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15.03.2024

Masterclass : « La Fabrique des transitions écologiques et sociales »

Au deuxième semestre, les étudiants du Master Cycle d’urbanisme ont l’opportunité de suivre une série de masterclass intitulée « La Fabrique des transitions écologiques et sociales ». Ces masterclass sont spécialement conçues pour explorer des sujets peu ou moins abordés dans le reste du cursus académique et répondent ainsi aux attentes des étudiants qui souhaitent approfondir leur compréhension des enjeux émergents et des solutions novatrices dans les domaines de l'écologie et des transitions sociales.  

Dans le cadre de ces sessions, les étudiants doivent produire des compte-rendu qui incluent notamment des interviews des intervenants. En documentant ces échanges avec des experts, les élèves contribuent à la mission du Lab de l’École urbaine, à savoir la co-production et la de diffusion de connaissance publiques pour les villes, les territoires, et leurs acteurs. 

Masterclass 1 : le PLU Bioclimatique de Paris par Stéphane Lecler, directeur de l'urbanisme de la Ville de Paris. 

« L’expérience montre que les solutions existent pour être au rendez-vous de la neutralité carbone. »

Stéphane Lecler

En 2020, Paris a engagé la révision de son Plan Local d’Urbanisme (PLU), un règlement qui définit les orientations d’aménagement et encadre la construction. Cette refonte vise à transformer le PLU en un outil bioclimatique, prenant en compte les défis du changement climatique et ses impacts et de ses conséquences sur la ville et le quotidien de sa population. "La ville dense a-t-elle un avenir à l'heure du changement climatique, du télétravail et du e-commerce ?" : c'est par cette question cruciale qu'a démarré l'échange avec les étudiantes et les étudiants. 

Ce cours a permis de mieux comprendre et d’analyser la logique qui guide le PLU bioclimatique ; de ses ambitions politiques à ses applications réglementaires. La discussion a montré qu’un PLU ambitieux permet d’adresser des réponses concrètes à l’adaptation du tissu urbain au changement climatique, au maintien d'une ville ouverte, mixte, valorisant la proximité et son patrimoine. Ce cours a également mis en avant les limites de l’action du PLU, notamment face aux réalités juridiques, à l’opportunisme économique ou aux oppositions institutionnelles et politiques.

Dans un contexte de rareté foncière, les objectifs d’accroissement du nombre de logements sociaux (atteindre 30% du parc en 2035) et de renaturation de la ville (300 hectares additionnels d’espaces verts) du PLU-Bioclimatique sont-ils conciliables ?

« La renaturation de la ville est une nécessité absolue afin de restaurer les cycles écologiques dont le cycle de l’eau, de lutter contre l’îlot de chaleur urbain et de recréer des continuités écologiques dans cette ville excessivement minérale. La Ville de Paris entend accélérer cette politique qui est au cœur de l’ambition du futur PLU bioclimatique et utiliser tous les leviers envisageables : création de nouveaux parcs dans les opérations d’aménagement, emplacements réservés dans le PLU pour la création de nouveaux espaces verts dans le tissu diffus, désimperméabilisation des cœurs de parcelles privatives et végétalisation de l’espace public.
Cette renaturation de la Ville contribuera également à améliorer la qualité de vie des Parisiennes et Parisiens, pour lesquels le PLU fixe un objectif de maintien de la population à son niveau actuel (2,1 millions d’habitants). 
Cela implique de continuer à créer des logements à Paris, dont une part significative de logements abordables et de logements sociaux, qui devront représenter 40% du parc de logements à l’horizon 2035, dont 30% de logements sociaux.
Une grande part de ces nouveaux logements proviendront de la transformation de bâtiments existants (immeubles de bureaux, anciens garages, hôtels, etc.). Une part proviendra de la surélévation d’immeubles. Enfin, les opérations d’aménagement contribueront également à la création de logements nouveaux ».

On observe avec le PLU-Bioclimatique une complexification croissante de la réglementation et des ambitions toujours plus importantes concernant la qualité et la vertu des projets. Cela s’accompagne-t-il par une augmentation des moyens dédiés au suivi et au contrôle des projets ? Des formations sont-elles prévues auprès des constructeurs ?

