|
Édito
|
L’Union européenne défiée par la Hongrie |
|
|
|
|
|
Par Christian
Lequesne
Est-il
plus facile de violer les règles de la démocratie quand on est déjà membre de
l’Union européenne (UE) que lorsque l’on souhaite le devenir, ou que l’on
envisage de signer avec elle un accord en qualité d’Etat tiers ? La
question mérite d’être posée au regard des développements politiques en
Hongrie.
Il
y a d’abord une déception européenne sur la trajectoire de la Hongrie depuis la
fin du communisme. On se souvient qu’en 1989, ce pays était présenté comme
celui qui avait le plus de chances de réussir sa conversion vers l’économie de
marché et la démocratie. Les experts étaient unanimes : le "socialisme du goulasch", réputé moins idéologique et plus
pragmatique que celui des autres démocraties populaires, avait préparé la
Hongrie à se transformer rapidement.
Ce
n’est pas ce qui s’est passé. Si la Hongrie a été le premier Etat d’Europe
centrale à demander en 1994 l’adhésion à l’UE, elle a ensuite rencontré beaucoup
de difficultés dans sa transition économique comme dans l’affermissement de sa
démocratie. Les raisons de ces difficultés sont doubles : tout d’abord, le "modèle hongrois" n’a pas conduit à des réformes aussi
radicales de l’économie que dans d’autres pays de la région. Prenons la
Pologne : quoi qu’en ont dit tous les critiques du libéralisme de Leszek Balcerowicz,
c’est notamment grâce à sa "thérapie de choc" que ce pays s’en sort
bien aujourd’hui. Deuxièmement, la Hongrie n’a jamais réussi à surmonter son
pathos identitaire ; une partie de sa population continue de vivre sur la
représentation d’une injustice de l’histoire qui l’a amputée des deux tiers de son
territoire après la Première Guerre mondiale. Cela nourrit un nationalisme du ressentiment,
habilement exploité par les partis de droite et d’extrême-droite. Le
Premier ministre Victor Orban a ainsi réussi à s’imposer dans la vie politique
hongroise d’abord autour du rejet du communisme mais aussi, de plus en plus, en
prenant la défense d’une Hongrie qui fut « grande » et qui entend ne
rien renoncer de sa souveraineté nationale. Lors de son retour au pouvoir en
2010, Orban a profité en outre de l’indigence de l’opposition socialiste qui
avait géré l’économie depuis 2002 de manière catastrophique, conduisant le pays
à être l’un des membres de l’UE les plus touchés par la crise économique de
2008.
La
doxa politique orbanienne du souverainisme étroit n’est pas compatible avec les
règles élémentaires de l’Union européenne. Elle l’a conduit à violer
régulièrement les droits fondamentaux qui sont inscrits dans les traités
européens, en bridant l’indépendance des juges et des médias, en jetant
l’opprobre sur les ONG financées par l’étranger, en mettant au pas la Cour constitutionnelle,
et en stigmatisant l’homosexualité. Certes, depuis 2010, la Commission et le Parlement
européens ont régulièrement dénoncé les agissements du gouvernement Orban, adopté
plusieurs déclarations, menacé de ne pas nommer telle ou telle personnalité
hongroise (comme récemment le commissaire Tibor Navracsics). Mais, au final, il
n’en est rien sorti de concret. L’article
7 du traité sur l’UE prévoit pourtant que tout Etat membre qui viole les droits
fondamentaux peut voir certains de ses droits suspendus par le Conseil et le Parlement
européens, "y compris les droits de vote du représentant du gouvernement
de cet Etat membre". Cette procédure, qui requiert des conditions de
majorité stricte, n’a toutefois jamais été utilisée. En 2000, lorsque le
Premier ministre chrétien-démocrate autrichien Wolfgang Schlüssel avait choisi
de former une coalition gouvernementale avec le parti d’extrême-droite de Jörg
Haider, plusieurs Etats membres avaient voulu l’utiliser, mais n’ont jamais réussi
à se mettre d’accord. Certains, dont la France et la Belgique, prirent alors
des sanctions ad hoc à l’égard de l’Autriche,
qui furent rapidement levées. Quand Silvio Berlusconi forma l’année suivante un
gouvernement avec la Ligue du Nord et le parti néo-fasciste Alliance nationale,
aucun Etat de l’Union ne remit sur la table l’idée de sanctions. La "leçon
autrichienne" était passée par là.
La
réalité est qu’il est difficile pour les Etats membres de l’UE comme pour les
institutions européennes de prôner l’application de sanctions à l’égard d’un
gouvernement issu des urnes, comme c’est le cas de celui d’Orban soutenu par
une confortable majorité au Parlement hongrois. L’Union européenne est
tributaire du formalisme des élections. Elle hésite toujours à sanctionner les gouvernements
élus par les peuples lors d’élections régulières, même si ceux-ci violent sans
vergogne les lois de la démocratie. Il
n’est pas certain qu’il pourra toujours en être ainsi à l’avenir. D’abord,
parce les partis extrémistes faisant peu de cas des règles fondamentales de la
démocratie (notamment le respect des étrangers) sont en train de prendre du
poids dans tous les pays de l’UE. Leurs chances de se retrouver dans des
gouvernements de coalition s’accroissent, ce qui constitue une menace pour les
valeurs démocratiques de l’UE. En second lieu, l’UE a la prétention d’être une
puissance normative qui tire sa légitimité de son attachement au respect de la
démocratie et de l’Etat de droit. Le pouvoir d’attraction de la norme européenne
reste fort, comme on l’a vu récemment en Ukraine, en Moldavie ou en Géorgie. En
même temps, il y a une forte contradiction à prôner cette norme à l’extérieur
si l’UE n’est pas capable de la faire respecter en son sein. L’attitude molle
de l’UE à l’égard du gouvernement Orban n’est donc pas cantonnée au problème de
la seule Hongrie. Elle pose ouvertement la question de sa crédibilité en tant
que puissance ayant l’ambition d’attirer par la norme démocratique. C’est cette
contradiction que cherche aujourd’hui à exploiter Vladimir Poutine, pour qui le
discours démocratique de l’UE serait en fait marqué par la réalité des doubles
standards. Une tactique qui lui vaut de gagner de plus en plus de points
auprès des partis nationalistes et extrémistes, en Hongrie comme ailleurs en
Europe, et notamment en France.
