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NEWSLETTER

15 décembre 2014

Sciences Po | Ceri - CNRS  
     
 

Édito

  L’Union européenne défiée par la Hongrie  
     
 

Par Christian Lequesne

Est-il plus facile de violer les règles de la démocratie quand on est déjà membre de l’Union européenne (UE) que lorsque l’on souhaite le devenir, ou que l’on envisage de signer avec elle un accord en qualité d’Etat tiers ? La question mérite d’être posée au regard des développements politiques en Hongrie.

Il y a d’abord une déception européenne sur la trajectoire de la Hongrie depuis la fin du communisme. On se souvient qu’en 1989, ce pays était présenté comme celui qui avait le plus de chances de réussir sa conversion vers l’économie de marché et la démocratie. Les experts étaient unanimes : le "socialisme du goulasch", réputé moins idéologique et plus pragmatique que celui des autres démocraties populaires, avait préparé la Hongrie à se transformer rapidement.

Ce n’est pas ce qui s’est passé. Si la Hongrie a été le premier Etat d’Europe centrale à demander en 1994 l’adhésion à l’UE, elle a ensuite rencontré beaucoup de difficultés dans sa transition économique comme dans l’affermissement de sa démocratie. Les raisons de ces difficultés sont doubles : tout d’abord, le "modèle hongrois" n’a pas conduit à des réformes aussi radicales de l’économie que dans d’autres pays de la région. Prenons la Pologne : quoi qu’en ont dit tous les critiques du libéralisme de Leszek Balcerowicz, c’est notamment grâce à sa "thérapie de choc" que ce pays s’en sort bien aujourd’hui. Deuxièmement, la Hongrie n’a jamais réussi à surmonter son pathos identitaire ; une partie de sa population continue de vivre sur la représentation d’une injustice de l’histoire qui l’a amputée des deux tiers de son territoire après la Première Guerre mondiale. Cela nourrit un nationalisme du ressentiment, habilement exploité par les partis de droite et d’extrême-droite. Le Premier ministre Victor Orban a ainsi réussi à s’imposer dans la vie politique hongroise d’abord autour du rejet du communisme mais aussi, de plus en plus, en prenant la défense d’une Hongrie qui fut « grande » et qui entend ne rien renoncer de sa souveraineté nationale. Lors de son retour au pouvoir en 2010, Orban a profité en outre de l’indigence de l’opposition socialiste qui avait géré l’économie depuis 2002 de manière catastrophique, conduisant le pays à être l’un des membres de l’UE les plus touchés par la crise économique de 2008.

La doxa politique orbanienne du souverainisme étroit n’est pas compatible avec les règles élémentaires de l’Union européenne. Elle l’a conduit à violer régulièrement les droits fondamentaux qui sont inscrits dans les traités européens, en bridant l’indépendance des juges et des médias, en jetant l’opprobre sur les ONG financées par l’étranger, en mettant au pas la Cour constitutionnelle, et en stigmatisant l’homosexualité. Certes, depuis 2010, la Commission et le Parlement européens ont régulièrement dénoncé les agissements du gouvernement Orban, adopté plusieurs déclarations, menacé de ne pas nommer telle ou telle personnalité hongroise (comme récemment le commissaire Tibor Navracsics). Mais, au final, il n’en est rien sorti de concret. L’article 7 du traité sur l’UE prévoit pourtant que tout Etat membre qui viole les droits fondamentaux peut voir certains de ses droits suspendus par le Conseil et le Parlement européens, "y compris les droits de vote du représentant du gouvernement de cet Etat membre". Cette procédure, qui requiert des conditions de majorité stricte, n’a toutefois jamais été utilisée. En 2000, lorsque le Premier ministre chrétien-démocrate autrichien Wolfgang Schlüssel avait choisi de former une coalition gouvernementale avec le parti d’extrême-droite de Jörg Haider, plusieurs Etats membres avaient voulu l’utiliser, mais n’ont jamais réussi à se mettre d’accord. Certains, dont la France et la Belgique, prirent alors des sanctions ad hoc à l’égard de l’Autriche, qui furent rapidement levées. Quand Silvio Berlusconi forma l’année suivante un gouvernement avec la Ligue du Nord et le parti néo-fasciste Alliance nationale, aucun Etat de l’Union ne remit sur la table l’idée de sanctions. La "leçon autrichienne" était passée par là.

