 10 de junio, el presidente chileno Gabriel Boric reiteró su apoyo a Gustavo Petro, declarando en una rueda de prensa: "Ya saben dónde está mi corazón", haciendo un corazón con sus manos, símbolo de la campaña del candidato presidencial colombiano. Muchos observadores han señalado la cercanía de Petro con algunos jefes de gobierno latinoamericanos. La victoria del candidato de izquierda sugeriría así una nueva "ola rosa", similar al alineamiento político de principios de la década del 2000, que había propiciado una integración regional dinámica (Dabène, 2012). A este movimiento, sin embargo, no se había sumado Colombia: dirigida en ese entonces por el uribismo. Hasta la fecha, el país sigue sin ninguna experiencia de gobierno de izquierda. Pero en declaraciones al diario El País, el candidato Petro colocó en la mesa la hipótesis de una posible reanudación del eje latinoamericano (esta vez con participación colombiana), en el caso que él gane las elecciones y que su homólogo brasileño Lula también salga victorioso. El candidato expresó su deseo de construir una "América Latina con Chile y Brasil que valore el conocimiento, la cultura y la agricultura".

Para entender lo que está en juego en el resultado de las elecciones presidenciales colombianas en términos de política exterior regional, es necesario ante todo considerar la posición tradicional del país en el escenario latinoamericano. La mayoría de los gobiernos colombianos que se han sucedido desde el siglo XIX hasta la actualidad han perpetuado la doctrina del "respice polum", que consiste en "mirar hacia el norte", es decir, hacia la potencia estadounidense (Hernández Meneses & Osorio Martínez, 2021). Sin detallar las diferentes formas que ha tomado la cooperación bilateral entre ambos países a lo largo del tiempo, cabe destacar que esta relación ha sido mayoritariamente desequilibrada, manteniendo la dependencia de Colombia ante Estados Unidos y alejando al país de sus vecinos sudamericanos (Tickner & Morales, 2015). Sin embargo, hay que precisar que algunos gobiernos han intentado aplicar la doctrina del "respice similia", es decir, mirar primero a sus semejantes: los vecinos sudamericanos. En la historia reciente del país, el presidente Santos ha situado su política exterior dentro de este marco doctrinal, por ejemplo restableciendo las relaciones con Ecuador y Venezuela, haciendo de Colombia un mediador en la crisis de Honduras, o participando activamente en unos mecanismos de integración regional (Bermúdez, 2013). La llegada al poder del actual presidente, Iván Duque, marcó el regreso de la postura tradicional colombiana, alineada con la de Estados Unidos (Márquez Restrepo & Merchán, p. 543, 2021), y más alejada de sus vecinos.

Por lo tanto, estas elecciones presentan una serie de retos para Colombia en términos de política regional. En primer lugar, la crisis venezolana torna urgente un acercamiento entre ambos países. La búsqueda de una diversificación de las alianzas, especialmente en el ámbito comercial, es también esencial para que Colombia gane una cierta autonomía frente a Estados Unidos. Si Gustavo Petro se ha expresado regularmente sobre el tema y ha incluido en su programa medidas precisas relativas a sus ambiciones regionales, como la revitalización de la Comunidad Andina (CAN), su adversario, Rodolfo Hernández, es más discreto al respecto. Frecuentemente comparado con Donald Trump o Jair Bolsonaro, el candidato parece no obstante diferenciarse de los dos jefes de Estado, en su comprensión y práctica de las relaciones internacionales. Al contrario de ellos, él no se apoya en una retórica de rechazo al multilateralismo, refiriéndose frecuentemente en su programa a las organizaciones y tratados internacionales. Al igual que Petro, el candidato de la Liga quiere encarnar una ruptura con la política del actual gobierno sobre la crisis venezolana. Rodolfo Hernández pretende restablecer cuanto antes las relaciones de Colombia con su vecino. Sin embargo, a diferencia de su oponente, son los intereses comerciales los que motivan este deseo de reanudar el diálogo. Al leer su programa, las ambiciones regionales del candidato de la Liga parecen estar intrínsecamente ligadas a cuestiones comerciales y económicas: "Las diferencias entre los países pueden seguir existiendo, pero es una regla económica que el comercio supere las diferencias, de modo que las sociedades implicadas no acaben afectadas por conflictos políticos" . Esto le distingue claramente de su oponente, que defiende una agenda regional decididamente "post-comercial". 

Así, en ambos casos, el resultado de estas elecciones marcará una ruptura con la política exterior del actual gobierno, al menos con respecto a la crisis venezolana. Queda por ver qué ambiciones regionales encarnará Colombia en los próximos cinco años: ¿un país dispuesto a mirar un poco más hacia sus vecinos sudamericanos por consideraciones principalmente económicas, o uno de los líderes de una nueva ola de regionalismo con una agenda post-comercial? Serán muchos los retos para el futuro presidente de un país que tradicionalmente se ha mantenido al margen de los procesos de integración y que, en muchos ámbitos, sigue siendo muy dependiente de la potencia estadounidense.



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