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24.08.2021

Agir pour l'employabilité des femmes

>Article initialement publié sur le site du Programme de recherche et d'enseignement des savoirs sur le genre (Presage)

 

Pendant 4 mois, trois élèves du Certificat Égalité femmes-hommes et politiques publiques de Sciences Po ont réalisé une étude sur les secteurs en tension et l’emploi des femmes pour et avec l’association Generation France. Mohamed Boukhchina, Morgane Iofrida et Salama Coulibaly nous racontent le déroulé de ce projet aux côtés de Meryem Belqziz, directrice générale, et Lucien Hilaire, responsable pédagogique à l’association Generation France.

POURQUOI AVEZ-VOUS CHOISI DE TRAVAILLER AVEC GENERATION FRANCE SUR L’EMPLOYABILITÉ AU PRISME DU GENRE ?

Mohamed : Lorsque j’ai pris connaissance de la possibilité de collaborer avec Generation France, j’ai postulé sans attendre ! Il s’agit d’un acteur incontournable de la formation et du retour vers l’emploi. J’ai un attachement particulier pour la valeur travail et cette opportunité m’a permis, de surcroît, de mettre à profit ma formation managériale dans cet engagement pour l’égalité femmes-hommes.

Salama : Lors de ma participation au Certificat égalité femmes-hommes et politiques publiques, nous avons échangé avec des acteurs professionnels et académiques inspirants autour des problématiques liées au genre. Le travail étant l’une des causes majeures des inégalités femmes-hommes par la discrimination genrée, les écarts salariaux, la forte représentativité des femmes dans les secteurs du soin et celle des hommes dans le numérique. Lorsque j’ai vu que nous avions l’occasion de collaborer avec Generation France, une association qui œuvre à l’insertion professionnelle des personnes éloignées de l’emploi via la formation, cela m’a paru être une belle opportunité de réfléchir à la prise en compte des problématiques liées au genre dans l’insertion professionnelle et la formation aux métiers en tension.

Morgane : Après avoir beaucoup évolué aux côtés d'associations en lien avec le secteur public, travailler pour Génération me permettait d'aborder le sujet de l'égalité femmes-hommes dans un autre cadre. En temps normal, l'insertion des femmes de façon durable sur le marché de l'emploi est soumise à plusieurs obstacles notamment les temps partiels et la parentalité. Avec la situation particulière du Covid, qui a démontré que les femmes étaient plus à risque de quitter leurs emplois pour gérer les aléas de la situation sanitaire, il me paraissait essentiel de travailler sur la question de l'employabilité des femmes.

EN QUOI CONSISTAIT LA MISSION CONFIÉE PAR GENERATION FRANCE AUX ÉLÈVES DE SCIENCES PO ?

Lucien Hilaire : Generation France est une association qui œuvre à l’insertion professionnelle de personnes éloignées de l’emploi via la formation sur des métiers en tension. Nous souhaitons adopter une démarche inclusive qui permette à différents types de publics d’acquérir des compétences techniques et non-techniques de manière adaptée à chaque profil ; ainsi, il nous a paru important de nous assurer de répondre à des besoins spécifiques liés aux inégalités de genre. Nous avons fait appel aux élèves de Sciences Po car nous avions besoin d’un regard extérieur sur nos actions pour pouvoir cartographier les angles morts de notre méthodologie de sélection des métiers sur lesquels nous formons et également adapter au mieux notre pédagogie.

Meryem Belqziz : Nous n’avions pas jusqu’à présent une politique dédiée à l’employabilité des femmes. Et au fur et à mesure que nous avons déployé de nouvelles formations, nous nous sommes rendus compte qu’il y avait des freins spécifiques concernant leur accès à l’emploi. Dans le cadre de notre formation Customer Care, où nous avons 52% de femmes, celles-ci ont plus de risque de décrochage lié à un manque d’aisance avec les outils digitaux ou à la charge familiale. Par ailleurs, pour notre formation de développement web, nous avons eu très peu de candidates femmes et avons dû redoubler d’efforts pour convaincre des femmes de candidater. Malgré tout, notre première promotion comptait uniquement 28% de femmes.

Morgane : Je pense aussi que l’un des points forts de notre groupe était que nous avons trois parcours très différents : un ancien élève d'école de commerce, une ancienne élève de la Sorbonne en économie et une élève formée à Sciences Po en sciences sociales. Cela s’est ajouté à la diversité de nos parcours au sein de l'École d'affaires publiques et nous a permis d'aborder les questions liées à l'employabilite des femmes sous des angles différents et complémentaires.

QUELS SONT LES SECTEURS EN TENSION QUI PEINENT À EMPLOYER DES FEMMES ?

Lucien Hilaire : Le secteur le plus souvent cité dans les médias sur le sujet de la sous-représentativité des femmes est le numérique. Beaucoup d’acteurs de la formation dans le digital et le web tentent de faciliter l’intégration des femmes dans le secteur, et nous souhaitons participer à cette inclusion. Cela dit, d’autres secteurs ont été identifiés par les élèves de Sciences Po, et plus particulièrement le secteur du bâtiment, dans lequel peu d’organismes de formation font aujourd’hui l’effort de mobiliser des apprenantes.

Mohamed : J’ajouterais que le secteur du bâtiment vit une profonde évolution face aux défis écologiques auxquels nous faisons face. Sa transformation sera créatrice d’emplois et il serait intéressant de croiser ce besoin en forces vives avec cet engagement pour la féminisation des emplois.

QUELLES RECOMMANDATIONS AVEZ-VOUS ADRESSÉES À GENERATION FRANCE À L’ISSUE DE VOTRE TRAVAIL POUR AGIR POSITIVEMENT SUR L’EMPLOYABILITÉ DES FEMMES ?

Salama : Au terme de ce travail, nous avons recommandé à Generation France d’assurer la mise en place d'une pédagogie adaptée avec une représentation mixte des formateurs, une formation en ressources humaines sur les questions potentiellement discriminantes, la création de partenariats durables avec des entreprises et une création potentielle de sessions de formation pilotes réservées exclusivement aux femmes afin de voir si cette exclusivité créerait une dynamique de groupe différente de celle d’un groupe mixte.

QUELLE SUITE SERA DONNÉE À CES PROPOSITIONS ?

Lucien Hilaire : Chez Generation France, nous avons à cœur d’intégrer les recommandations du rapport à nos méthodes : qu’il s’agisse de développer des programmes dans le secteur du bâtiment pour pouvoir y insérer davantage de femmes, ou de tester des modèles de cohortes exclusivement féminines pour nos programmes tech, nous intégrerons désormais le facteur genre d’une manière beaucoup plus transverse. Le fait que toute l’équipe ait pu assister à la restitution du rapport permet également de sensibiliser tous nos collaborateurs et toutes nos collaboratrices à ces questions, de la communication à la mobilisation employeurs, en passant par l’implémentation des programmes.

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