La réalité est qu’il est difficile pour les Etats membres de l’UE comme pour les institutions européennes de prôner l’application de sanctions à l’égard d’un gouvernement issu des urnes, comme c’est le cas de celui d’Orban soutenu par une confortable majorité au Parlement hongrois. L’Union européenne est tributaire du formalisme des élections. Elle hésite toujours à sanctionner les gouvernements élus par les peuples lors d’élections régulières, même si ceux-ci violent sans vergogne les lois de la démocratie. Il n’est pas certain qu’il pourra toujours en être ainsi à l’avenir. D’abord, parce les partis extrémistes faisant peu de cas des règles fondamentales de la démocratie (notamment le respect des étrangers) sont en train de prendre du poids dans tous les pays de l’UE. Leurs chances de se retrouver dans des gouvernements de coalition s’accroissent, ce qui constitue une menace pour les valeurs démocratiques de l’UE. En second lieu, l’UE a la prétention d’être une puissance normative qui tire sa légitimité de son attachement au respect de la démocratie et de l’Etat de droit. Le pouvoir d’attraction de la norme européenne reste fort, comme on l’a vu récemment en Ukraine, en Moldavie ou en Géorgie. En même temps, il y a une forte contradiction à prôner cette norme à l’extérieur si l’UE n’est pas capable de la faire respecter en son sein. L’attitude molle de l’UE à l’égard du gouvernement Orban n’est donc pas cantonnée au problème de la seule Hongrie. Elle pose ouvertement la question de sa crédibilité en tant que puissance ayant l’ambition d’attirer par la norme démocratique. C’est cette contradiction que cherche aujourd’hui à exploiter Vladimir Poutine, pour qui le discours démocratique de l’UE serait en fait marqué par la réalité des doubles standards. Une tactique qui lui vaut de gagner de plus en plus de points auprès des partis nationalistes et extrémistes, en Hongrie comme ailleurs en Europe, et notamment en France.

 
 

 

VIENT DE PARAÎTRE

         
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OPALC, Amérique latine 2014. L'année politique

Les Etudes du CERI, n° 207-208, décembre 2014.

 
         
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Thomas Fouquet, Penser au-delà du "terrain sexuel" à Dakar. Éléments d’une épistémologie située

Questions de Recherche, n°44, novembre 2014.

 
         
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Revue Critique Internationale, n°65, octobre-décembre 2014

Dossier "Les conflits du travail dans le monde", volume 2, sous la responsabilité de Maxime Quijoux. Voir la table des matières

 
         
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Stéphanie Balme et al., Le procès civil en version originale. Cultures judiciaires comparées. France, Chine, Etats-Unis

Paris, Lexis-Nexis, 2014. E-book disponible en ligne

 
         
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Françoise Mengin (dir.), Taiwan : de la fabrique d'un Etat

Direction du numéro 36 de la revue Sociétés politiques comparées, novembre 2014, 159 p. Disponible sur le site web du FASOPO.

 
         
   

Sandrine Perrot et al. (dir.), Elections in a hybrid regime. Revisiting the 2011 Ugandan Polls

Kampala, Fountain Publishers, 2014

 
         
   

Daniel Sabbagh et al. (dir.), Fair Access to Higher Education: Global Perspectives

Chicago, The University of Chicago Press, 2014, 288 p.

 
         
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Grégoire Mallard, Fallout. Nuclear Diplomacy in an Age of Global Fracture

Chicago, The University of Chicago Press, 2014, 384 p.

