Entretien avec Carola Kloeck

11/02/2019


Le CERI a accuelli en septembre dernier une nouvelle chercheuse, Carola Kloeck, assistant professor
en science politique. Nous l'avons interrogée sur ses travaux et sur ses projets.

Quel a été votre parcours avant de rejoindre le CERI ?


J’ai fait mon doctorat en Suisse à l’ETH Zurich. Ma thèse portait sur les négociations internationales autour du changement climatique et le rôle des acteurs non-étatiques dans ces négociations. Après ma thèse, je suis partie en post-doc à Göteborg en Suède pendant deux ans et j’ai commencé à travailler sur l’adaptation au changement climatique, notamment sur le plan financier. Les pays industrialisés ont promis lors de la conférence de Copenhague de 2009 de mobiliser 100 milliards de dollars chaque année à partir de 2020. Une partie de ces fonds doit être consacrée à l’adaptation au changement climatique, surtout dans les pays vulnérables comme le sont les petits Etats insulaires. Je me suis donc interrogée pour savoir si ces petits Etat vulnérables avaient reçu le financement qui leur a été promis. J’ai commencé à travailler sur ce sujet avec Florent Weiler de l’université de Bâle. Notre collaboration dure toujours et notre projet s’est développé.
J’ai fait un deuxième post-doc à Anvers en Belgique, puis j’ai rejoint l’université de Göttingen en Allemagne et enfin le CERI.

Pouvez-vous nous parler de vos travaux en cours ?

Je m’intéresse toujours au financement du changement climatique et aux petits Etats insulaires. Je souhaite travailler à l’avenir sur deux projets. Le premier concerne le financement de l’adaptation au changement climatique : que font les pays de l’argent qu’ils reçoivent ? Dans quelle mesure cet argent finance-t-il l’adaptation au changement climatique ? Pourquoi les pays prennent-ils telle ou telle mesure ? Les mesures prises sont-elles les plus efficaces ? Aurait-on pu mieux utiliser l’argent reçu (une question importante dans la mesure où les sommes perçues sont insuffisantes) ? Je me pose ces questions dans le contexte des petits Etat insulaires qui sont à mes yeux très intéressants en raison de leur grande vulnérabilité et du fait qu’ils sont forcés de s’adapter au plus vite au changement climatique mais aussi parce que les sociétés insulaires doivent depuis toujours gérer un environnement difficile. Les petits Etats insulaires sont des pionniers en termes d’adaptation au changement climatique.
Sur le plan politique, il est intéressant de voir que les Seychelles qui comptent 50 000 habitants possèdent le même statut que la France ou l’Allemagne dans les négociations sur le climat. Si cela est tout à fait normal, il reste que ces îles sont très différentes de nos Etats continentaux.

Mon deuxième projet porte sur les négociations sur le climat. J’aimerais revenir à ce sujet et examiner les coalitions qui se sont formées. Habituellement, les Etats n’interviennent pas de façon individuelle mais au sein d’un groupe. Ainsi, les Etats de l’Union européenne négocient ensemble comme « Union européenne ». Il existe de nombreuses coalitions, notamment pour les pays en développement, une dizaine à ce jour. En formant une coalition, l’Alliance des petits Etats insulaires, les petits Etats insulaires sont parvenus à jouer un rôle considérable malgré leur petite taille. Chacun d’entre eux appartient souvent à plusieurs coalitions, celles-ci défendant d’ailleurs parfois des positions qui s’opposent les unes aux autres.
Je m’intéresse à la façon dont un pays comme les Seychelles qui dispose seulement d’un pool de quelques personnes – certaines délégations ne comprennent que trois personnes – pour participer aux négociations parvient à travailler et à être membre de plusieurs coalitions avec une équipe aussi réduite. Je cherche à voir si participer à plusieurs groupes est intéressant pour les petits Etats et si oui, de quelle façon ? Cette question n’a pas encore été traitée dans la littérature.

Pourquoi avez-vous choisi de travailler sur ces sujets ? D’où vient votre intérêt pour les sujets environnementaux ?

Je suis écologiste donc je me suis toujours intéressée à l’environnement. En outre, lorsque j’ai commencé mes études, j’ai lu un article dans lequel les petits Etats insulaires faisaient appel à la communauté internationale pour que celle-ci agisse sur le changement climatique. Ce texte a suscité mon intérêt et finalement décidé de mes axes de recherche. Ces Etats sont très vulnérables et quelques-uns d’entre eux sont peut-être même menacés de disparition. Cette idée de disparition physique d’un pays est fascinante même s’il n’est pas certain qu’elle aura véritablement lieu.
Il faut savoir que les atolls peuvent disparaître mais qu’ils peuvent également croître car ce sont des systèmes dynamiques alimentés par des récifs coralliens et qui peuvent donc croître à la faveur de la montée des eaux. Les dernières recherches sur les atolls montrent d’ailleurs que leur taille n’a pas diminuée au cours des dernières années. Ce qui est clair, c’est que le changement climatique posera des problèmes divers et non seulement pour les petits Etats insulaires. Les tempêtes tropicales plus fortes et/ou plus fréquentes ou l’érosion côtière, entre autres, sont des problèmes mondiaux qui ne concernent pas les seuls petits Etats insulaires.

Propos recueillis par Corinne Deloy

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