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29.09.2025
Nouveau baromètre Vox Agri : un agriculteur sur 5 se déclare désespéré.
Le CEVIPOF et Agro Toulouse, en partenariat avec le groupe Réussir, lancent la première vague du baromètre Vox Agri, une enquête inédite visant à suivre sur le long terme les représentations sociales, économiques et politiques du monde agricole.
Réalisée entre avril et juin 2025 auprès de 1 082 exploitants agricoles, cette étude menée par Pierre-Henri Bono (économètre au CEVIPOF) et François Purseigle (professeur des universités en sociologie AgroToulouse et chercheur associé au CEVIPOF) permet d’éclairer les mutations profondes de la profession et de situer ses perceptions dans le débat public.
1. Une vision économique dominée par le pessimisme
L’analyse révèle un sentiment de dégradation économique beaucoup plus marqué que dans la population générale.
Niveau de vie : plus de deux tiers des agriculteurs estiment que le niveau de vie en France a diminué au cours des douze derniers mois. Une vision de la situation de la France partagée avec les autres français.
Situation financière des ménages agricoles : près de 60 % jugent que leur foyer a vu sa situation se dégrader, contre seulement –22 % pour la moyenne nationale.
Projections futures : seuls 13 % anticipent une amélioration financière dans les 12 prochains mois, quand 46 % s’attendent à une aggravation.
Capacité d’épargne : moins d’un tiers (31 %) pensent pouvoir mettre de l’argent de côté, soit une propension inférieure à celle des Français.
2. Place dans la société & avenir du métier : inquiétudes et désespoir
La perception de l’avenir de la profession se caractérise par une inquiétude massive :
Seuls 10 % des agriculteurs se disent confiants.
Près de la moitié (44 %) expriment de l’inquiétude, et un agriculteur sur 5 se déclare désespéré.
Ces proportions sont plus marquées chez les exploitations de petite taille (moins de 20 hectares), où près de 30 % des répondants se disent désespérés.
Ce sentiment s’accompagne d’une diminution du sentiment de soutien institutionnel. Les agriculteurs jugent sévèrement l’écoute des pouvoirs publics, de l’Union européenne et même des syndicats. La fracture avec les institutions apparaît ainsi comme un élément central de la crise de confiance.
3. Des préoccupations redéfinies
En presque 10 ans (Vox Agri 2025 vs étude Ademe 2017), les préoccupations des agriculteurs et agricultrices ont fortement changées : l’analyse des priorités place la situation économique et budgétaire largement en tête des préoccupations actuelles des exploitants, loin devant les enjeux environnementaux ou sociaux.
Cependant, cette hiérarchie ne signifie pas un désintérêt pour les questions climatiques : un agriculteur sur 2 reconnaît que le changement climatique impacte déjà son activité ; Mais la capacité d’adaptation est perçue comme limitée, faute de marges financières et de soutiens institutionnels.
4. Mondialisation et accords commerciaux : une opposition frontale
Le baromètre révèle une opposition massive à l’accord Mercosur :
Près de 80 % considèrent qu’il représente une menace pour l’agriculture française ;
Moins de 5 % estiment qu’il pourrait constituer une opportunité ;
Ce rejet traverse toutes les filières, avec des taux dépassant 85 % chez les éleveurs bovins et ovins. Cette hostilité souligne la fragilité perçue de l’agriculture française dans un marché mondialisé et la demande implicite de protections économiques et réglementaires.
5. Exploitations et projets d’avenir : prudence et immobilisme
Lorsqu’il s’agit de l’avenir de leurs exploitations, les agriculteurs expriment une faible confiance dans la rentabilité économique :
Près de 50 % jugent leur rentabilité « difficile » ou « très difficile » ;
La projection d’investissements demeure faible, freinée par l’incertitude économique et la crainte de l’endettement.
La stratégie dominante reste celle du statu quo ou de la transmission/cession, signe d’une projection prudente, voire défensive.
Conclusion : un monde agricole en crise de confiance
Cette première vague du baromètre Vox Agri met en lumière un secteur en crise de confiance et en quête de reconnaissance:
- Des producteurs avant tout, préoccupés par des questions économiques
- Un sentiment d’être abandonnés par la plupart des institutions
- Un même faisceau de colères,mais des attentes différentes
- Des projets d’avenir incertains
- Une quête de reconnaissance (politique/économique/existentielles) et de soutien
Une première vague de résultats qui confirment des défis/enjeux majeurs : crise de confiance, précarité économique, sentiment d’abandon institutionnel et nécessaire adaptation au changement climatique.
Le monde agricole apparaît ainsi à la croisée des chemins, partagé entre résignation et quête de reconnaissance.
Le suivi longitudinal de ce baromètre permettra de documenter ces évolutions et d’éclairer les débats publics autour de la place de l’agriculture dans la société française.
Consulter les résultats de la précédente étude de nos chercheurs (novembre 2024) : “Agriculture, de quelles colères et attentes es-tu le nom ?”