 
         
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Adrien Fauve, Bienvenue à Astana

Paris, Les éditions B2, collection Territoires, 2014, 120 p.

 

COUP D'ŒIL

  Les Etudes du CERI en open access  
     
 

En 2015, Les Etudes du CERI fêtent leurs vingt ans. Cette publication phare du CERI devient à cette occasion une revue exclusivement électronique et gratuite, en libre accès sur notre site web.

Forte d’un catalogue de plus de deux cents titres abondé chaque année par une dizaine de volumes, elle explore des thématiques politiques, sociales ou économiques relatives à un pays, une région ou un enjeu international.

Les Etudes du CERI ont la particularité d’être des "retours de mission" : ce sont des analyses inédites rédigées à l’issue de voyages de recherche. Les textes sont traités avec la rigueur qui distingue les travaux académiques : chaque volume est réalisé selon les règles d’une publication scientifique à comité de lecture. Cette expérience directe du terrain est une "marque de fabrique" de l’approche des études régionales qui caractérise le CERI et le distingue, notamment, des think tanks non académiques.

Les Etudes du CERI contribuent à la diffusion de la recherche au-delà des cercles universitaires, auprès des décideurs, des journalistes, des enseignants et de tout citoyen soucieux des évolutions du monde. En la mettant gratuitement en ligne, le CERI témoigne de son attachement au partage du savoir scientifique à travers l’accès libre aux résultats de la recherche.

BRÈVES

  Projets, distinctions, mobilités  
     
 

- Anne-Marie Le Gloannec a été sélectionnée par le Nobel Institute d'Oslo pour y être Visiting Fellow en mai et juin 2015.

- Jérôme Sgard figure parmi les lauréats du Alliance Program Visiting Professorship 2015-2016. Il sera accueilli par le Département d'histoire de l'Université Columbia.

- Le projet "Ethno-religious identity and politics in the Middle East and South Asia", mené par Christophe Jaffrelot et Karen Barkey (U. Columbia), a obtenu l'un des Grants for Joint Research and Reaching Projects 2015-2016 du Programme Alliance.

  Appel à contributions - Relations Internationales  
     
 
9e Conférence pan-européenne de relations internationales : l'appel à propositions de panels et de contributions est disponible sur le site : http://www.paneuropeanconference.org/2015/spage.php?s=9
Frédéric Ramel, professeur à Sciences Po et chercheur au CERI, y co-anime une section de panels consacrée à l'esthétique en relations internationales.
  Soutenances de thèses  
     
 

- Iskander Rehman, L'Inde et sa Marine au 21e siècle, sous la direction de Christophe Jaffrelot (17 décembre 2014).

ÉVÉNEMENTS

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Pakistan: Internal Dynamics and External Challenges

Colloque.
15 décembre 2014, 9h30-17h

 
 

+ d'infos

 
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L'état documentaire et les mondes du papier en Afrique. Matérialité, technologies, Affects.

Séminaire de recherche.
15 décembre 2014, 14h-16h

 
 

 
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Transferts normatifs, politiques et institutionnels en RI et politique étrangère

Séminaire de recherche.
15 décembre 2014, 12h-14h

 
 

 
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Géopolitique de l’énergie

Séminaire de recherche.
16 décembre 2014, 10h-12h

 
 

 
 

India’s foreign policy under Narendra Modi: Change or Continuity?

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Séminaire de recherche.
17 décembre 2014, 17h-19h

 
 

 
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De Staline à Mao

Débat.
17 décembre 2014, 17h30-19h

 
 

 
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The Making of Chinese Subjects

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18 et 19 décembre 2014

 
 

 
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Une histoire globale des organisations internationales

Séminaire de recherche.
18 décembre 2014, 17h-19h

 
 

 
 

Séminaire Doctoral Chine

Séminaire de recherche.
22 décembre 2014, 14h-16h

 
 

 

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