La désillusion politique

Dans sa dernière note de recherche basée sur les résultats de la 16ᵉ vague du Baromètre de la confiance politique, Luc Rouban, directeur de recherches au CNRS CEVIPOF, révèle une évolution marquante du rapport des citoyens à la politique en France : la montée d’une désillusion politique profonde. Ce phénomène ne se traduit plus uniquement par la défiance envers les institutions ou les personnels politiques, mais par une conviction plus structurelle de l’impuissance politique.

Trois registres principaux structurent cette désillusion 

L’impuissance électorale : près de la moitié des Français interrogés estiment que les élections ne permettent pas de changer réellement les choses, particulièrement chez les jeunes et les inactifs. Ce scepticisme électoral est moins marqué en Allemagne, en Italie et aux Pays-Bas.

L’impuissance gouvernementale : 57 % des Français pensent que « le vrai pouvoir est ailleurs », souvent identifié aux marchés financiers, à l’Union européenne ou aux grandes entreprises, marquant une perte de foi en la capacité d’action des gouvernements nationaux.

Le désir d’autonomie sociale : nombre d'enquêtés expriment la volonté de se tenir à l'écart de la vie politique pour privilégier les sphères privée et associative. Cette dynamique touche particulièrement les électeurs d’extrême-droite, notamment du Rassemblement National, révélant un libertarisme croissant plutôt qu’un simple populisme autoritaire.

L'étude montre également que cette mise à distance du politique s’accompagne d’une préférence croissante pour des modèles communautaires au détriment du modèle républicain unitaire, et d’un désir d’émancipation économique individuelle.

Ainsi, le rapport au politique se redéfinit : d'une quête de changement par l’engagement collectif, il glisse vers une attente de services politiques limités, où la politique n'est plus perçue comme instrument de transformation sociale mais comme garant minimal des libertés privées.