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20 janvier 2016

Sciences Po | Ceri - CNRS  
     
 

Édito

  L’Amérique latine après la gauche  
     
 

Par Olivier Dabène

La victoire en 2015 de Mauricio Macri à l’élection présidentielle en Argentine et, plus encore, la défaite du camp chaviste au scrutin législatif au Venezuela conduisent de nombreux analystes à évoquer la fin d’un cycle politique qui a vu la gauche devenir quasiment hégémonique en Amérique latine dans les années 2000.

La longévité au pouvoir de certaines forces politiques de gauche, et de leurs dirigeants emblématiques, n’a pas d’équivalent dans l’histoire de l’Amérique latine démocratique. Dans huit pays, la gauche sera restée plus de dix ans au pouvoir. Le retournement de conjoncture économique et l’usure du pouvoir sont les deux arguments le plus souvent avancés pour expliquer la fin du cycle de gauche. Cette force politique est parvenue pendant une décennie à fidéliser un électorat composé essentiellement des bénéficiaires de la croissance économique et des politiques redistributives. Les nouvelles classes moyennes ont commencé à se détourner de la gauche au pouvoir dès lors que la croissance ralentissait et que les gouvernements se montraient incapables d’engager les réformes de fond susceptibles de consolider les acquis sociaux. Le thème de l’éducation a, par exemple, cristallisé le mécontentement des jeunes au Chili ou au Brésil.
Les formations de gauche se sont par ailleurs « banalisées », au point de souffrir du même discrédit que les autres partis politiques. Le cas du Parti des travailleurs (PT) au Brésil est emblématique. La formation de Lula, qui avait longtemps incarné une « autre » façon de faire de la politique, est progressivement apparue aussi corrompue que ses adversaires. Enfin, la dérive « illibérale », voire franchement autoritaire, de certains champions de la gauche a provoqué des divisions et fait fuir une partie de l’électorat restée attachée aux valeurs démocratiques.

La tendance va-t-elle se prolonger ? Le calendrier électoral des pays gouvernés par la gauche le laisse penser. Avec toute la prudence que requiert ce genre d’exercice, il y a lieu d’envisager une défaite de la gauche au Pérou en 2016, au Chili en 2017, au Brésil, au Costa Rica et au Venezuela en 2018, et enfin au Salvador en 2019. Elle résisterait en revanche au Nicaragua, en Equateur et en Bolivie.
L’état de l’opinion publique introduit toutefois un facteur d’incertitude. Les enquêtes d’opinion mettent en évidence un profond rejet des partis politiques et des logiques représentatives. Selon le Latinobaromètre de 2015, seuls 23% des Latino-Américains se « sentent politiquement représentés par leur parlement ». Ce taux varie entre 45% en Uruguay et seulement 8% au Pérou et 13% au Brésil. Une telle crise de la représentation avait, dans les années 1990, provoqué l’émergence d’outsiders, des candidats qui n’appartenaient à aucun grand parti et qui faisaient campagne en utilisant un registre antipolitique démagogique afin de se démarquer des logiques partisanes, à l’image d’Alberto Fujimori au Pérou en 1990. Vingt ans plus tard, le rejet des classes politiques est tel, par exemple au Chili ou au Brésil, que de tels profils peuvent réapparaître.

Ils viendraient assurément brouiller les clivages politiques existants et aggraver les problèmes de gouvernabilité en Amérique latine. En 2015, deux outsiders ont été portés au pouvoir : Jimmy Morales à la présidence du Guatemala et Jaime Heliodoro Rodríguez Calderón (alias El Bronco), premier candidat indépendant à un poste de gouverneur au Mexique, dans l’Etat de Nuevo León.

Au-delà des étiquettes des partis qui alternent au pouvoir, le mouvement de balancier entre la gauche et la droite doit être apprécié à l’aune des programmes des candidats. La droite qui revient aux affaires n’est plus néo-libérale et prend bien soin de se montrer respectueuse des programmes sociaux mis en place par la gauche. Au Pérou, la favorite des sondages pour la présidentielle de 2016, Keiko Fujimori, est très critiquée par les partisans de son père, Alberto Fujimori, qui a occupé la magistrature suprême entre 1990 et 2000 et qui est aujourd’hui en prison pour corruption. Ceux-ci lui reprochent de trahir les orientations politiques conservatrices de celui qui fut, en son temps, la référence de la droite latino-américaine.