|
|
|
|
|
|
|
|
VIENT DE PARAÎTRE
|
|
|
|
|
|
|
|
|
OPALC, Amérique latine 2014. L'année politique
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Thomas Fouquet, Penser au-delà du "terrain sexuel" à Dakar. Éléments d’une épistémologie située
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Revue Critique Internationale, n°65, octobre-décembre 2014
Dossier "Les conflits du travail dans le monde", volume 2, sous la responsabilité de Maxime Quijoux. Voir la table des matières
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Stéphanie Balme et al., Le procès civil en version originale. Cultures judiciaires comparées. France, Chine, Etats-Unis
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Françoise Mengin (dir.), Taiwan : de la fabrique d'un Etat
Direction du numéro 36 de la revue Sociétés politiques comparées, novembre 2014, 159 p. Disponible sur le site web du FASOPO.
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Sandrine Perrot et al. (dir.), Elections in a hybrid regime. Revisiting the 2011 Ugandan Polls
Kampala, Fountain Publishers, 2014
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Daniel Sabbagh et al. (dir.), Fair Access to Higher Education: Global Perspectives
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Grégoire Mallard, Fallout. Nuclear Diplomacy in an Age of Global Fracture
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Adrien Fauve, Bienvenue à Astana
Paris, Les éditions B2, collection Territoires, 2014, 120 p.
|
|
|
|
|
|
|
|
COUP D'ŒIL
|
|
|
|
|
Les Etudes du CERI en open access |
|
|
|
|
|
En 2015, Les Etudes du CERI fêtent leurs vingt
ans. Cette publication phare du CERI devient à cette occasion une revue
exclusivement électronique et gratuite, en libre accès sur notre site web.
Forte d’un
catalogue de plus de deux cents titres abondé chaque année par une dizaine de
volumes, elle explore des thématiques politiques, sociales ou économiques
relatives à un pays, une région ou un enjeu international.
Les Etudes du CERI ont la
particularité d’être des "retours de mission" : ce sont des analyses
inédites rédigées à l’issue de voyages de recherche. Les textes sont traités
avec la rigueur qui distingue les travaux académiques : chaque volume est
réalisé selon les règles d’une publication scientifique à comité de lecture. Cette
expérience directe du terrain est une "marque de fabrique" de
l’approche des études régionales qui caractérise le CERI et le distingue,
notamment, des think tanks non
académiques.
Les Etudes du CERI contribuent à la diffusion de la
recherche au-delà des cercles universitaires, auprès des décideurs, des
journalistes, des enseignants et de tout citoyen soucieux des évolutions du
monde. En la mettant gratuitement en
ligne, le CERI témoigne de son attachement au partage du savoir scientifique à
travers l’accès libre aux résultats de la recherche.
|
|
|
|
|
BRÈVES
|
|
|
|
|
Projets, distinctions, mobilités |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Appel à contributions - Relations Internationales |
|
|
|
|
|
Frédéric Ramel, professeur à Sciences Po et chercheur au CERI, y co-anime une section de panels consacrée à l'esthétique
en relations internationales.
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Soutenances de thèses |
|
|
|
|
|
- Iskander Rehman, L'Inde et sa Marine au 21e siècle, sous la direction de Christophe Jaffrelot (17 décembre 2014).
|
|
|
|
|
|
|
ÉVÉNEMENTS
|
|
|
|
Pakistan: Internal Dynamics and External Challenges
Colloque. 15 décembre 2014, 9h30-17h
|
|
|
+ d'infos
|
|
|
|
|
|
L'état documentaire et les mondes du papier en Afrique. Matérialité, technologies, Affects.
Séminaire de recherche. 15 décembre 2014, 14h-16h
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Transferts normatifs, politiques et institutionnels en RI et politique étrangère
Séminaire de recherche. 15 décembre 2014, 12h-14h
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Géopolitique de l’énergie
Séminaire de recherche. 16 décembre 2014, 10h-12h
|
|
|
|
|
|
|
|
|
India’s foreign policy under Narendra Modi: Change or Continuity?
Séminaire de recherche. 17 décembre 2014, 14h-17h
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Biodiversité et Services écosystémiques : politiques, diffusion et/ou transferts
Séminaire de recherche. 17 décembre 2014, 17h-19h
|
|
|
|
|
|
|
|
|
De Staline à Mao
Débat. 17 décembre 2014, 17h30-19h
|
|
|
|
|
|
|
|
|
The Making of Chinese Subjects
Colloque. 18 et 19 décembre 2014
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Une histoire globale des organisations internationales
Séminaire de recherche. 18 décembre 2014, 17h-19h
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Séminaire Doctoral Chine
Séminaire de recherche. 22 décembre 2014, 14h-16h
|
|
|
|
|
PUBLICATIONS
|
|