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NEWSLETTER

18 novembre 2015

Sciences Po | Ceri - CNRS  
     
 

Édito

  Message d'Alain Dieckhoff, directeur du CERI  
     
 

A la suite des attentats aveugles qui ont frappé Paris et sa banlieue, la direction du CERI adresse, au nom de toute sa communauté de recherche, ses condoléances les plus sincères aux familles des victimes.

L'université française a été particulièrement touchée puisqu'une dizaine d'étudiants, d'enseignants et de membres du personnel universitaire figurent parmi les victimes. Il y a là un signe fort : celui d'une barbarie en acte dressée contre la culture et le savoir.

Comme centre de recherche, le CERI est viscéralement attaché à la liberté de penser, de créer, d'agir que la violence terroriste combat avec acharnement. Notre meilleure réponse sera de poursuivre inlassablement, avec encore plus de détermination, notre mission de recherche.

 
 

 
  Récits et contre-récits de la scène internationale  
     
 

Par Karoline Postel-Vinay


Comment se faire entendre dans un monde d’une complexité inouïe, où le nombre d’acteurs autour des tables de négociation va croissant et où la diversité d’intérêts semble infinie ? Comment se rendre audible dans cette nouvelle cacophonie internationale qu’on appelle aussi "gouvernance globale" et dont on attend un minimum de régulation à l’échelle planétaire ?

Prenons l’exemple du changement climatique, sujet de la prochaine grande représentation de la scène internationale, qui se jouera à Paris dans quelques jours. Les points de vue défendus autour de cette question seront, on le sait déjà, multiples et généralement divergents. Comme l’a annoncé sobrement Laurent Fabius, la tâche pour parvenir à un accord substantiel sera  "considérable". Il existe d’abord des différences d’intérêts tangibles, notamment entre les pays dont l’industrie est en plein développement et ceux qui sont des sociétés post-industrielles, entre les gros exportateurs de pétrole et les producteurs d’énergies renouvelables, entre les "pollueurs" à un titre ou un autre et les relais plus ou moins puissants de l’opinion écologique mondiale. Au-delà de ce qui relève de la négociation concrète, en termes économiques et/ou politiques, il existe également des conflits entre les différentes visions du monde qui sont des lectures de la réalité ancrées dans des expériences collectives et des histoires spécifiques. Comme l’expliquait le directeur du Centre d’analyse, de prévision et de stratégie du Quai d’Orsay lors d’une rencontre récente (1), les diplomates français peuvent difficilement engager une négociation sur un objectif tel que l’abaissement de quelques degrés Celsius de la température de la planète, lorsque leurs interlocuteurs leur opposent un discours dans un tout autre registre : celui de l’histoire du colonialisme. En substance, les représentants d’un pays autrefois colonisé par les Européens évoqueront un passé fait d’injustices et présenteront dans cette perspective leur volonté légitime de poursuivre aujourd’hui sans entraves leur développement économique. Se pose alors la question de l’audibilité dans les débats mondiaux, plus précisément, de l’importance croissante des récits et des contre-récits dans la structuration de la coopération internationale.

Les puissances occidentales produisent depuis plus d’un siècle des grands récits géopolitiques qui fédèrent l’action des Etats et influencent l’ordre de leurs priorités. Les Etats-Unis sont entrés dans la Grande Guerre avec un récit géopolitique inédit à l’époque par son caractère normatif et son ambition planétaire. Pour Woodrow Wilson, 1914 était un combat mondial du Bien contre le Mal ; pour convaincre une opinion publique américaine isolationniste à verser son sang outre-Atlantique, il fallait au moins un enjeu de cette dimension. Le même récit, moral et planétaire, mettant en scène le combat entre fascistes et anti-fascistes à une échelle mondiale sera adopté par Franklin Roosevelt en 1941 et dominera longtemps la scène internationale. Au point où l’Organisation des Nations unies, qui en est issue, ne peut, soixante-dix ans après son dénouement, s’en distancier : les cinq vainqueurs de 1945 conservent l’exclusivité du droit de veto en cas de conflit et l’Allemagne et le Japon continuent de figurer en tant qu’ "Etats ennemis" dans la charte de l’ONU. Une permanence narrative d’autant plus remarquable que la réalité "mondiale" de l’époque et la bipolarité de sa morale apparaissent désormais plus relatives : en quoi ce conflit était-il mondial quand tant de nations (d’Afrique, d’Asie), colonisées, n’avaient donc pas leur mot à dire ou n’étaient simplement pas concernées (comme nombre de pays d’Amérique latine) ? L’URSS de Staline est-elle crédible comme grande opposante aux régimes totalitaires ? Sun Yat-sen et Mao Zedong combattaient-ils vraiment le régime politique des militaristes japonais ?