Au plan régional, la modération de la droite peut faciliter la relance de l’intégration. Avant même son entrée en fonction, Mauricio Macri a rendu visite à ses deux voisins brésilien et chilien. A l’occasion de sa prise de fonction, il a pu s’entretenir avec tous les présidents sud-américains, à l’exception de Nicolás Maduro. Il est vrai que Macri avait déclaré durant sa campagne qu’il exigerait l’activation de la clause démocratique du MERCOSUR pour suspendre le Venezuela de cette organisation, au motif que le régime chaviste ne respectait pas la démocratie. Dans son discours d’investiture, le nouveau président argentin a déclaré que lui et ses invités "croyaient en l’unité et la coopération (…) sans idées préconçues ni rancœur", et qu’il était nécessaire de "surmonter le temps des confrontations".

Clairement favorable à l’ouverture commerciale, Macri va s’employer à convaincre le Brésil de se rapprocher de l’Alliance du Pacifique. Si Dilma Rousseff parvient à se détacher quelque peu de ses préoccupations domestiques, elle prêtera sans doute une oreille attentive aux appels de son homologue argentin. Depuis le début de son deuxième mandat, la présidente brésilienne envisage une ouverture économique. Son ministre du Développement, de l’Industrie et du Commerce extérieur, Armando Monteiro, a même brisé un tabou en se prononçant en faveur de la signature d’accords de libre-échange. L’ouverture brésilienne sera lente et graduelle. Aucun accord de libre-échange n’est prévu à court terme mais des mesures de facilitation du commerce devraient être prises. Dans le même temps, l’Argentine démantèlera une partie de son dispositif protectionniste. Au sein du MERCOSUR, le Venezuela va paraître bien isolé, les autres membres – et le Chili – étant désormais favorables à une convergence avec l’Alliance du pacifique.

 
 

 

VIENT DE PARAÎTRE

         
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OPALC, Amérique latine. L'année politique 2015

Les Etudes du CERI, n° 217-218 (décembre 2015). Disponible en ligne.

 
         
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« Peut-on comparer les « révolutions de couleur » et les « printemps arabes » ?

Dossier du CERI coordonné par Anne de Tinguy et Jean-Yves Moisseron, janvier 2016, disponible en ligne.

 
         
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Hadrien Saiag, Monnaies locales et économie populaire en Argentine

Karthala, collection "Recherches internationales", 2016, 304 p.

 
         
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Justine Guichard, Regime Transition and the Judicial Politics of Enmity. Democratic Inclusion and Exclusion in South Korean Constitutional Justice

Palgrave Macmillan, collection "International Relations & Political Economy", 2016, 272 p.

 
         
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Hélène Combes, David Garibay, Camille Goirand, Les lieux de la colère. Occuper l'espace pour contester de Madrid à Sanaa

Karthala, collection "Questions transnationales", 404 p.

 

COUP D'ŒIL

  Quel monde en 2016 ? Le hors-série CERI-Alternatives économiques  
     
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Quel sera le monde de 2016 ? Cinq ans après le début des printemps arabes, leur bilan est négatif. La violence au Sud et à l’Est de la Méditerranée a conduit une partie des populations à fuir leur pays. Ces réfugiés frappent aujourd’hui à la porte de l'Europe. Par ailleurs, l’incertitude demeure sur l’issue de la guerre menée par l’Occident à l’Etat islamique. L’avenir du Moyen-Orient et la terreur djihadiste constituent deux des grands enjeux traités par le hors-série publié par le CERI et Alternatives économiques.

Intitulé "Quel monde en 2016 ?", celui-ci revient - comme chaque année depuis 2004 - sur les faits marquants de l’année écoulée et propose un tour du monde de l’actualité internationale. Elaboré conjointement par la direction du CERI et celle d’Alternatives économiques, rédigé en partie par des chercheurs du CERI, il propose un état des lieux de la planète en abordant des enjeux aussi différents que les relations entre la Russie de Vladimir Poutine et l’Occident, les migrations ou l’avenir de l’économie numérique. Il fait un zoom sur plusieurs pays qui figureront au cœur de l’actualité en 2016 : le Brésil, l’Iran, le Royaume-Uni, Taiwan, le Nigeria, Cuba, l’Espagne, la République centrafricaine, le Venezuela, la Corée du Nord, l’Ukraine, les monarchies du Golfe, etc. Dans l’éditorial, intitulé "Un monde sans boussole", Alain Dieckhoff, directeur du CERI, fait le point sur le profond désordre du système international.

