Critique internationale - Sommaire

Editorial
5-6

 

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Thema
Thema - Vers un renouveau de l’État développeur en Asie ?

Le concept d’État développeur formulé au début des années 1980 décrivait les modalités d’intervention de l’État dans le processus de développement du Japon puis de la Corée du Sud et de Taïwan. Il a été ensuite enrichi pour rendre compte des stratégies de développement d’autres pays. À partir des études empiriques de cinq pays asiatiques (Japon, Corée du Sud, Taïwan, Inde et Kazakhstan), ce dossier veut montrer que, si elles engagent nécessairement une évolution des modalités d’intervention de l’État, les caractéristiques du capitalisme contemporain ne rendent pas pour autant caduque la possibilité d’un État développeur. Il s’agit plutôt d’un changement qui implique une évolution du contenu idéationnel de l’État développeur et la prise en compte des facteurs politiques structurels ainsi que des croyances des acteurs. Un autre signe de ce renouveau réside dans le fait que ce concept ne concerne plus seulement les pays en voie de développement mais aussi les pays que l’on peut désormais considérer comme développés, l’État pilotant alors les stratégies de croissance et d’innovation.

Thema
La résurgence du concept d’État développeur : quelle réalité empirique pour quel renouveau théorique ?
Pauline Debanes, Sébastien Lechevalier
9-18

 

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Thema
L’hybridation néolibérale de l’État développeur japonais
Takaaki Suzuki
19-39

L’État japonais a-t-il changé de caractéristiques depuis la fin du système économique international de « libéralisme enchâssé » édifié à la fin de la guerre ? Et si oui, en quoi ? L’étude de la politique macroéconomique du Japon et de la structure de ses finances publiques depuis les années 1980 permet de répondre à ces questions. Et il s’avère que, contrairement à ce qu’affirme une bonne partie de la littérature existante, la transformation de l’État japonais est bien nette. En effet, s’il a réduit sa présence en politique industrielle et dans le domaine social ou apparenté (deux composantes historiquement importantes de son action dans le modèle japonais d’État développeur), il a globalement grossi et non rétréci, car il assume désormais un plus grand rôle, quoique moins visible, dans la préservation de la stabilité d’un marché libéralisé et financiarisé. Au Japon, les caractéristiques de l’État ont bien changé, à la fois sur le plan qualitatif et quantitatif, et ce changement peut être qualifié d’hybridation néolibérale du modèle développeur.

Thema
La reconstitution de l’alliance développementaliste en Corée du Sud et à Taïwan
Yin-wah Chu
41-58

L’impact de la mondialisation et de la démocratisation sur l’État développeur en Corée du Sud et à Taïwan est analysé ici à partir de recherches documentaires et d’entretiens approfondis avec des acteurs privés et publics des technologies de l’information dans ces deux pays. Pour analyser l’État développeur d’aujourd’hui, il faut étudier, outre les instruments de politique publique, les changements et les continuités de ses institutions « hard » et « soft » ainsi que les facteurs politico-structurels. Dans les deux cas étudiés, il ressort que les gouvernements et leurs appareils administratifs sont restés attachés au rôle dirigeant de l’État en matière économique et que la cohérence des politiques publiques s’est maintenue alors que ces pays se démocratisaient et réorganisaient, plus ou moins formellement selon les cas, leurs institutions. Toutefois, l’État est passé du soutien financier à des soutiens institutionnels : en Corée du Sud, ce soutien est resté ciblé sur quelques secteurs industriels peu nombreux ; à Taïwan, il s’est réparti, comme autrefois également, sur une plus grande diversité de branches. En Corée du Sud, plans stratégiques et normes de télécommunications permettent à l’État d’aider les chaebol à franchir des étapes technologiques, voire à arriver les premiers sur certains marchés, tandis qu’une aide en R&D est dispensée aux PME pour redynamiser le secteur. À Taïwan, le soutien de l’État se caractérise par la coordination – à l’initiative de ses fonctionnaires et des chercheurs du secteur public – des efforts de R&D d’entreprises potentiellement rivales, ce qui leur permet de gagner des échelons dans la chaîne de valeur mondiale.

