Critique internationale - Sommaire

Editorial
5-6

 

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Thema
Thema - Voyages des racines
Sous la direction d'Antonela Capelle-Pogacean

Dans l’univers foisonnant des études consacrées aux mobilités contemporaines, les « voyages des racines » enrichissent désormais la nomenclature des pratiques circulatoires. Ces traversées engagées par des individus issus de migrations plus ou moins anciennes qui parcourent des espaces construits comme « terres des ancêtres » revêtent des formes multiples. Enchantées ou désenchantées, elles acquièrent une pluralité de significations intimes et publiques. Elles s’énoncent dans le langage du pèlerinage, de la commémoration ou des retrouvailles familiales. Elles peuvent également se dire comme validation d’une réussite sociale, réalisation de soi et/ou loisir. Mais où sont finalement les racines, quand, pour citer l’un de ces voyageurs, le pays du revenir « est devenu élastique » ?

Thema
Imaginaires, pratiques et politiques du revenir
9-17

 

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Thema
Rituel et mémoire au Ghana : les usages politiques de la diaspora
Bayo Holsey
19-36

L’industrie ghanéenne du tourisme de la diaspora cherche à attirer les visiteurs Africains-Américains en leur faisant découvrir les anciens sites du commerce des esclaves. C’est dans ce cadre que les forts de Cape Coast et d’Elmina ont été restaurés dans les années 1990 et qu’une commémoration annuelle, le Jour de l’Émancipation, a été créée en 1998. En 2007, le ministère du Tourisme a ajouté à la liste des festivités la « cérémonie de guérison », qui fait partie d’une initiative plus large, le projet culturel Joseph, dont l’objectif est de susciter les investissements de long terme de la part des membres de la diaspora africaine. Cette cérémonie mobilise l’épisode biblique de l’asservissement de Joseph par sa famille pour élaborer un discours sur les racines ghanéennes de la diaspora africaine, l’asservissement de ses membres par leur « famille africaine » et leurs retrouvailles finales. Le projet Joseph suggère que la diaspora peut guérir les Ghanéens de leurs maux, que ceux-ci soient d’ordre économique ou qu’ils concernent le rapport au passé. Ce faisant, il tend à confiner le Ghana dans le rôle de la patrie pittoresque et les Africains-Américains dans celui des riches visiteurs. Utilisant le rituel pour mieux fixer cette distribution, le projet Joseph se nourrit du multiculturalisme néolibéral dans le but de développer une politique conservatrice du lien diasporique.

Thema
Voyages en identités. Les espaces-temps de l’appartenance des Turcs de Bulgarie installés en Turquie
37-60

Depuis la création d’un État bulgare en 1878, le départ vers le cœur de l’Empire ottoman, puis vers la Turquie a constitué pour les populations turcophones de Bulgarie un horizon du pensable, parfois du possible. De ces migrations successives il a résulté une multitude de manières d’être Turc originaire de Bulgarie en Turquie. Ces appartenances sont interrogées ici telles qu’elles se constituent dans une pratique des lieux qui est aussi pratique de la filiation et du temps. En examinant les voyages des racines de Turcs de Bulgarie établis dans les mégapoles turques de Bursa et d’Istanbul, l’analyse invite d’abord à reconsidérer l’opposition parfois trop marquée entre des notions de « départs » et de « retours » qui ne reflètent pas la variété des significations attribuées aux voyages – rêvés ou accomplis, routinisés ou exceptionnels – par ceux qui y prennent part. Elle suggère ensuite à quel point les manières de réinvestir (ou non) la terre des ancêtres sont corrélées à des trajectoires sociales qui médiatisent la question de la filiation à travers celle de l’affiliation revendiquée dans le pays d’installation. Elle montre enfin combien les voyages des origines, souvent envisagés comme fenêtres sur la spatialité des identifications, constituent des objets temporels, non par leur seule inscription dans la durée du trajet et du séjour, mais par l’invitation qu’ils représentent à retraverser des passés sélectivement relus. Ce faisant, ils constituent des vecteurs de réagencement des temporalités individuelles, familiales et collectives à la faveur desquels s’élaborent les récits changeants de l’appartenance.

