Longtemps perçu comme une pratique opaque réservée aux cercles du pouvoir, le lobbying se réinvente à l’ère de la transparence et des réseaux sociaux. Guillaume Labbez, expert en stratégie de communication, enseignant à Sciences Po Executive Education et directeur du Certificat Affaires publiques et influence, analyse les enjeux de cette transformation. 

De l'entre-soi discret au militantisme assumé : le nouveau visage du lobbying

Le lobbying opère sa mue. Longtemps associé à des négociations entre initiés dans les cercles du pouvoir, il prend, à l'ère numérique, de nouveau atours. Sous la pression d'une opinion publique connectée, de réseaux sociaux et d'ONG vigilantes, l'influence s'affiche désormais au grand jour. Le débat s'élargit à l'arène publique avec, à la clé, un jeu d'influence plus transversal et plus conflictuel, prenant parfois des airs de campagne militante.

Des évolutions qui s'accompagnent d'un changement de regard. Si la France a longtemps relégué le lobbying au rang des pratiques inavouables, ses institutions reconnaissent aujourd'hui son rôle inévitable dans la démocratie.

La transparence totale : frein à l'influence ou gage de légitimité ?

Portée par la mise à jour d'affaires de corruption et un renforcement des exigences réglementaires, une transparence radicale s'est imposée dans la profession. Elle s'accompagne de nouvelles contraintes. Les lobbyistes doivent désormais déclarer leurs activités et vivent avec la crainte d'être exposés en place publique.

Mais cette transparence peut aussi être pour eux source d'opportunité. De fait, elle leur offre la possibilité de se réinventer et de se doter d'une nouvelle légitimité. Mis en pleine lumière, le lobbying conduit avec clarté et intégrité peut alors être perçu non comme un marchandage occulte mais comme une contribution au débat démocratique. In fine, en forçant les acteurs à des arguments plus solides et des alliances plus larges, la transparence favorise la qualité des politiques publiques.

Influencer sans manipuler : l'adaptation des stratégies d'affaires publiques

Mis au défi, les professionnels des affaires publiques doivent réinventer leurs pratiques. Un lobbying efficace passe aujourd'hui par la mise en place d'une stratégie intégrée et l'adoption de nouveaux outils et approches dans une logique d'« influence 360° ». Une transformation qui s'articule autour de plusieurs lignes forces : 

• Fédérer plutôt que diviser. En formant des coalitions avec d'autres parties prenantes (associations, entreprises...), les acteurs parlent d'une voix plus forte et légitime auprès des pouvoirs publics.
• Assumer une communication transparente. Pour être entendus sans susciter la méfiance, entreprises et lobbyistes doivent adopter un discours pédagogique en direction du grand public, en particulier sur les réseaux sociaux.
• Apporter expertise et valeur ajoutée. Les représentants d'intérêts gagnent en crédibilité en devenant des partenaires constructifs, éclairant la décision grâce à des données, des études ainsi qu'une fine connaissance du terrain.
• Respecter un cadre éthique strict. Face au risque d'exposition et de sanction toujours plus grand, les organisations doivent respecter tant la lettre que l'esprit des réglementations. Une rigueur qui renforcera, en retour, la confiance à leur égard.

En adaptant leur stratégie, les lobbyistes peuvent faire du basculement vers la transparence radicale une opportunité démocratique. Leurs prises de parole gagneront en impact ce qu'elles perdront en opacité. Une mutation précieuse alors que la décision publique se fait plus ouverte – et in fine, plus légitime.

Retrouvez la version intégrale de cet article sur Conférence.

POUR EN SAVOIR PLUS

Toutes nos formations en politiques et affaires publiques, lobbying, gestion de santé et influence.
Le Certificat Affaires publiques et influence
L’Executive Master Management des politiques publiques vu par ses deux directeurs
La formation courte Lobbying local