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28 mai 2015

Sciences Po | Ceri - CNRS  
     
 

Édito

  L’Inde de Modi, un an après : un bilan (in)attendu  
     
 

Par Christophe Jaffrelot

Les seizièmes élections générales indiennes ont porté Narendra Modi au pouvoir il y a un an exactement donnant même à son parti, le Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien, BJP), une majorité absolue à la chambre basse du parlement (la Lok Sabha). Depuis, contrairement à ses promesses, la politique économique n’a pas été au cœur de son action. En revanche, le Premier ministre a fait bouger les lignes du jeu politique mais a surtout créé la surprise sur le front diplomatique par un activisme dont témoigne le nombre de ses voyages à l’étranger.

Economie : la réforme à pas comptés

Le programme électoral du BJP prévoyait de libérer l’Inde du socialisme à la Nehru. Certes, des mesures ont été prises en faveur des entreprises dont le taux d’imposition est passé de 30% à 25%. Mais, le niveau des subventions – bête noire des économistes libéraux qui entourent le Premier ministre – n’a pas baissé, du moins dans le budget. Reste à voir si celles-ci seront effectivement distribuées. En fait, il a fallu attendre le mois d’avril dernier pour voir le gouvernement Modi s’attaquer à une réforme majeure, celle d’une loi phare de l’ère Manmohan Singh qui visait à protéger les paysans contre l’expansion de l’industrie et des entreprises minières. Le texte stipulait que l’expropriation des habitants d’un village n’était possible que si 80% de ces derniers acceptaient les compensations qui leurs étaient proposées. Le gouvernement Modi se propose d’amender cette loi en levant en faisant sauter la clause de la consultation des habitants quand il s’agit, notamment, de créer un corridor industriel. Ce projet pourrait susciter des manifestations populaires dont l’opposition est susceptible de tirer parti.

La personnalisation du pouvoir

L’arrivée au pouvoir d’un parti majoritaire à la Lok Sabha, une première depuis 1984, ne pouvait manquer de se traduire par une centralisation du pouvoir tranchant avec le fonctionnement chaotique des coalitions à géométrie variable qui ont prévalu de 1996 à 2014. Mais peu d’observateurs avaient prévu une telle concentration du pouvoir dans les mains d’un seul homme. En effet, Narendra Modi règne sans partage. Son gouvernement ne compte que quatre personnalités dotées d’une expérience ministérielle ou ayant occupé des responsabilités nationales au sein du BJP et certaines de ces figures n’ont pas même été autorisées à choisir seules leur chef de cabinet. Toutes sont en outre court-circuitées par le Prime Minister Office qui s’adresse directement à leurs administrations. Enfin, Modi est parvenu à imposer son plus fidèle lieutenant, Amit Shah à la tête du BJP.

Cette personnalisation du pouvoir n’est pas du goût du mouvement nationaliste hindou, dont Modi est pourtant issu. L’organisation clé, officiellement apolitique, qu’est le Rashtriya Swayamsevak Sangh (Organisation des serviteurs de la nation, RSS) s’inquiète à la fois du pouvoir de Modi – qui ne semble plus toujours disposé à lui prêter allégeance – et de la dilution de son idéologie au nom d’un pragmatisme de bon aloi. La nébuleuse nationaliste hindoue a d’ailleurs été à l’origine de campagnes d’agitation anti-musulmanes et anti-chrétiennes au cours des derniers mois. La dénonciation du soi-disant prosélytisme de ces minorités a débouché sur un important mouvement de « reconversion », des églises ont été brûlées des religieux chrétiens attaqués.

Modi, après plusieurs mois de silence, a fini par d’élever contre ces agissements. Leur recul ces dernières semaines pourrait témoigner d’un modus vivendi entre le Premier ministre et le mouvement nationaliste hindou.

Un nouvel activisme international

Modi a investi le terrain diplomatique avec une énergie sans précédent. Il a ainsi visité dix-huit pays en moins d’un an. Cet activisme s’explique par le désir de puissance et de reconnaissance international qui taraude les nationalistes hindous. Mais il reflète aussi deux autres motivations.

Premièrement, le Premier ministre cherche à contrer l’influence croissante de la Chine en Asie – et notamment en Asie du Sud. Après avoir invité tous ses voisins à la cérémonie de son investiture en mai 2014, Modi a essayé de retourner ceux qui s’étaient rapprochés de Beijing – à l’exception du Pakistan, une cause perdue de ce point de vue. D’où sa visite couronnée de succès au Sri Lanka, pays qui prend actuellement ses distances avec la Chine après être devenu son partenaire attitré dans bien des domaines. Modi s’est également concentré sur le Japon, l’Australie, le Vietnam, la Corée du Sud, la Mongolie, tous inquiets de l’expansionnisme chinois.

Deuxièmement, Modi utilise ses tournées de par le monde pour renforcer à la fois son potentiel stratégique (militaire – achat de 34 avions Rafales en France – ou énergétique – contrats sur l’uranium signés avec le Canada et l’Australie) et sa capacité d’attraction économique. Son mot d’ordre, Make in India, vise en effet à attirer les investisseurs étrangers sans lesquels l’industrialisation du pays ne peut se développer. D’où une contradiction latente avec le point précédent car la Chine figure parmi les investisseurs étrangers que Modi courtise assidûment.

