Critique internationale - Sommaire

À la mémoire de Bastien Irondelle
3-4

 

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Éditorial
7-8

 

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Thema
Thema - Économie politique des soulèvements arabes
Sous la responsabilité de Eberhard Kienle et Laurence Louër

Le « printemps arabe » serait prétendument le résultat de la dégradation des conditions de vie et, en particulier, de la crise économique de 2008. Or, pour comprendre les soulèvements de 2011, il faut se départir d’une approche économiciste et souligner au contraire les interactions entre économie et politique. De fait, ces mouvements relèvent d’une double crise : celle de l’État social autoritaire, d’une part, celle des régimes, d’autre part. Alors que les griefs socioéconomiques ont été au cœur de la contestation, la convergence des choix de politique économique et sociale entre les anciens et les nouveaux dirigeants témoigne de la relativement faible dynamique transformatrice de ces mobilisations.

Thema
Comprendre les enjeux économiques et sociaux des soulèvements arabes
Eberhard Kienle, Laurence Louër
11-17

Plan de l'article

- Une crise de l’État social autoritaire
- Des crises de régime
- Une dynamique transformatrice limitée

Thema
La question sociale aux marges des soulèvements arabes : leçons libanaises et marocaines
Myriam Catusse
19-34

Les soulèvements de 2011 ont révélé l’exacerbation d’un sentiment partagé face aux injustices socioéconomiques dans la région. Ces revendications de droits à des conditions de vie décentes, à l’emploi et aux services publics ne sont pas nées « naturellement » et spontanément, elles s’inscrivent dans une histoire politique plus ancienne. Au Maroc comme au Liban, les mouvements nés dans la vague des soulèvements se sont exprimés dans l’entre-deux d’innovations dissidentes et de revendications plus routinières de droits, sans essaimer au-delà d’une constellation militante renouvelée. Enchâssée dans deux types de capitalisme différents, le « laissez-faire » de la république marchande libanaise et le « capitalisme d’État » de la monarchie marocaine, la « question sociale » y a joué un rôle intéressant. En prêtant attention aux différentes façons dont l’insécurité sociale est ici politiquement traitée, on voit apparaître des régimes de protection différenciés qui autorisent la revendication de droits à travers une palette d’actions qui ne se réduit pas à la révolte, mais influence les registres de protestation.

Thema
Soulèvements et factionnalismes des élites autoritaires en Égypte et au Bahreïn
Laurence Louër
35-50

Les réformes économiques ont contribué à intensifier les luttes factionnelles au sein des régimes autoritaires arabes. L’étude comparée des soulèvements du « printemps arabe » en Égypte et au Bahreïn révèle que les mobilisations populaires ont agi comme des variables indépendantes sur la fragmentation des élites politiques, en favorisant des processus de coalition entre certaines factions des régimes et certains acteurs de la protestation. Dans les deux cas, les soulèvements ont permis un renversement des rapports de force factionnels au sein des régimes, les éléments hostiles aux réformes économiques écartant les réformateurs. L’un des enseignements à tirer de cette situation pour l’étude des soulèvements arabes est la nécessité d’adopter une approche qui mette en lumière l’articulation entre les dynamiques internes aux élites dirigeantes et les processus de mobilisation populaire.

Thema
« C’est l’économie, idiot ! » Les soulèvements au Bahreïn, en Égypte et en Tunisie
Asya El Meehy
51-67