Thema
L’État développeur : défense du concept
Elizabeth Thurbon
59-75

Depuis que la crise financière a déferlé sur l’Asie dans les années 1990, de nombreux chercheurs prédisent le « déclin » ou la « mort » de l’État développeur dans la région et mettent en doute l’utilité de ce concept dans le monde d’aujourd’hui. Il s’agit donc en premier lieu d’inventorier les principales propositions de ces « déclinistes » – des plus radicaux aux plus modérés – notamment au sujet de la Corée, leur cas d’étude de prédilection. En identifiant les forces et les limites de leurs arguments, il est possible de présenter une défense conceptuelle de l’État développeur, défini non par un catalogue de politiques et d’institutions publiques fixé dans l’espace et le temps mais, sans en nier la dimension institutionnelle, par un ensemble d’idées portées par l’élite politique sur le rôle de l’État dans la transformation techno-industrielle de l’économie et sur ses moyens d’intervention. En adoptant une telle définition, le concept d’État développeur conserve toute sa pertinence, tant pour la Corée que plus généralement.

Thema
L’État et le développement industriel en Inde : de la petite industrie aux zones économiques spéciales
Loraine Kennedy
77-93

À partir des années 1980, l’économie politique de l’Inde a subi d’importantes transformations : le processus de réformes lancé à cette époque visait en effet à déréglementer les activités industrielles et à réaliser une ouverture progressive aux échanges internationaux. Si les aspects macroéconomiques de ces réformes sont relativement bien connus, les politiques sectorielles le sont moins. Il est important notamment de souligner la présence continue de l’État dans le domaine industriel où se jouent des enjeux politiques majeurs, notamment l’absorption d’une main-d’œuvre peu qualifiée et largement rurale. Ce sont les changements récents dans la politique de développement industriel qui sont analysés ici, à partir d’une analyse diachronique. Il s’agit d’examiner les logiques qui sous-tendent les orientations politiques ainsi que les concepts qui sont mobilisés afin d’évaluer l’évolution de l’engagement de l'État indien dans ce secteur. La politique actuelle de zone franche, par exemple, exprime la volonté continue de l'État de soutenir le développement industriel tout en opérant un changement significatif à la fois dans sa logique économique et dans les modalités d’accompagnement qu’il propose.

Thema
Vers un État développeur au Kazakhstan ? Les bases institutionnelles de la transition économique
Joachim Ahrens, Manuel Stark
95-110

Alors qu’il ne s’est guère soucié jusqu’ici de suivre les recommandations de réforme inspirées par le consensus de Washington, le Kazakhstan affiche une croissance économique remarquable, une grande stabilité politique (mais point de démocratie) et un pouvoir présidentiel fort. À la faveur de la hausse des prix mondiaux de ses ressources naturelles, il a fait ses propres choix de politique publique et bâti des structures politico-institutionnelles de son cru qui lui ont permis de produire non seulement de la stabilité politique mais aussi du progrès économique et social. Cette configuration peut amener à se demander si l’on a ici affaire à un État développeur en devenir. Après avoir souligné quelques-uns des critères distinctifs de l’État développeur – attachement authentique des dirigeants à l’objectif de développement ; certaines fonctions de l’État ; certaines bases politico-institutionnelles du gouvernement économique –, l’analyse met en lumière le caractère hybride du modèle kazakh, entre spécificités nationales et idéal type.

Varia
L’ascension du capitalisme chinois : l’interdépendance n’empêche pas les tensions
Tobias ten Brink
113-130

Analysée dans le cadre théorique du capitalisme comparé, la Chine apparaît comme une variété de capitalisme à imprégnation étatique dont toutes les forces sont tendues vers une ascension sur la scène mondiale. L’inscription de ce capitalisme dans une économie globale fragile est donc un processus porteur de tensions malgré de multiples interdépendances, des efforts de coopération et des choix politiques pragmatiques. L’économie chinoise demeure dépendante des centres historiques du capitalisme, mais cela n’implique pas forcément une coopération sans heurts, comme l’illustrent la concurrence de plus en plus vive entre les multinationales chinoises en voie d’émergence et les compagnies établies de longue date, les différends monétaires avec les États- Unis et les litiges dans lesquels la Chine est impliquée au sein des organisations internationales et dans le processus de régionalisation de l’Asie orientale.

