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30.07.2025

Itinéraire d’un jeune chercheur : Fares Davion, lauréat du prix du meilleur mémoire

Pouvez-vous nous présenter brièvement votre mémoire : son sujet, sa problématique et ce qui vous a conduit à le choisir ?


Mon mémoire intitulé Solidarity or Military Hegemony? The Janus-Faced Confédération des États du Sahel, dirigé par Richard Banégas (CERI), tente de comprendre, à travers une approche « par le bas » — pour reprendre le concept de Jean-François Bayart et de la revue Politique africaine créée en 1980 — comment les citoyens maliens, nigériens et burkinabés perçoivent et participent au nouveau projet Confédération Alliance des États du Sahel (AES) dans un contexte bien particulier qu’est celui de la période post-coup. Alors que les précédents travaux portant sur les coups d’État se concentrent principalement sur les causes qui mènent à cette situation, non rare dans la région, ils laissent peu investie la question de leurs développements ainsi que celle du rôle joué par les citoyens. Ainsi, ce projet se focalise sur les évolutions post-coups, la perception et la participation citoyennes à l’égard des actions conjointes des juntes sahéliennes à travers l’AES, que ce soit en matière de résolution de conflit (terroriste ou séparatiste), de développement ou encore de gouvernance.
Depuis ma première année à Sciences Po, j’ai nourri un intérêt particulier pour la région du Sahel et plus largement pour l’Afrique de l’Ouest. Par la suite, dans le cadre de mon année de césure entre la première et la deuxième année du Master en Sécurité Internationale de la Paris School of International Affairs (PSIA), j’ai eu l’opportunité d’effectuer un stage auprès des Éléments Français au Sénégal (EFS), pôle opérationnel de coopération à vocation régionale, en tant qu’analyste influence et politique. Cette expérience a vivement confirmé mon intérêt pour le Sahel et l’Afrique de l’Ouest et m’a surtout permis d’être témoin des prémices de l’AES. En effet, l’alliance a été créée environ un mois après le coup d’État qui a renversé le président nigérien Mohamed Bazoum. Elle est le produit d’un élan de solidarité entre les trois juntes sahéliennes face aux sanctions économiques et aux menaces d’intervention militaire de la CEDEAO au Niger afin d’y rétablir l’ordre constitutionnel et démocratique.
De ces événements, j’ai gardé en tête plusieurs images et vidéos vues sur les réseaux sociaux, et particulièrement celles de citoyens nigériens, maliens et burkinabés manifestant en faveur des militaires, pour soutenir la création de l’AES, contre la CEDEAO, demander le départ des forces françaises ou encore remercier la Russie. Ainsi, alors que ce type de rassemblements perdure, je me suis très vite demandé dans quelle mesure le projet de l’AES, initialement créé par les militaires sans aucune consultation citoyenne, peut faire l’objet d’un soutien aussi visible, dépeignant ainsi l’alliance comme la volonté du peuple tout entier et, a contrario, s’il existe une opposition et peut-elle s’exprimer librement. 
 

   
Photo prise lors du rassemblement pour célébrer le retrait du Mali, du Niger et du Burkina Faso de la CEDEAO à Niamey le 28 janvier 2025. 
AFP - BOUREIMA HAMA

Qu’est-ce qui vous a le plus passionné ou surpris au cours de votre travail de recherche ?


Ce qui m’a le plus passionné au cours de ce travail est le fait d’avoir opté pour une approche qualitative. En effet, ce projet s’inscrit dans une tendance croissante à évaluer l’opinion publique sur les régimes militaires comme l’Afrobarometer. Malgré un difficile accès à mon terrain de recherche au regard de la situation sécuritaire et politique, j’ai décidé d’employer une méthode de recherche qualitative où une quinzaine de citoyens, de fonctionnaires et d’analystes du Mali, du Niger et du Burkina Faso ont été interrogés. J’ai ainsi pu échanger avec des personnes à distance, parfois pendant plusieurs heures, en conduisant des entretiens semi-directifs. Par ailleurs, cette volonté d’adopter une telle démarche s’est aussi faite à contre-courant des méthodes classiques de science politique qui prêtent plus d’attention aux chiffres, ce qui peut parfois limiter la compréhension de certains narratifs et de leur complexité.


Comment décririez-vous l’importance de ce mémoire dans votre parcours et vos projets futurs ?


Ce travail revêt une grande importance pour la suite de mon parcours étant donné qu’il a confirmé mon intérêt pour la recherche sur le Sahel et m’a surtout donné l’envie de poursuivre en doctorat. Par ailleurs, je rejoindrai à la rentrée prochaine le programme de doctorat en Science Politique de l’Université de Floride ainsi que le Sahel Research Group en tant que graduate research assistant.
Concernant mes projets futurs, même si ce mémoire m’a permis de répondre à certaines questions que je me posais auparavant, j’ai fini l’écriture de ce travail avec davantage d’interrogations. L’une d’elles concerne la notion d’identité sahélienne qu’essaie de porter l’AES, alors même que cette « sahéliannité » politique se heurte à des réalités géographiques ou encore ethniques. Enfin, ce mémoire va définitivement orienter la manière dont j’aimerais conduire ma recherche à l’avenir et il est sûr que je souhaite toujours poursuivre cette approche « par le bas » qui, il me semble, permet de mieux comprendre certaines réalités que l’approche institutionnelle, par le haut, peut parfois dissimuler.