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NEWSLETTER

25 octobre 2016

Sciences Po | Ceri - CNRS  
     
 

Édito

  Elections américaines : l'échec probable de Donald Trump  
     
 

Par Denis Lacorne

Les campagnes présidentielles américaines sont des marathons éprouvants pour les candidats au moment des primaires, et plus épuisants encore pour les finalistes dans la phase dite de "l’élection générale", après les conventions nationales des deux principaux partis. Les débats présidentiels ont des allures de modernes combats de gladiateurs, où chacun tente de déstabiliser l’autre en cherchant le trou de la cuirasse ou du bouclier, sans qu’il y ait véritablement de coup de grâce. La seule blessure réelle est celle des sondages. Chaque débat a un perdant et un gagnant, et phénomène rare dans l’histoire des campagnes présidentielles, une seule personne l’a emporté trois fois de suite : Hillary Clinton. Ces victoires symboliques renforçaient une tendance lourde : le lent mais continuel déclin de la popularité du candidat républicain, depuis la Convention du Parti Républicain (Cleveland, 18-21 juillet 2016). Ce déclin est particulièrement net dans les Etats décisifs (les battle ground states), à tel point qu’il est possible d’affirmer aujourd’hui, sans prendre de grand risque, que Hillary Clinton a déjà gagné les élections de novembre 2016.

Comment en est-on arrivé là, après quelles péripéties, et surtout comment un candidat aussi peu fiable, aussi peu compétent, aussi fantasque et hâbleur que Trump a-t-il réussi à s’imposer ? Deux raisons à cela :

La première est le slogan nostalgique de Trump : Make America Great Again. Cet  appel et l’extrême xénophobie qui l’accompagne ne constituaient pas en soi une nouveauté. Un fort courant "nativiste" existait dans le Parti Républicain dès les années 1980, celui de "l’Amérique forteresse", ou de "l’Amérique d’abord", incarnée par des leaders comme Pat Buchanan (un célèbre présentateur de programmes télévisés) et Pete Wilson (un gouverneur de la Californie). Ces deux personnalités souhaitaient protéger les Etats-Unis contre les "hordes" de Latinos qui, disaient-ils, menaçaient de détruire le pays de l’intérieur. Leur candidature, lors des élections présidentielles de 1996, ne fut pas couronnée de succès, mais ils avaient lancé un mouvement devenu aujourd’hui majoritaire au sein du Parti Républicain. Ce courant xénophobe est magnifié aujourd’hui par le mécontentement, réel et bien documenté, des "laissés pour compte" de la globalisation des années 1990-2010 : les ouvriers des vieilles industries manufacturières de la Rust Belt et des entreprises du Midwest, affaiblies par les bas salaires pratiqués dans les pays émergents. Or l’on sait depuis les travaux de Werner Sombart (Pourquoi le socialisme n’existe pas aux Etats-Unis ? 1906), que les conflits ethniques l’emportent souvent aux Etats-Unis sur les conflits de classes et qu’il est toujours plus facile pour les détenteurs du capital de détourner la critique vers les "ethniques", régulièrement blâmés pour l’appauvrissement relatif de la classe ouvrière du pays et l’accentuation des inégalités sociales.

La deuxième raison tient au type d’autorité légitime incarné par Trump.  Champion de la "téléréalité", Trump a toujours été plus à l’aise avec des affirmations à l’emporte-pièce, des bouffonneries, l’apparence (mensongère) d’une grande sincérité, et un sens aigu de la répartie. Cette formation, acquise sur le terrain, dans son émission-phare, The Apprentice, lui a permis de triompher dans la phase des primaires, lorsqu’il faisait face à quinze autres candidats ternes, pratiquant trop souvent la langue de bois, tantôt trop religieux comme Ted Cruz, ou trop incohérent comme Ben Carson... Trump était devenu le champion des petites phrases assassines et des moqueries enfantines. Mais tout changea dans la phase finale de la campagne électorale : les longs débats de 90 minutes face à une adversaire pugnace et compétente exposèrent la vacuité de ses propos, son manque de préparation, sa grossièreté gratuite, et les traits les moins plaisants de sa personnalité : la fanfaronnade, la rhétorique (et la pratique) du harcèlement sexuel, et une tendance à cultiver un certain apocalyptisme : rien ne va plus, l’économie est un désastre, l’armée radicalement affaiblie, les grandes villes plus violentes que jamais, les nouveaux emplois tous délocalisés vers la Chine et le Mexique...