Un lancement de la publication est organisé le mardi 26 janvier à 17h au CERI. Le débat, animé par Alain Dieckhoff et Yann Mens, rédacteur en chef international d’Alternatives économiques, réunira Maya Kandel, qui parlera de la politique étrangère de Barack Obama, Laurent Bonnefoy, qui interviendra sur la guerre au Yémen, Jean-Luc Domenach, qui évoquera la menace que fait courir le ralentissement économique en Chine, et  François Gemenne, qui parlera de l’Europe face aux réfugiés.

Disponible en kiosque, le hors-série est également accessible en ligne sur le site d’Alternatives économiques.

BRÈVES

  Laurent Fourchard rejoint le CERI  
     
 

Laurent Fouchard

Laurent Fourchard, directeur de recherche à Sciences Po, a rejoint le CERI en janvier 2016. Docteur en histoire (Université de Paris 7, 2000), titulaire d’une HDR en science politique (Sciences Po, 2014), il a passé plusieurs années au Nigeria (comme directeur de l’Institut français de recherche en Afrique) et en Afrique du Sud (en tant que chercheur invité à l’Université du Cap). Il a été chargé de recherche au laboratoire Les Afriques dans le Monde (LAM) à l’IEP de Bordeaux et assuré la direction adjointe de ce laboratoire ces deux dernières années.

Ses recherches, à la croisée de la sociohistoire, de la sociologie politique et des études urbaines, portent sur les pratiques de sécurité, les politiques d’exclusion et les violences dans les métropoles du Nigeria et d’Afrique du Sud. Il travaille aussi sur les politiques comparées du gouvernement des zones urbaines et métropolitaines et sur les relations entre usagers et fonctionnaires. Il a publié une vingtaine d’articles dans des revues internationales et a dirigé cinq ouvrages sur ces questions. Il est actuellement directeur de publication de la revue Politique africaine et membre des comités de rédaction de Africa, The Journal of African History et de International Journal of Urban and Regional Research.

  Soutenances de thèse  
     
 

- Lea Mueller-Funk, La politique transnationale au‑delà des soulèvements arabes : l'activisme égyptien à Vienne et à Paris, sous la direction de Stephan Prochazka et Catherine Wihtol de Wenden, dans le cadre d'une cotutelle avec l’Universität Wien (13 janvier 2016)

- Namie Di Razza, La protection des civils par les opérations de maintien de la paix de l'ONU : le cas de la MONUC / MONUSCO en République démocratique du Congo (1999‑2015), sous la direction de Jacques Sémelin (15 janvier 2016)

- Bernd Weber, La gouvernance énergétique externe de l’UE et les fournisseurs de gaz, l’Azerbaïdjan et l’Algérie : assurer la sécurité d’approvisionnement énergétique de l’Europe entre marché et géopolitique, sous la direction de François Bafoil (26 janvier 2016)

- Nassim Majidi, Contrôler la migration à distance : retour, réintégration et redéfinition des frontières en Afghanistan, sous la direction de Catherine Wihtol de Wenden (27 janvier 2015)

ÉVÉNEMENTS

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Introduction à la jihadologie: sources et méthodes

Séminaire de recherche.
25 janvier 2016, 12h30-14h30

 
 

 
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Un monde sans boussole

Débat.
26 janvier 2016, 17h-19h30

 
 

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Amérique latine : l'année politique 2015

Débat.
28 janvier 2016, 17h-18h

 
 

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Un tournant dans la trajectoire taiwanaise? Les élections du 16 janvier 2016

Débat.
29 janvier 2016, 11h30-13h30

 
 

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Les politiques militaires en Europe. L’héritage de Bastien Irondelle.

Séminaire de recherche.
1 février 2016, 17h-19h

 
 

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FOREIGN POLICY ANALYSIS : WHY PSYCHOLOGY AND NEUROSCIENCES DO MATTER?

Séminaire de recherche.
12 février 2016, 9h15-17h

 
 

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PUBLICATIONS

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