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26.06.2019

La fonction RH face aux défis de l'intelligence artificielle

Portée par une vague digitale qui transforme en profondeur les entreprises, l'intelligence artificielle fait aujourd'hui son entrée dans les murs des sociétés. Dans certains services RH, elle permet désormais de réaliser plus rapidement ou plus efficacement certaines missions (prérecrutement, gestion administrative...). Un déploiement qui s'accompagne, pour les organisations, de nouveaux défis à relever.

Des solutions déjà opérationnelles

Des outils d'intelligence artificielle pour les services de ressources humaines ? « Ce n'est pas une vision futuriste », assure Michel Barabel, professeur affilié à Sciences Po Executive Education et directeur de l'Executive Mastère Spécialisé® RH. C'est en effet d'ores et déjà une réalité dans certaines entreprises françaises, « souvent sous forme de tests, et sur des périmètres restreints de la société », précise-t-il. C'est surtout depuis 2018 que des projets se sont lancés en ce sens dans les services RH, avant tout dans de grandes entreprises, internationalisées et évoluant dans un secteur d'activité à fort niveau de R&D. Un intérêt pour l'intelligence artificielle qui touche aujourd'hui différentes missions propres aux ressources humaines et qui devrait progresser de façon exponentielle dans les années qui viennent.

« Ce n'est pas une vision futuriste. C'est en effet d'ores et déjà une réalité dans certaines entreprises françaises, souvent sous forme de tests, et sur des périmètres restreints de la société.  »

Michel Barabel

Dans la gestion administrative

Établissement d'un bulletin de paie, rédaction de la quasi-totalité d'un contrat de travail... « Les tâches répétitives et standardisées nécessitant des temps de saisie importants peuvent être désormais prises en charge par des outils dédiés », indique Michel Barabel. Un développement de solutions d'intelligence artificielle qui s'accompagne, sur ces missions, de « craintes quant au remplacement d'emplois humains par des machines », poursuit-il.

Autre domaine d'intervention possible de l'intelligence artificielle : l'assistance à la mobilité internationale. « Tout le champ de l'expatriation peut être enrichi, grâce à des outils d'accompagnement par exemple pour le déménagement ou le transport des expatriés », indique Philippe Pierre, directeur du Certificat Manager à l'ère digitale. 

Dans le recrutement

Certaines entreprises testent aujourd'hui des outils réalisant une présélection des candidatures lors de processus de recrutement. « Des algorithmes de matching de compétences vont par exemple pouvoir trouver rapidement des profils répondant aux spécificités d'un poste à pourvoir, par exemple la maîtrise de tel logiciel », explique Michel Barabel. Les organisations souhaitent ainsi libérer le recruteur de ces tâches chronophages pour qu'il puisse se concentrer sur la relation directe avec les candidats. L'intervention de la machine dans les processus de recrutement ne va pas, là encore, sans poser de questions, tout particulièrement dans un contexte où la diversité des profils est encouragée dans les entreprises. « Un talent est une personne compétente mais surtout différente des collègues habituels, recrutés par le passé », rappelle Philippe Pierre, qui souligne que l' « intelligence artificielle semble aider à reconnaître des ''mêmes'' », mais « a plus de mal à penser des ''écarts'' et une ''force de la différence'' entre les humains, pour reprendre l'expression du sociologue Norbert Alter. (…) [En conséquence, elle] fait courir le risque d'un trop-plein de ''pareil'' 

Dans la formation

Des solutions d'intelligence artificielle permettent aujourd'hui d'individualiser les parcours de formation des collaborateurs. « On peut mieux cibler les besoins, mieux cartographier les compétences acquises, mieux personnaliser certains parcours apprenant », explique Philippe Pierre. Suite à une évaluation préalable, les salariés se verront proposer des parcours adaptés sur le fond mais aussi sur la forme (dans son format d'apprentissage privilégié). Les services RH peuvent ainsi envisager de mieux connaître les compétences de chacun mais également de cerner celles dont dispose une équipe réunie autour d'un projet.

« On peut mieux cibler les besoins, mieux cartographier les compétences acquises, mieux personnaliser certains parcours apprenant »

Philippe Pierre

Dans la gestion des carrières

Les solutions d'intelligence artificielle sont, sur cette thématique, aujourd'hui peu présentes dans les entreprises. « La gestion de carrière touche à l'histoire des collaborateurs, aux relations de confiance qui se sont tissées entre personnes ayant travaillé ensemble, explique Philippe Pierre. De même, les raisons qui nous amènent à accepter ou non un poste peuvent toucher à l'intime ». De quoi limiter les possibilités d'intervention de l'intelligence artificielle.

Quelques outils permettant de délivrer des conseils aux collaborateurs émergent toutefois. Certains sont actuellement en test aux Etats-Unis, pour « avertir des professionnels qu'une compétence clé gagne de l'importance dans leur métier et les orienter vers des formations dédiées », explique Michel Barabel. 

« Derrière la question de l'intelligence artificielle, se trouve celle de la capacité des organisations à générer des collectifs plus apprenants, plus innovants, plus performants »

Michel Barabel

Des atouts...

En faisant entrer des solutions d'intelligence artificielle dans leurs murs, les organisations souhaitent  « réaliser des économies d'échelle et des gains de productivité », rappelle Michel Barabel. Ce faisant, elles vont également faire évoluer le rapport à la connaissance en leur sein, par la mise à disposition d'une information plus riche, plus précise, et accessible en permanence. Le traitement d'immenses bases de données offre ainsi aux sociétés des savoirs auxquels elles n'avaient pas accès auparavant. Sur certaines tâches, comme le choix des formations des salariés, ces outils apportent également des réponses plus personnalisées, et donc plus efficaces. « Ce sont aussi des solutions qui vont être en mesure de fournir aux collaborateurs des informations 24 h sur 24, 7 jours sur 7 », rappelle Michel Barabel.

L'intelligence artificielle peut, enfin, être un atout pour l'image employeur de la société. « Les candidats maîtrisant les outils digitaux vont être sensibles au rapport au temps, plus instantané, que propose l'entreprise, par exemple dans le traitement de leur candidature », souligne Philippe Pierre.

...Et des défis

L'usage d'une grande quantité de données est nécessaire pour faire « tourner » les outils d'intelligence artificielle. L'entreprise doit donc avoir accès à de nombreuses informations, notamment sur les collaborateurs. Ce qui impose une réflexion sur l'usage et la protection de ces mêmes données (avec, en corollaire, une attention à la cybersécurité). Les organisations devraient, dès lors, se pencher sur de nombreuses questions, selon Michel Barabel : « Comment s'assure-t-on qu'a été mis en place un traitement éthique des data, que ces mêmes data ne peuvent pas être ''crackées'', que les personnes concernées sont bien protégées ? ».Dans le même temps, se pose la question des conséquences sociales du déploiement de solutions d'intelligence artificielle. Aura-t-il pour finalité de réduire les effectifs ou permettra-t-elle, au contraire, de reconfigurer des services RH libérés de certaines tâches, pour leur permettre de prendre en charge des missions à plus forte valeur ajoutée ? Ce sera l'un des enjeux centraux des années qui viennent, pour Michel Barabel : « Derrière la question de l'intelligence artificielle, se trouve celle de la capacité des organisations à générer des collectifs plus apprenants, plus innovants, plus performants ».  

Pour aller plus loin :

> [Livre Blanc] Travailler autrement  

Crédit photo : Franck Juery

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