Thema
Pèlerins-voyageurs en patrie diasporique : les retours des juifs au Maroc
André Levy
61-76

L’analyse consacrée aux voyages des racines des Israéliens nés au Maroc révèle les multiples tensions qui traversent ces mobilités en s’intéressant plus particulièrement à l’impossibilité de faire renaître l’« intimité culturelle » avec les anciens espaces de la diaspora. Les clivages séparant les visiteurs israéliens des Juifs vivant encore au Maroc, d’une part, des musulmans marocains, d’autre part, sont autant d’indices de l’inaccessibilité du passé. En termes plus généraux, ces clivages témoignent d’une rupture entre la « patrie » et la « diaspora ». Toutefois, les catégories « Israéliens marocains », « Juifs marocains », « musulmans marocains » et les relations qu’elles entretiennent entre elles sont plus complexes que ne le suggère la figure de l’opposition. Les frontières de l’intimité culturelle ne sont pas fixes ; elles ne sont pas non plus définies par des agents officiels (généralement des bureaucrates) qui prétendent représenter l’État-nation. L’espoir de faire renaître l’intimité culturelle avec le Maroc éclaire cependant la distance prise par les voyageurs avec cet espace. Il s’ensuit que les entreprises visant à donner une forme à la nostalgie sont vouées à l’échec. Dans leur sens le plus profond, les voyages des racines sont impossibles.

Thema
« Amère patrie. » Une note sur le retour des pieds-noirs en Algérie
Éric Savarese
77-90

En interrogeant à la fois les « littératures d’exil » et les matériaux collectés par entretiens, il est possible de montrer que le retour en Algérie ne concerne pas de la même façon tous les pieds-noirs. Les profils sociologiques de ces derniers comme leurs positions dans l’espace des réceptions de l’histoire coloniale sont en effet très divers. Le retour n’est envisageable comme « tourisme des racines » que lorsque le travail de deuil a été réalisé indépendamment des récits héroïques identifiant l’Algérie comme une création française. À l’inverse, le scepticisme de certains pieds-noirs souligne l’impossible ajustement, dans le registre de l’économie pulsionnelle, entre l’Algérie reconstruite a posteriori et la réalité d’un pays transformé. Le voyage peut également être motivé par le projet d’une gestion collective de la terre des morts, une des causes de la souffrance des pieds-noirs demeurant l’éloignement des tombes familiales. D’où la diversité des sens et des usages du retour, entre expérience fugitive de resocialisation au sein d’une Algérie perdue, transmission de la mémoire généalogique, entretien mutualisé des tombes familiales et choc du déracinement lié à la recherche d’une « Algérie de papa » disparue.

Varia
La dialectique des terrorismes en Inde depuis 2001 : la « main de l’étranger », les islamistes et les nationalistes hindous
93-110

L’Inde a connu depuis 2001 une série d’attentats qui ont fait de ce pays l’un des plus touchés par le terrorisme. Les autorités indiennes attribuèrent tout d’abord ces actes de violence à des groupes islamistes pakistanais liés, dans certains cas, aux services du renseignement militaire de leur pays. Par la suite, elles en vinrent à admettre que des musulmans indiens étaient de plus en plus souvent impliqués dans ces actions terroristes, seuls ou en liaison avec des groupes étrangers. Après chaque attentat, la police procéda alors à des arrestations en masse de jeunes musulmans, surtout lorsqu’ils étaient ou avaient été membres du Students Islamic Movement of India (SIMI). Pourtant, seuls quelques-uns des militants de ce syndicat étudiant avaient embrassé la cause du jihadisme armé en réaction, d’une part, au mouvement qui conduisit à la démolition de la mosquée d’Ayodhya (1992), d’autre part, aux pogromes du Gujarat (2002). Face à ce terrorisme islamiste d’origine indienne, des groupes nationalistes hindous organisèrent, à leur tour, des attentats similaires à ceux des musulmans, suivant en cela une tradition de mimétisme très ancienne au sein de la mouvance nationaliste hindoue.

