L’influence positive des images sur la compréhension d’un message – “A picture is worth a thousand words” – est généralement acceptée et établie. Sociologues, pédagogues et cognitivistes y consacrent un vaste ensemble de recherches depuis le début des années 1980.
En sciences cognitives, les études expérimentales qui appuient ce constat sont nombreuses.
Les cognitivites ont d’abord proposé des typologies des textes (Brewer, 1980 ; Adam, 1987) dont ils ont étudié la mémorisation et la compréhension (Denhière & Baudet, 1992 ; Van Dijk & Kintsch, 1983). Ils ont conduit des travaux analogues sur les images : proposition de typologies (Evans, Watson & Willows, 1987), étude de la mémorisation (Paivio, 1986) et de la compréhension (Denis, 1989).
Ces deux ensembles de recherches ont ouvert la voie à l’étude de la compréhension de textes illustrés (Glenberg & Langston, 1992) et ils ont permis de montrer que l’ajout d’informations iconiques améliore la compréhension de la signification d’un texte en encourageant les lecteurs à se construire des représentations mentales plus riches et abouties (Johnson-Laird, 1983).
Plus récemment, les recherches ont été étendues à la compréhension d’informations multimédia (Mayer, 1997).
Parmi les effets multimédia positifs, on peut citer l’effet de modalité et l’effet de contiguité.
Cependant, un effet multimédia négatif a été rapporté : quand textes et illustrations sont présentés dans le même mode (visuel), la mémorisation et la compréhension sont perturbées. Cette chute des performances est interprétée comme la conséquence du partage attentionnel (“split attention effect”) causé par la nécessité de répartir les ressources cognitives entre les différentes informations affichées à l’écran et l’augmentation proportionnelle de la charge cognitive (Tindall-Ford, Chandler & Sweller, 1997).
L’impact des différences individuelles sur les effets multimédia a été largement étudié et décrit. Loin de remettre en question l’effet positif global des images , ces travaux apportent un éclairage complémentaire à l’identification des processus mentaux à l’oeuvre dans la compréhension des informations multimédia.
Ces travaux soulignent l’influence de deux facteurs : les connaissances antérieures des apprenants et leur niveau dans différentes aptitudes ou habiletés mentales
Il est rapporté que les images améliorent massivement la compréhension d’apprenants novices alors qu’elles n’influencent pas ou peu la compréhension d’apprenants qui jouissent de connaissances préalables sur le sujet traité (Mayer & Gallini, 1990).
On observe par ailleurs que des apprenants disposant de hauts niveaux d’habiletés intellectuelles sont ceux qui tirent le plus grand avantage de l’association textes-images. En Angleterre, Hegarty et Steinhoff (1997) ont par exemple montré que seuls des apprenants ayant un niveau élevé d’habileté spatiale tirent avantage de l’association textes-images. La présentation d’illustrations n’améliore pas les performances des apprenants dotés d’un niveau faible dans le même registre. Plus récemment en France, Dubois, Gyselinck & Choplin (2003) indiquent que des étudiants disposant de bonnes capacités mnésiques visuo-spatiales tirent avantage des animations incluses dans des séquences multimédia. Alors que des étudiants ayant de faibles capacités mnésiques visuo-spatiales ne bénéficient pas des animations (voir aussi Gyselinck, Jamet & Dubois, 2008).
Ergonomes et communicants se sont appuyés sur les résultats des recherches expérimentales citées ci-dessus pour déduire des recommandations visant à mieux adapter les supports pédagogiques aux caractéristiques des apprenants.
Dubois (2004) tire de l’étude des effets multimédia des recommandations ergonomiques pour limiter la charge cognitive des étudiants : présenter textes et illustrations simultanément mais dans des modes sensoriels distincts ; regrouper les illustrations dans une même zone d’écran pour en faciliter l’analyse, personnaliser les messages pour maintenir et renforcer l’attention et la motivation des étudiants.
Clark & Lyons (2011) et Dirksen (2016) proposent nombre de recommandations pour créer des supports pédagogiques plus efficaces. Les buts poursuivis sont d’encourager la focalisation et le maintien de l’attention des apprenants, de renforcer leur motivation, d’aider les étudiants à mobiliser leurs connaissances antérieures, d’alléger la charge cognitive et d’encourager l’élaboration de représentations mentales abouties, de faciliter l’acquisition de compétences ou d’habiletés ainsi que le transfert de savoirs.
Dans un registre complémentaire, Najjar (1996, 1997, 1998) a apporté une contribution importante à l’ergonomie cognitive du design multimédia, via la formulation de principes pour aligner caractéristiques des apprenants, connaissances à acquérir et informations textuelles et iconiques.
Ces travaux restent insuffisamment connus des communautés enseignantes. Une meilleure promotion dans les secteurs du secondaire et du supérieur doit participer à améliorer la qualité des supports pédagogiques et la réussite des élèves.
Véronique DUBOIS-BOUCHET (PhD), Chargée de l'ingénierie pédagogique, Sciences Po.