Les révoltes du printemps arabe sont souvent traitées en bloc, comme un phénomène unique né de pressions économiques systémiques et illustrant la fameuse expression de Bill Clinton « C’est l’économie, idiot ! ». L’examen critique de cette vision dominante met en évidence certaines de ses contradictions ainsi que son incapacité à éclairer les différences observables entre la Tunisie, l’Égypte et le Bahreïn. Il commence par une analyse d’économie politique comparée des trois soulèvements pour évaluer le poids relatif de l’économie et du politique dans les doléances des populations concernées. Le trait commun frappant est le rôle décisif de la jeunesse issue des classes moyennes, souffrant d’un chômage et d’une frustration relative élevés malgré les mesures ciblées prises en sa faveur par les régimes autoritaires. Pourtant, les griefs économiques n’ont pas toujours été le principal déclencheur des soulèvements ; et le poids respectif des classes moyennes, des pauvres, des organisations ouvrières et des mouvements pro-démocratie a été différent selon les pays. Le mécontentement politique a ainsi pesé plus lourd au Bahreïn et en Égypte qu’en Tunisie. L’existence de dissensions au sein de l’élite dirigeante contribue fortement à la politisation des jeunes des classes moyennes et leur ouvre un espace de mobilisations autour de revendications démocratiques.

Thema
Après le séisme. Gouvernement économique et politique de masse dans le monde arabe
Steven Heydemann
69-84

La vague révolutionnaire qui s’est propagée dans le monde arabe en 2011 a balayé les hommes au pouvoir en Égypte, en Tunisie, en Libye et au Yémen. En comparant les politiques économiques adoptées par les différents gouvernements en réponse au mécontentement populaire, on constate des similitudes significatives entre régimes de transition post-autoritaires et « survivants » autoritaires. Les uns et les autres ont eu en effet recours au même cocktail de stratégies économiques : une amplification temporaire de la redistribution, des transferts monétaires directs à certains segments, jugés politiquement utiles, de la population et le maintien du cap antérieur aux soulèvements, à savoir la réduction de la dépense publique sociale et les réformes libérales. Cette convergence contredit les attentes selon lesquelles les gouvernements de transition seraient nécessairement plus attentifs que leurs prédécesseurs à la demande massive de justice économique et sociale ; elle dément également la thèse de la rigidité des régimes autoritaires et de leur incapacité à adapter leur politique aux circonstances.

Thema
Nouveaux régimes, vieilles politiques ? Réponses islamistes aux défis économiques et sociaux
Eberhard Kienle
85-103

Selon un discours de plus en plus répandu, le « printemps arabe » aurait été essentiellement provoqué par le déclin structurel sur le long terme des économies du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord et par des chocs externes, notamment la crise financière mondiale et l’augmentation consécutive des prix des matières premières. Il convient cependant de noter que les islamistes, vainqueurs des premières élections « libres » en Tunisie et en Égypte, prônent des politiques économiques et sociales très semblables à celles de leurs prédécesseurs aux affaires. D’emblée ils se sont orientés vers des politiques axées sur la demande et ont proposé : en Égypte, de reconduire avec seulement quelques changements une forme atténuée de nationalisme économique ; en Tunisie, d’actualiser une forme tout aussi atténuée de libéralisme. Cette étude analyse les principales déclarations des partis islamistes qui, sans avoir été à l’origine de la contestation de 2010-2011, ont le plus profité des élections qui l’ont suivie, ainsi que certaines politiques clés mises en œuvre par les gouvernements islamistes. Le fait que les choix opérés aient été moins influencés par les revendications populaires exprimées dans le cadre des manifestations que par les groupes sociaux qui soutenaient ces partis remet en question les explications tronquées qui n’insistent que sur les pertes matérielles, la pauvreté et le processus d’appauvrissement.

Varia
« J’ai respiré l’air de la liberté. » La légitimation autoritaire au Bahreïn et en Oman à l’épreuve du « printemps arabe »
Marc Valeri
107-126

Si « le printemps arabe » n’a pas épargné les monarchies du golfe Persique, c’est au royaume du Bahreïn et au sultanat d’Oman, qui ont en commun de disposer de ressources pétrolières moins importantes que leurs voisines, que les mobilisations populaires ont été les plus structurées. Certes, celles-ci n’ont conduit à aucun changement politique formel, mais leurs effets sur la légitimité politique des régimes autoritaires de ces deux pays n’en sont pas moins profonds et leurs conséquences pas moins durables. Pourquoi les stratégies de légitimation mises en œuvre par les régimes bahreïnien et omanais jusqu’en 2011, et qui leur avaient permis de répondre aux défis qui menaçaient leur stabilité, se sont-elles révélées impuissantes à prévenir puis à contrer la contestation populaire à partir de la fin de l’année 2010 ? Une analyse comparée de ces deux monarchies de la péninsule Arabique permet de revenir sur la signification véritable de ces événements, à savoir la remise en cause profonde des mécanismes de consolidation de leur autoritarisme.