L’échec probable de Trump, lors des élections du 8 novembre, devra s’expliquer en fonction de causes multiples : son incapacité à séduire un nombre suffisant d’électeurs modérés, de femmes, de jeunes bien éduqués, de Latinos et d’Afro-Américains pour imposer sa vision pessimiste d’une Amérique en déclin. Mais il reste qu’un large groupe d’électeurs républicains (35% environ) lui restent dévoués, corps et âmes. Comment expliquer ce phénomène ? La sociologie donne ici une réponse convaincante : Trump a su démontrer qu’il disposait de qualités exceptionnelles : un dynamisme étonnant  (stamina, selon son expression), une formidable capacité à rebondir face à des échecs nombreux et patents dans le domaine des affaires, après les révélations sur la fraude de l’université Trump, au lendemain des accusations de harcèlement sexuel... Bref, Trump a réussi à convaincre ses partisans qu’il disposait des qualités attribuées par Max Weber au leader charismatique. A l’image du prophète, du chef de guerre ou du shaman, il apparaît comme un héros qui rejette la tradition, et s’affirme contre vents et marées, contre les "combines" du pouvoir en place et l’hypocrisie des nouveaux pharisiens, l’establishment républicain et les financiers de Wall Street. Son autorité, dans cette optique, n’est pas fondée sur la compétence, mais sur le fait que l’action et les succès du leader charismatique sont "hors normes", malgré les obstacles et les revers subis. Son inspiration est magique, irrationnelle, affranchie de toute règle établie, sur le mode de "Il est écrit... mais moi je vous dis... (Voir Max Weber, L’Ethique économique des religions mondiales, 1915-1920). C’est pourquoi les approximations, les conspirations, les contre-vérités sans cesse énoncées par Trump sont parfaitement acceptables pour ses supporters : seules comptent la force de ses convictions, l’authenticité de son message et la promesse d’innombrables bienfaits accordés aux nouveaux dominés.

 
 

 

VIENT DE PARAÎTRE

         
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Laetitia Bucaille, Palestine  : de l’Etat introuvable à la nation en déroute. A quoi servent les dirigeants palestiniens ?"

Les Etudes du CERI, n° 224, octobre 2016, disponible en ligne.

 
         
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Samy Cohen, Israël et ses colombes. Enquête sur le camp de la paix

Gallimard, hors série "Connaissance", 2016, 320 p.

 
         
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Hélène Combes, Gabriel Vommaro, El clientelismo político desde 1950 hasta nuestros días

Siglo Veintiuno Editores, 2016, 192 p.

 
         
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Denis Lacorne, Les frontières de la tolérance

Gallimard, coll. "Esprit de la cité", 2016, 256 p.

 
         
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Jacques Sémelin, Jean Guilaine (dir.), Violences de guerre, violences de masse. Une approche archéologique

La Découverte, coll. "Recherches", 2016, 400 p.

 
         
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Romain Bertrand, Colonisation, une autre histoire

Documentation Française, revue Dossier photographique, 2016, n° 8114, 64 p.

 
         
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European Revue of International Studies (ERIS)

N° 1, vol. 3, Spring 2016. Sommaire disponible en ligne.

 

COUP D'ŒIL

  Observatoire international du religieux  
     
 

Depuis septembre 2016, le CERI et le Groupe Sociétés, Religions, Laïcités (GSRL) ont mis en place un observatoire consacré aux enjeux internationaux du fait religieux et soutenu par le ministère de la Défense. Nos deux laboratoires ont ainsi décidé de mutualiser leur expérience scientifique, en partant du constat initial que le facteur religieux avait été insuffisamment pris en compte dans les relations internationales et la vie politique, par les scientifiques tout comme par les journalistes, les acteurs sociaux et les responsables publics. Son importance, pour nos sociétés, a été brutalement redécouverte au début des années 2000 à la suite des attentats perpétrés par des islamistes radicaux, aux Etats-Unis, puis en Europe. Mais comment se saisir de ce phénomène avec des grilles de lecture théoriques rigoureuses, en suivant une méthode scientifique robuste et en mobilisant des données de première main ?

Ce nouvel observatoire animé par un comité de pilotage paritaire se propose d’explorer le facteur religieux avec des moyens jusqu’à présents inédits. Il entend couvrir un large spectre thématique (mouvements sectaires, processus de radicalisation, justification dogmatique de la violence, sociologie historique de la laïcité, diplomatie papale, ONG…), à travers les contributions ponctuelles d’une quarantaine de chercheurs du CERI et du GSRL travaillant sur des terrains aussi divers que l’Afrique sub-saharienne, le Maghreb et le Moyen-Orient, les Balkans, le Caucase, l’Asie centrale ou le Sud-Est asiatique.

Dans un premier temps, les travaux de l’observatoire feront l’objet d’une diffusion restreinte auprès des acteurs et décideurs publics, mais une publication à plus large portée pourra être envisagée à terme. Un séminaire annuel sera également organisé, portant sur un thème précis (la violence par exemple) et réunissant des spécialistes reconnus, français et étrangers, de la dimension internationale des phénomènes religieux.

