COLBENTHAM / Atelier du Centre Bentham

Intervenant : Alejandro Vergara Blanco, professeur à la Pontificia Universidad Católica de Chile.

Par comparaison et palingénésie, nous avons découvert qu'un Cours de Législation Universelle composé par Andrés Bello en 1830 pour ses étudiants en droit (récemment publié en 2021) incluait également des extraits de Benjamin Constant, rien de moins que le premier chapitre de ses Principes de Politique, consacré à la souveraineté du peuple. Jusqu'à présent, nous savions que Constant avait pu avoir une certaine influence sur certains de ses écrits, mais aucune vérification concrète n'était disponible.

Ce Cours de Législation Universelle était une invention d'Andrés Bello et se composait d'extraits d'auteurs majeurs du début du XIXe siècle. Il semble avoir été composé presque exclusivement d'extraits du Traité de droit civil et pénal, édité par Dumont en 1802 à partir de textes de Jeremy Bentham. À tel point que les étudiants de Bello ont ajouté la précision suivante au titre du cours : « ...d'après Bentham ». Bien que l'identification de chaque œuvre de Bentham, de Constantine ou d'autres auteurs transcrite par Bello soit encore en cours, il est pour l'instant possible d'avancer le fait concret que les premières études juridiques d'Andrés Bello au Chili, à partir de 1830, s'appuyaient sur des pièces composées simultanément à partir de nombreux documents de Bentham, mais aussi de quelques éléments tirés des œuvres de Constant.

Ces nouvelles informations nous permettent d'approfondir la réception des idées juridiques par Andrés Bello. Il fut influencé à trois reprises par Bentham, Constant et Savigny, dans cet ordre. Si l'influence de Savigny sur Bello n'apparaîtra que deux décennies plus tard, à partir de 1840, Bello dut évaluer l'œuvre de ces deux auteurs, qu'il admirait.
Quant à Bentham, rien ne semble indiquer qu'il ait lu Constant (ce qui demanderait d'ailleurs à être vérifié). Mais, quant à Constant, il était un lecteur, un admirateur et un adversaire de Bentham, comme en témoignent plusieurs de ses œuvres les plus connues où il cite Bentham, ainsi que certains de ses manuscrits de 1806.

Andrés Bello semble avoir trouvé le moyen de concilier les idées des deux auteurs, comme en témoignent l'importante législation qu'il a promue au Chili à partir de 1833 (la Constitution de cette date) et le Code civil chilien de 1857.

Mais ce qui précède ouvre aussi un champ pour revisiter l’œuvre de Bentham et Constant, pour voir leur proximité et leur distance.