Critique internationale - Sommaire

Editorial
5-6

 

Aucun résumé

 

Thema
Thema - La politisation des individus
Sous la responsabilité de Myriam Aït-Aoudia, Mounia Bennani-Chraïbi et Jean-Gabriel Contamin

Le concept de « politisation » perd en contenu et en intensité à mesure qu’il gagne en extension. Il convient donc, d’une part, de le clarifier en se focalisant sur une seule de ses dimensions, la politisation des « individus ordinaires », d’autre part, de restituer le dialogue entre des chercheurs dont les usages de cette notion sont très diversifiés, tant par les objets qu’ils étudient que par les méthodes et les traditions théoriques qu’ils mobilisent. Cette entreprise de décloisonnement et d’hybridation s’applique ici à des populations hétérogènes : villageois noirs-marrons et amérindiens en Guyane française, étudiants en Turquie, membres d’associations de quartier, habitants de bidonvilles et victimes de la répression au Maroc, ainsi que militants du Secours catholique en France.

Thema
Indicateurs et vecteurs de la politisation des individus : les vertus heuristiques du croisement des regards
Myriam Aït-Aoudia, Mounia Bennani-Chraïbi, Jean-Gabriel Contamin
9-20

 

Aucun résumé

 

Thema
Politisation et hiérarchies coloniales : Amérindiens et Noirs-marrons à St-Paul (Guyane française, 1946-2000)
Stéphanie Guyon
21-37

Comment les populations amérindiennes et noirs-marrons d’une commune de Guyane française se sont-elles approprié les institutions démocratiques, notamment électorales, à partir des années 1960 et jusqu’à la fin des années 1990 ? La participation au vote et la formation de loyautés partisanes se sont d’abord opérées grâce à des médiateurs en relation avec ces populations à travers le patronage catholique (personnel ecclésiastique, bénévoles des œuvres de bienfaisance) puis à travers la distribution clientélaire de biens publics (« capitaines » de village, agents électoraux, élus locaux). Au cours des années 1980, la participation associative, que ce soit dans le mouvement amérindien ou dans les associations locales noirs-marrons, a permis la constitution d’espaces de politisation alternatifs, fondés sur la défense des identités et des intérêts de ces groupes. Cette nouvelle génération militante conteste les élites créoles établies mais demeure marginalisée dans l’espace politique institutionnel, en raison notamment des hiérarchies sociales héritées de la période coloniale et reproduites après la départementalisation.

Thema
Enquête sur les relations entre politisation et études supérieures : le cas turc (1971-1980)
Benjamin Gourisse
39-53

La forte proportion d’étudiants parmi les militants des organisations radicales en activité avant le coup d’État du 12 septembre 1980 incite à s’interroger sur le lien entre engagement politique et passage par les institutions de l’enseignement supérieur dans les années 1970. Quelles sont les médiations par lesquelles opèrent les processus de politisation à l’université ? Trois variables sont analysées : les socialisations politiques pré-universitaires des étudiants, le type d’habitat (individuel ou collectif) et l’implantation dans l’université d’organisations étudiantes radicales menant un travail de recrutement et de mobilisation. On découvre alors que pendant les années 1970, dans les universités turques, les formes et l’intensité de la politisation dépendent moins des socialisations politiques familiales que des modes de vie dans les établissements et de la structuration de l’offre politique locale. Les groupes mobilisés encouragent ou contraignent les individus à se positionner politiquement et à participer à leurs activités, et ce d’autant plus facilement que de nombreux étudiants sont logés en foyers universitaires et connaissent une rupture avec leur milieu d’origine.

Thema
Jeux de miroir de la « politisation » : les acteurs associatifs de quartier à Casablanca
Mounia Bennani-Chraïbi
55-71

Suivre le parcours de quelques membres des bureaux de trois associations de quartier à Casablanca, notamment via les qualifications que les acteurs donnent eux-mêmes de leurs actions, révèle les intrications de l’espace associatif et de la sphère politique au Maroc. À travers un jeu de miroir, les frontières entre ces deux univers font l’objet de luttes continuelles. L’action associative se construit tantôt en dissociation avec « la politique », tantôt en connexion avec elle. Elle est alors investie comme « activité sociale », substitut à la participation politique, tribune pour des acteurs marginalisés ou tremplin à l’échelle locale, et peut conduire à une renégociation du rapport au politique. Du fait même des points de jonction entre scènes associative, partisane, électorale, syndicale et protestataire, l’action associative expose les primo-engagés à plusieurs types de participations. Elle les dote de compétences praxiques et cognitives, les projette encore davantage dans un terrain propice aux interactions avec diverses agences de gouvernementalité, favorise dans un va-et-vient la reconversion circulaire de ressources et de savoir-faire. Il peut arriver également qu’elle éveille des appétences pour « la politique », pour la compétition électorale, ou qu’elle produise de l’empowerment. D’une situation à l’autre, elle fait l’objet d’une palette de définitions, d’investissements et de (micro)stratégies aussi vastes que variables, diachroniquement et synchroniquement.