D’une certaine manière, le mouvement de décolonisation qui s’est immédiatement déclenché après 1945 constituait en soi un premier contre-récit face à celui d’une "guerre mondiale" qui aura servi de ligne programmatique pour la principale organisation de coopération internationale. Depuis, les pays décolonisés, et aujourd’hui les puissances émergentes comme l’Inde ou le Brésil, ont régulièrement proposé, mais pas vraiment imposé, des narrations alternatives aux grands récits géopolitiques produits par l’Occident.

Lorsque s’est construit le grand récit de la "guerre froide", sur le mode d’une histoire opposant "l’Ouest et l’Est du monde", beaucoup de pays décolonisés se sont fédérés autour d’un autre récit, celui de la domination du Sud par le Nord. Ce contre-récit a eu un certain impact, infléchissant l’agenda de l’ONU dans les années 1970 ; l’omniprésence des questions sécuritaires liées au conflit bipolaire américano-soviétique a commencé à être tempérée par de nouvelles considérations sur le développement économique, ouvrant la voie à une vision beaucoup plus large de l’intérêt général à l’échelle globale. Mais le récit du "Nord/Sud" n’a jamais eu la force, et donc l’efficacité, de l’"Est/Ouest", dans la mesure où il n’a pas permis un véritable renversement de perspective dans la mise en place de l’agenda international.

Aujourd’hui, les puissances occidentales peinent à formuler des grands récits suffisamment prépondérants pour rendre indiscutables les priorités de la coopération internationale. Cette difficulté est de fait inversement proportionnelle à la capacité narrative de l’ancien "Sud", devenue une nébuleuse fortement hétérogène mais dont les éléments les plus puissants – Chine, Inde, Brésil, mais aussi Indonésie, Turquie… – véhiculent des visions fondées sur des trajectoires historiques radicalement différentes de celles des nations européennes et nord-américaines.



(1) Cycle Enjeux internationaux de la Bibliothèque du Centre Pompidou en partenariat avec le CERI : "Récits globaux et relations internationales au 21e siècle", accessible sur http://dai.ly/x3bi7op et http://webtv.bpi.fr/fr/doc/4226

 
 

 

VIENT DE PARAÎTRE

         
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Christophe Jaffrelot (dir.), BRICS : chronique d’une mort annoncée… mais sans cesse reportée

"Dossiers du CERI", novembre 2015, disponible en ligne, avec les articles de Christophe Jaffrelot, Alice Ekman, Jérôme Sgard et Daniel Alfonso da Silva, disponible en ligne.

 
         
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Revue Critique Internationale, n°69, octobre-décembre 2015

Dossier "L’argent domestique : des pratiques aux institutions", sous la responsabilité de Jeanne Lazarus et Mariana Luzzi. En librairie le 20 novembre. Consulter le sommaire.

 
         
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Irene Bono, Béatrice Hibou, Hamza Meddeb et Mohamed Tozy, L'Etat d'injustice au Maghreb. Maroc et Tunisie

Karthala, collection "Recherches Internationales", 2015, 444 p.

 
         
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Frédéric Charillon et Alain Dieckhoff (dir.), Afrique du Nord. Moyen Orient 2015-2016. Logiques de chaos, dynamiques d'éclatement

La Documentation Française, collection "Mondes émergents", 2015, 163 p.

 
         
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Catherine Wihtol de Wenden, Camille Schmoll, Hélène Thiollet (dir.), Migrations en Méditerranée

CNRS Editions, 2015, 382 p.

 
         
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Thierry Chopin, La fracture politique de l'Europe. Crise de légitimité et déficit politique

Promoculture-Larcier, collection "Études Parlementaires", 2015, 336 p.

 
         
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Adrien Fauve, Clémentine Fauconnier, Guillaume Sauvé et Amélie Zima (dir.), Repenser le post-communisme. Entre études aréales et sociologie politique comparative

"Revue d'études comparatives Est-Ouest", vol. 46, n° 3, septembre 2015.
 
         
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Catherine Hoeffler et Samuel B. H. Faure (dir.), Les politiques militaires européennes. L'héritage de Bastien Irondelle

Revue "Politique européenne", n°48, octobre 2015, 234 p.

 

COUP D'ŒIL

  Colloque CERI-Stanford sur les relations entre les Eglises et l'Etat  
     
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La coopération scientifique avec de prestigieux partenaires universitaires internationaux est partie intégrante de la politique de rayonnement de la recherche du CERI. C’est dans ce cadre que s’inscrit le colloque  The New Politics of Church/State Relations organisé en collaboration avec le France-Stanford Center for Interdisciplinary Studies et le Stanford Humanities Center les 3 et 4 décembre prochains.