Contacts : alain.dieckhoff@sciencespo.fr et philippe.portier@gsrl.cnrs.fr, directeurs scientifiques ;  adrien.fauve@sciencespo.fr, secrétaire scientifique de l’observatoire

BRÈVES

  Benoit Pelopidas rejoint le CERI  
     
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Depuis le 1 septembre 2016, Benoit Pelopidas a rejoint le département de science politique de Sciences Po en tant qu’Assistant Professor. Rattaché au CERI, il est titulaire de la chaire d’excellence junior en études de sécurité (USPC-IDEX). Il est aussi chercheur affilié au Centre pour la Sécurité Internationale et la Coopération (CISAC) à Stanford et chercheur invité au Programme pour la Science et la Sécurité (SGS) à Princeton. Il est le co-organisateur du groupe de travail sur l’ordre nucléaire global au sein de l’Association Britannique d’Etudes internationales (BISA).

Benoit Pelopidas a obtenu son doctorat en cotutelle entre Sciences Po et l’Université de Genève et a reçu le prix de meilleure thèse de l’année en études internationales du Réseau Suisse d’Etudes Internationales (SNIS). Il a également obtenu deux autres prix internationaux pour sa recherche et, en 2016, le British Academy Rising Star Engagement Award. Il a enseigné à l’Université de Genève, au Monterey Institute for International Studies et à l’Université de Bristol. Il est intervenu à la International School on Disarmament and Research on Conflicts (ISODARCO), au Collège de Défense de l’OTAN et dans différents programmes de formation de diplomates sur les questions nucléaires. A Sciences Po, il enseigne à PSIA et sur le campus de Reims.

Il est co-auteur de L’Empire au miroir. Stratégies de puissance aux Etats-Unis et en Russie (Genève, Droz, 2007), étendu et traduit en anglais sous le titre When Empire Meets Nationalism (Ashgate, 2009) et a notamment publié dans le Bulletin of the Atomic Scientists, la Nonproliferation Review, la Cambridge Review of International Studies et le European Journal of Social Sciences. Au cours des trois dernières années, il a édité la première histoire globale de la crise dite des "missiles de Cuba" à partir de documents d’archives inédits dans 13 pays ; ce travail est en cours d’évaluation. Ses publications les plus récentes portent sur l’histoire politique et stratégique de la France nucléaire, l’autocensure au sein des études de sécurité nucléaire et sur l’attitude des jeunes citoyens européens vis-à-vis des armes nucléaires.

Le programme de recherche de la chaire qu’il dirige porte sur les politiques de la vulnérabilité épistémique a l’âge nucléaire. Il s’intéresse à la formulation, circulation et légitimation du savoir relatif aux armes nucléaires et à leurs conséquences éthiques et politiques dans la sphère nucléaire et au-delà.

Contact : benoit.pelopidas@sciencespo.fr

  Pierre Hassner recompensé  
     
 

Le ministre de la Défense Jean-Yves Le Driant a remis le prix spécial du jury du prix Brienne du Livre Géopolitique 2016 à Pierre Hassner pour l'ensemble de son oeuvre, à l'occasion de la parution de son ouvrage La revanche des passions. Métamorphoses de la violence et crises du politique (Fayard, 2015).

  Habilitation à diriger les recherches (HDR)  
     
 

- Sandrine Revet, Disasterland. Ethnographie de la formation d'un monde social international, le 27 octobre 2016 à l'EHESS.

  Prix de thèse  
     
 

Lea Müller-Funk, docteure associée au CERI, a obtenu le prix de thèse du Ministère de la recherche autrichien pour son travail "La politique transnationale au‑delà des soulèvements arabes : l'activisme égyptien à Vienne et à Paris", réalisé en cotutelle avec l'Université de Vienne et codirigé par Catherine Wihtol de Wenden.

ÉVÉNEMENTS

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La crise au Brésil

Séminaire de recherche.
27 octobre 2016, 17h-19h

 
 

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Brève histoire d'une transition singulière en RCA

Débat.
2 novembre 2016, 17h-19h

 
 

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Israel and Africa: a Genealogy of Moral Geography

Débat.
3 novembre 2016, 17h30-19h30

 
 

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DIBATTITO SUL REFERENDUM DEL 4 DICEMBRE

Débat.
10 novembre 2016, 19h15-20h45

 
 

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The Conservative Revolution in East-Central Europe

Débat.
15 novembre 2016, 12h-14h30

 
 

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Les diasporas africaines aux urnes

Séminaire de recherche.
17 novembre 2016, 17h-19h

 
 

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Democratic and Effective Oversight of National Security Services

Débat.
28 novembre 2016, 17h30-19h

 
 

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PUBLICATIONS

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