Varia
Politisation et sécuritisation des migrations internationales : une relation à définir
Philippe Bourbeau
127-145

La question de la politisation des individus a été récemment posée avec beaucoup de finesse, de rigueur et de compétence dans un dossier paru en 2011 dans Critique internationale. Notre démarche se veut complémentaire. Convaincus que la recherche sur la politisation a fort à gagner à tisser davantage de liens avec la politique mondiale, nous voulons ici souligner la justesse et le bien-fondé d’une réflexion sur la politisation dans une perspective internationale, en juxtaposant les processus de politisation et les processus de sécuritisation dans le domaine des migrations internationales de l’après-guerre froide. L’argument central est que ces deux processus sont certes distincts mais qu’ils ne sont pas mutuellement exclusifs ni intrinsèquement en concurrence directe. Le cas des migrations internationales au Canada, en particulier la façon dont ces deux processus ont été mis en avant par certains agents médiatiques et politiques, illustre cette démonstration.

Varia
(Anti)terrorisme. Mutations des appareils de sécurité et figure de l’ennemi aux États-Unis depuis 1945
Philippe Bonditti
147-168

Loin de devoir être opposés, l’« antiterrorisme » et le « terrorisme » relèvent au contraire d’une même logique, celle d’un nouveau partage de la violence, et constituent le lieu privilégié des profondes mutations de la modernité politique. C’est là l’enseignement de la recherche archéo-généalogique conduite à propos de la lutte contre le terrorisme telle qu’elle s’est déployée aux États-Unis – et à partir des États-Unis – ces cinquante dernières années. Dans cette perspective, le couple antiterrorisme/terrorisme apparaît comme le site disparate et radicalement hétérogène de l’avènement d’une technologie renouvelée de gouvernement : la traçabilité. C’est le détail de la double transformation – celle de la structure des architectures de sécurité des États modernes et celle de la figure schmittienne de l’ennemi – mise en jeu par ce renouvellement de l’art de gouverner qui est étudié ici.

Lectures
État de littérature. La « justice spatiale » : revue des savoirs francophones et anglophones
Frédéric Dejean
171-183

 

État de littérature. La « justice spatiale » : revue des savoirs francophones et anglophones

 

Lectures
Historiographie et mémoires de la seconde guerre mondiale
Fabien Théofilakis
185-189

 

Isabelle Delpla Le mal en procès. Eichmann et les théodicées modernes Paris, Hermann, 2011, 232 pages.

 

Lectures
Historiographie et mémoires de la seconde guerre mondiale
Alexandra Oeser
191-194

Elissa Mailänder Koslov Gewalt im Dienstalltag : die SS-Aufseherinnen des Konzentrationsund Vernichtungslagers Majdanek, 1942-1944 (La violence au quotidien : les surveillantes SS du camp de concentration et d’extermination de Majdanek, 1942-1944) Hambourg, Hamburger Edition, 2009, 520 pages.

Lectures
Historiographie et mémoires de la seconde guerre mondiale
Silke Schneider
195-199

Regina Mühlhäuser Eroberungen : Sexuelle Gewalttaten und intime Beziehungen deutscher Soldaten in der Sowjetunion 1941 – 1945 (Conquêtes, violences sexuelles et relations intimes des soldats allemands en Union Soviétique 1941-1945) Hambourg, Hamburger Edition, 2010, 416 pages

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