Varia
Compatriotes de l’atome ? La coopération nucléaire franco-indienne, 1950-1976
Jayita Sarkar
131-149

De la visite de Frédéric Joliot-Curie en Inde en janvier 1950 au premier essai nucléaire indien de mai 1974 et à ses suites immédiates, la relation nucléaire franco-indienne est analysée ici à partir de recherches menées dans plusieurs fonds d’archives français, indiens, britanniques et américains. Si le développement précoce d’un programme nucléaire dans les deux pays constitua d’emblée une bonne raison de collaboration bilatérale, des divergences diplomatiques persistèrent : d’abord, sur la question des « établissements français de l’Inde », puis, beaucoup plus tard, à l’occasion de l’orientation prise par le Président Valéry Giscard d’Estaing en faveur de la non-prolifération. Pourtant, tout au long de la période étudiée, la coopération se maintint grâce aux excellentes relations entre les deux organismes de l’énergie atomique et à la volonté commune des deux pays de conserver, dans un monde dominé par la rivalité des deux blocs, une politique étrangère indépendante.

Varia
La dynamique de statu quo : financements innovants et taxe sur les transactions financières (2008-2014)
Julien Meimon
151-169

L’enjeu d’une taxe sur les transactions financières, initialement proposée par James Tobin, a trouvé un écho nouveau au début des années 2000 dans le champ de l’aide au développement. Perçu comme l’un des mécanismes pouvant le plus facilement apporter de nouvelles ressources multilatérales, stables et pérennes pour les pays pauvres, en mettant à contribution un secteur mondialisé – définition des « financements innovants » –, cet instrument a fait l’objet d’une mobilisation diplomatique de la France sans précédent dans les enceintes internationales en 2008-2012. Or il a finalement débouché sur une taxe hexagonale et sur un processus européen excluant de financer le développement. Cette étude nourrie d’une expérience de terrain analyse les dynamiques politiques et administratives qui ont fait entrer cet instrument longtemps hétérodoxe dans le champ des possibles, ont transformé une question d’envergure mondiale en enjeu hexagonal et, dans le cas européen, ont détourné l’instrument de la fonction qui lui avait été initialement assignée – financer le développement – pour gagner des soutiens à l’international.

Lectures
Surmonter l'orientalisme : nouvelles approches de l'histoire moderne des Balkans
Constantin Iordachi
173-193

Lecture croisée de Hannes Grandits, Nathalie Clayer, Robert Pichler (eds), Conflicting Loyalties in the Balkans: The Great Powers, the Ottoman Empire and Nation-Building, et de Tassos Anastassiadis, Nathalie Clayer (eds), Society, Politics and State Formation in Southeastern Europe during the 19th Century
(Constantin Iordachi) 

Lectures
De Vichy à la Communauté européenne
Marc Olivier Baruch
181-184

Antonin Cohen. De Vichy à la Communauté européenne, Paris, PUF, 2012, 446 pages

Lectures
Roads to the Temple: Truth, Memory, Ideas, and Ideals in the Making of the Russian Revolution, 1987-1991
Guillaume Sauvé
185-188

Leon Aron. Roads to the Temple : Truth, Memory, Ideas, and Ideals in the Making of the Russian Revolution, 1987-1991, New Haven/Londres, Yale University Press, 2012, XII-483 pages.

Lectures
The International Politics of Recognition et Causes of War: The Struggle for Recognition
Vincent Touse
189-193

Thomas Lindemann, Erik Ringmar (eds). The International Politics of Recognition Boulder, Co./Londres, Paradigm Publishers, 2012, VII-239 pages.

Thomas Lindemann. Causes of War : The Struggle for Recognition Colchester, European Consortium for Political Research Press, 2010, 169 pages.

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