Les quatre années qui séparent Modi des prochaines élections générales vont être rythmées par de nombreux scrutins régionaux. En 2014, le BJP a progressé, voire triomphé, partout. En 2015, il a essuyé une défaite cuisante dans l’Etat de Delhi. Un rendez vous électoral important aura lieu à l’automne dans le Bihar. A suivre donc …

 
 

 

VIENT DE PARAÎTRE

         
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Christophe Jaffrelot, The Pakistan Paradox. Instability and Resilience

Hurst & Co, collection "Comparative Politics and International Studies", 2015, 684 p.

 
         
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Béatrice Hibou, The Bureaucratization of the World in the Neoliberal Era. An International and Comparative Perspective

Palgrave Macmillan, collecton "International Relations and Political Economy", 2015, 264 p.

 
         
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Tanja Mayrgündter, The "Enlargement Paradox". Intergovernmental Supranationalism Survives despite the Winds of Change

Etude du CERI n° 211, avril 2015, disponible en ligne.

 
         
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Revue Critique Internationale, n°67, avril-juin 2015

Dossier "Sociologie politique du plaidoyer", sous la responsabilité de Étienne Ollion et Johanna Siméant.

 
         
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Maurice Vaïsse, Les relations internationales depuis 1945

Armand Colin, 14e édition actualisée, 2015, 334 p.

 
         
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Emilija Pundziute-Gallois, Diplomatie de l'arrogance. Le cas de la Russie dans les pays baltes

L'Harmattan, 2015, 186 p.

 

COUP D'ŒIL

  OXPO et CAMPO, programmes de coopération avec Oxford et Cambridge  
     
 

Le CERI participe activement aux programmes de mobilité et de coopération scientifique établis par Sciences Po avec les deux meilleures universités britanniques, Oxford et, depuis cette année, Cambridge.

Dans le cadre du programme OXPO, en 2014-2015, notre centre a accueilli trois enseignants-chercheurs invités : deux spécialistes de relatiions internationales, Andrew Hurrell (juin 2014) et Hartmut Mayer (septembre 2014) et un spécialiste d'études régionales, Tim Power, expert du Brésil. Deux doctorants d'Oxford, Tristan Naylor et Maziyar Ghiabi ont également séjourné au CERI à l'été et à l'automne 2014.

Pour la prochaine année universitaire, plusieurs chercheurs et doctorants du CERI ont été sélectionnés pour prendre part à ces prestigieux programmes d'échanges. Ainsi, Antonela Capelle-Pogacean, chargée de recherche au CERI, effectuera un séjour au Nuffield College, tandis qu'Eduardo Rios poursuivra ses recherches doctorales au sein du Département de Sociologie d'Oxford. En parallèle, deux doctorants en relations internationales, Alice Pannier et Corentin Cohen, seront accueills par POLIS, le Département de Science Politique et d'Etudes Internationales de Cambridge, tandis que le CERI recevra Kalypso Nikolaidis et Jasmine Bathia d'Oxford et deux doctorants de Cambridge.

BRÈVES

  Soutenances de thèse  
     
 

- Tine Gade, De la genèse à la désintégration : la crise du champ politico-religieux à Tripoli, Liban (1967-2011), sous la direction de Gilles Kepel (21 avril 2015)

- Julio Burdman, Le présidentialisme populiste : ses effets sur le système politique argentin contemporain, sous la direction d'Olivier Dabène (12 mai 2015)

- Karolina Sztandar-Sztanderska, Le traitement administratif des chômeurs en Pologne, sous la direction de François Bafoil et de Wieslawa Kozek, en cotutelle avec l'Université de Varsovie (29 mai 2015)

- Aurélie Biard, État, religion et société en Asie centrale post-soviétique : usages du religieux, pratiques sociales et légitimités politiques au Kirghizstan, sous la direction de Patrick Michel (29 mai 2015)

ÉVÉNEMENTS

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Un "forensic turn" globalisé. L'exhumation et l'identification des cadavres après violences de masse

Débat.
3 juin 2015, 17h-19h

 
 

+ d'infos

 
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Le changement dans la gouvernance globale des forêts : la recentralisation de l'action européenne contre le commerce international de bois illégal

Séminaire de recherche.
3 juin 2015, 17h-19h

 
 

 
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The Ukrainian Judiciary after Euromaidan: Continuity and Change

Séminaire de recherche.
4 juin 2015, 14h30-16h30

 
 

 
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Thaïlande, un an après le coup d’état : bilan et perspectives

Débat.
4 juin 2015, 17h-19h

 
 

+ d'infos

 
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Les commissions économiques de l'ONU

Séminaire de recherche.
4 juin 2015, 17h-19h

 
 

 
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Environnement et Organisations internationales. Enjeux d’appropriation et de régulation du global au local

Séminaire de recherche.
9 juin 2015, 9h30-17h30

 
 

 
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The Ambivalent Role of Culture in the New Cold War: Perspectives from the Baltic States

Séminaire de recherche.
10 juin 2015, 17h15-19h

 
 

 
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Genre, inégalités, discriminations

Colloque.
16 juin 2015, 8h50-17h45

 
 

 
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Vers l'égalité dans une situation de pluralisme religieux et juridique: Les droits de divorce des femmes en Indonésie

Séminaire de recherche.
18 juin 2015, 14h-16h

 
 

 
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Les marchés de capacité dans la transition énergétique

Séminaire de recherche.
23 juin 2015, 10h-12h

 
 

 

PUBLICATIONS

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