Thema
Le Secours catholique et les forums sociaux : une politisation incrémentale (2003-2010)
Yann Raison du Cleuziou
73-89

Les résultats présentés ici d’une enquête menée auprès des membres de la délégation du Secours catholique au Forum social mondial de Belém en 2009 permettent de montrer comment l’expérience des forums sociaux a contribué à renouveler les pratiques militantes au sein de l’ONG catholique. Bien que la condition de la participation du Secours catholique à ces manifestations soit l’exclusion de toute forme de politisation, un certain nombre de militants adoptent des positions plus nuancées sur l’articulation possible entre engagement politique et action caritative, voire revendiquent la politisation comme un nécessaire aboutissement de leurs activités. Cette politisation peut être qualifiée d’incrémentale en ce qu’elle est le produit d’ajustements à la marge. La participation aux forums offre à ces militants une ressource pour légitimer leurs prises de rôles innovantes et renouveler la définition de l’institution. En effet, cette ouverture à l’action politique accompagne la promotion en interne d’un nouveau référent de l’action du Secours catholique : outre l’assistance portée aux démunis, il s’agit désormais d’agir à leurs côtés contre les injustices.

Thema
Politisation sous contrainte et politisation de la contrainte : outsiders politiques et outsiders de la ville au Maroc
Frédéric Vairel, Lamia Zaki
91-108

Cette étude du terrain marocain permet de comparer l’expérience de la politisation de certaines familles de victimes des « années de plomb » et de certains habitants de bidonvilles. Dans les deux cas, la politisation prend appui sur la sphère intime. Elle passe par une redéfinition des limites du public et du privé, par l’identification à un « nous » et par la réappropriation du répertoire des droits de l'homme. L’analyse souligne l’ambivalence des phénomènes de politisation. Si l’autoritarisme recourt à la dépolitisation, la maîtrise pratique de cette grammaire permet aux dominés de composer avec les contraintes de l’ordre imposé. L’évitement du registre polémique et la déconflictualisation des demandes sont un vecteur de politisation des individus : celle-ci ne peut donc pas être appréhendée seulement en termes de conflit.

Varia
L’émergence d’un néo-méridionalisme politique en Italie : vers l’accroissement de la fracture territoriale ?
André Fazi
111-128

Depuis l’Unification de l’Italie, et malgré plusieurs décennies d’investissements massifs, l’écart de développement entre le Sud et le reste du pays n’a jamais pu être substantiellement réduit. Aujourd’hui, il tendrait même à s’accroître. Face à cette dégradation et à la forte pression exercée par la Lega Nord sur le pouvoir central, les années 2008-2009 ont été marquées par l’émergence d’une mobilisation néo-méridionaliste qui a replacé le Mezzogiorno au cœur de l’agenda politique. La création de nombreux partis de défense du Sud, dont le plus important est celui du président de la Région Sicile, apparaît comme le fait majeur de la fin des années 2000. Cependant, la présence dans le gouvernement de ces partis territoriaux aux intérêts souvent antinomiques génère de fortes tensions au sein des coalitions majoritaires en Italie et en Sicile, ainsi qu’à l’intérieur même du parti de Silvio Berlusconi. Alors même que le projet d’un parti rassemblant tous les acteurs de ce néo-méridionalisme n’a pas encore pu être concrétisé, l’aggravation de la fracture territoriale apparaît d’ores et déjà fort inquiétante pour l’unité politique italienne.

Varia
Note préliminaire sur la condition des universitaires en Chine
Émilie Frenkiel
129-144

En Chine, les modalités actuelles de la recherche et de la publication académiques diffèrent considérablement de celles des universités européennes et nord-américaines. C’est notamment le cas de la science politique, discipline longtemps atrophiée car entièrement limitée à l’étude des textes canoniques du marxisme-léninisme et de la pensée de Mao Zedong. Le lancement, il y a plus de trente ans, de la politique de réforme et d’ouverture a constitué un tournant pour les sciences humaines et sociales, soudain mises à l’honneur pour soutenir l’élan réformiste. Dresser un premier bilan de la situation permet de mieux saisir les contours de la liberté académique et de comprendre le statut accordé aux chercheurs et aux universitaires chinois à l’heure actuelle. Certains universitaires engagés, notamment sur le terrain de la réforme politique, sont tiraillés entre limitations de la liberté de recherche et de publication, demandes officielles de participation au processus de prise de décision politique, professionnalisation, ouverture au marché et internationalisation croissantes, patriotisme et engagement intellectuel.

Varia
L’internationalisme ouvrier à l’épreuve des migrations africaines en France
Jean-Philippe Dedieu
145-167

Depuis ses débuts, l’internationalisme ouvrier n’a cessé d’être travaillé, dans ses doctrines comme dans ses pratiques, par le phénomène national. L’étude des archives de la CFDT et de la CGT permet d’analyser la répartition du travail syndical opérée sur le thème de l’immigration par les centrales africaines et françaises. Elle amène notamment à examiner tout d’abord les logiques qui ont conduit les syndicats africains à tenter de contrôler les revendications des travailleurs subsahariens établis en France, puis la marginalisation dont ces derniers ont été l’objet de la part de syndicats français. Plus largement, elle souligne la bureaucratisation du mouvement ouvrier français, qui s’est déconnecté des luttes sociales de l’immigration, participant ainsi à la crise de la représentation syndicale en France.

Lectures
Politique des bases militaires américaines à l’étranger
Bastien Irondelle
171-177

 

Politique des bases militaires américaines à l’étranger

 

Lectures
Lecture
Jay Rowell
179-183

Emmanuel Droit, Vers un homme nouveau ? L’éducation socialiste en RDA (1949-1989), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009, 354 pages

Lectures
Lecture
Anne Revillard
185-189

Gary Goertz, Amy G. Mazur (eds), Politics, Gender, and Concepts : Theory and Methodology, Cambridge, Cambridge University Press, 2008, XII-307 pages

Lectures
Lecture
Mariam Abou Zahab
191-196

Antonio Giustozzi, Empires of Mud : War and Warlords in Afghanistan, Londres, Hurst, 2009, X-332 pages.

Retour en haut de page