L’objectif du colloque est d’examiner les transformations de la nature des relations entre les Eglises et l’Etat – ou, plus largement, la sphère religieuse et la sphère étatique – en France, aux Etats-Unis, au Canada mais aussi en Russie et dans certains pays du Sud de la Méditerranée et notamment Israël et la Tunisie. Les intervenants (historiens, juristes, politistes, philosophes) discuteront des formes évolutives de la laïcité, des libertés religieuses, des discriminations contre les croyants et les incroyants et plus généralement des principes du pluralisme politique et religieux. L’éventail des sujets abordés inclura l’interdiction de la prière dans les écoles et l’espace public, la gestion des aides des Etats aux institutions et aux communautés religieuses, et certaines pratiques d’accommodement raisonnable. Le colloque tentera de répondre à une question clé : "Qu’est-ce que la laïcité (ou le sécularisme) à une époque de globalisation et de retour du religieux ?"

Conçu par Denis Lacorne, directeur de recherche au CERI, et Laurent Cohen-Tanugi, avocat aux barreaux de Paris et de New York, chercheur invité à la Stanford Law School, le colloque inclut la participation de sept chercheurs permanents ou associés du CERI : Amandine Barb, Alain Dieckhoff, Jean-Pierre Filiu, Riva Kastoryano, Denis Lacorne, Elise Massicard et Kathy Rousselet.

Le programme détaillé est disponible sur http://newpoliticschurchstaterelations.weebly.com

BRÈVES

  Le CERI et la Bibliothèque Centre Pompidou  
     
 

En partenariat avec le CERI et avec Alain Dieckhoff comme conseiller scientifique, la Bibliothèque Centre Pompidou organise un cycle de conférences consacré aux grands enjeux internationaux. La dernière rencontre en date, "Gouverner la catastrophe", avec la participation notamment de Sandrine Revet, a eu lieu le 9 novembre. Pour accéder au programme complet, consultez le site de la BPI.

  La revue de presse du CERI  
     
 

Chaque mois, le CERI compile les interventions de ses chercheurs dans les médias français et internationaux : interviews, éditoriaux, participations à des débats... Les archives de ces contributions sont disponibles sur le site web du centre, de même que la revue de presse la plus récente. Pour la recevoir chaque mois, abonnez-vous en ligne.

  Soutenances de thèse  
     
 

- Lucile Maertens, Quand le Bleu passe au vert : la sécurisation de l’environnement à l’ONU, sous la direction de Bertrand Badie et Géraldine Pflieger, dans le cadre d'une cotutelle de thèse avec l’Université de Genève (30 octobre 2015)

- Jérôme Esnouf, Tracer pour traverser ? Enquête sur les origines et les fondements de la frontière politique, sous la direction d'Astrid von Busekist (16 novembre 2015)

ÉVÉNEMENTS

 

Avertissement

Au vu des circonstances, certains événements pourraient être annulés ou reportés. Merci de consulter notre site web pour vous tenir informés.

 
 

 
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Changes after Socialism: Poland in a Comparative Perspective

Débat.
23 novembre 2015, 17h00-19h30

 
 

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L’avenir du Royaume-Uni dans l’UE

Débat.
25 novembre 2015, 17h30-19h00

 
 

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Birmanie : les élections de la transition ? Un regard sur le scrutin du 8 novembre 2015

Débat.
25 novembre 2015, 17h00-19h00

 
 

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Pétrole en Amérique latine. Questions de construction institutionnelle

Séminaire de recherche.
26 novembre 2015, 17h00-19h00

 
 

 
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The Arab Uprisings: Five Years Later

Débat.
30 novembre 2015, 17h00-19h00

 
 

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The Non Refoulement Protection of the 1951 Refugee Convention: Drafted by Refugees – for Refugees ?

Séminaire de recherche.
1 décembre 2015, 17h00-19h00

 
 

 
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La politique étrangère de la Russie aujourd'hui : Moscou a-t-elle les moyens de ses ambitions ?

Débat.
1 décembre 2015, 14h30-18h30

 
 

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The Non Refoulement Protection of the 1951 Refugee Convention: Drafted by Refugees – for Refugees ?

Séminaire de recherche.
1 décembre 2015, 17h00-19h00

 
 

 
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Penser la perte / How to address the loss ?

Colloque.
4 décembre 2015, 9h-18h15

 
 

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Raphaël Lemkin et la notion de "crime de génocide"

Débat.
9 décembre 2015, 17h-19h30

 
 

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