Varia
Définir Al-Qaida
111-133

Le phénomène Al-Qaida pose de sérieux problèmes d’appréhension et d’interprétation. La clarification de sa définition n’en est que plus impérative, elle appelle une mise en perspective historique et idéologique dans la longue durée de l’Islam, tout en s’enrichissant d’une approche comparatiste. Al-Qaida s’inscrit à la fois dans le champ du salafisme contemporain, sous sa forme jihadiste, et en rupture avec celui-ci, du fait de sa promotion inédite d’un jihad de type global. Cette rupture mérite d’être soulignée, car elle nourrit les conflits récurrents entre Al-Qaida et les autres formations, surtout nationalistes, engagées dans un jihad armé. La théorie des mouvements sociaux ne répond qu’en partie aux questions posées par l’étude d’Al-Qaida, tout en nourrissant un vif débat aux États-Unis sur la nature et le devenir de cette organisation. La dépendance d’Al-Qaida envers l’Internet illustre sa dimension originale d’organisation de référence, à vocation planétaire, mais aussi son fonctionnement élitiste et avant-gardiste, peu soucieux d’encourager un mouvement de masse. Ces réflexions conduisent à s’interroger sur le caractère reproductible et/ou durable d’une telle organisation

Varia
L’ethnicisation du champ éducatif religieux en Israël : l’exemple de Petah-Tikva
Aurélia Smotriez
135-157

Le réseau d’enseignement religieux mis en place en Israël à la fin des années 1980 par le parti ultra-orthodoxe séfarade Shas a joué un rôle majeur dans la constitution en communauté d’une partie des Juifs originaires des pays arabo-musulmans (Mizrahim) sur la base d’une redéfinition de leur identité ethnico-religieuse. Une analyse inspirée par la sociologie des mouvements sociaux permet d’éclairer la manière dont s’est effectué ce processus de communautarisation. Le parti Shas a pu acquérir le poids politique qui a permis la croissance fulgurante de son réseau scolaire grâce aux structures d’opportunités politiques qui ont facilité, tant dans le champ politique que dans celui de l’éducation, l’émergence de cette action collective. Toutefois, ce sont les recompositions du champ éducatif qui ont plus spécifiquement permis à la mobilisation identitaire de s’effectuer à travers ses écoles. La crise de légitimité du système scolaire public – née de l’écart entre les discours favorisant le principe de la mixité ethnique à l’école et les pratiques le démentant – a permis au parti Shas de mettre en œuvre un travail de redéfinition des catégories identitaires israéliennes, qui, pour un nombre croissant de familles, fait de son réseau scolaire un espace alternatif propice à la communautarisation de l’ethnicité orientale.

Lectures
John Hope Franklin, historien des Noirs
Pap Ndiaye
161-168

 

John Hope Franklin, historien des Noirs américains

 

Lectures
Lecture
169-176

Andreas Kossert, Kalte Heimat. Die Geschichte der deutschen Vertriebenen nach 1945 [Froide patrie. L’histoire des expulsés allemands après 1945], Munich, Siedler Verlag, 2008, 432 pages.

Lectures
Lecture
Morgane Labbé
177-181

Paul Schor, Compter et classer : histoire des recensements américains, Paris, Éditions de l’EHESS, 2009, 383 pages.

Lectures
Lecture
Jacques Véron
183-187

Matthew Connelly, Fatal Misconception : The Struggle to Control World Population, Cambridge (Mass.)/Londres, The Belknap Press of Harvard University Press, 2008, XIV-521 pages.

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