« Le futur PLU bioclimatique de Paris porte une grande ambition en matière de réduction des émissions carbone du secteur du bâtiment qui représentent près de 25% des émissions du territoire parisien.
En privilégiant la transformation des bâtiments existants à leur démolition / reconstruction, en signant la fin du tout béton au profit de l’utilisation de matériaux bio ou géo-sourcés, en favorisant la réduction des consommations d’énergie grâce à la conception bioclimatique des bâtiments, en développant la production d’énergie locale, en accompagnant l’essor des mobilités actives, etc.
Le PLU fixera des normes ambitieuses sur chacun de ces critères et il comportera également des mécanismes incitatifs, par exemple des bonus de surélévation en cas de dé-simperméabilisation des espaces libres de la parcelle. L’expérience montre que les solutions existent pour être au rendez-vous de la neutralité carbone. 
En se fixant comme objectif d’être à l’avant-garde de cette révolution, la Ville de Paris envoie un signal à l’ensemble des professionnels. La Ville attend d’eux ambition et volontarisme, et les accompagnera dans cette bifurcation de leurs manières de faire. Construire à Paris est une responsabilité et un honneur. Les professionnels doivent se montrer à la hauteur de cet enjeu.

La Mairie de Paris a beaucoup communiqué sur la dimension participative du PLU-Bioclimatique, notamment en organisant de nombreuses réunions publiques et en diversifiant les formats de ces dernières. Celles-ci ont-elles joué un rôle important dans l’écriture du règlement ? Pouvez-vous nous citer un exemple d’évolution du règlement à la suite de la concertation ?

« L’élaboration du projet de PLU bioclimatique a fait l’objet d’une concertation très approfondie avec l’ensemble des parties prenantes. Dans un premier temps, une conférence citoyenne rassemblant 100 habitants de Paris et du Grand Paris a été l’occasion de réfléchir aux enjeux auxquels est confronté le territoire parisien et aux objectifs du futur PLU.
Puis, des temps dédiés ont permis d’informer la population et de recueillir ses attentes à chaque étape de l’élaboration du projet (diagnostic territorial, projet de PADD, avant-projet de règlement et des orientations d’aménagement et de programmation). La concertation s’est déployée selon des formats variés afin de toucher un maximum de personnes : réunions publiques, marches exploratoires, rencontres avec les professionnelles, réunions avec les conseils de quartier, etc.
Au total, plus de 50.000 contributions ont été recueillies qui ont permis d’orienter la réflexion et de pointer des enjeux locaux. Les enjeux de végétalisation et de protection du patrimoine ont fait l’objet d’une large mobilisation des habitants, associations, conseils de quartiers, élus locaux. Les propositions émises dans le cadre de la concertation ont ainsi permis d’identifier de nouveaux bâtiments ou espaces verts à protéger. De même, la protection des commerces de proximité est un enjeu très concret qui a fait l’objet de nombreuses propositions.

Quelles ont été les principales questions ou préoccupations soulevées par les étudiants au cours de votre Masterclass ?

« La question de la conciliation entre renaturation de la ville et poursuite du développement de l’offre de logements – ainsi que d’équipements publics (sportifs, culturels, de santé), a été soulevée par les étudiants. Il est certain que l’exiguïté du territoire parisien – 100km² - et son caractère largement urbanisé peuvent laisser penser que l’avenir de Paris serait à la dé-densification.
Or, les études réalisées par l’APUR dans le cadre de l’élaboration du nouveau PLU montrent qu’il est à la fois possible de renaturer massivement la ville tout en créant davantage de logements et en offrant encore plus de services et d’équipements. Cela passera par la transformation d’un certain nombre de bâtiments existants pour leur conférer de nouveaux usages, des surélévations ponctuelles, et la mobilisation des dernières friches – notamment ferroviaires – qui comportent un potentiel de mutation. La limitation du stock de bureaux (21 millions de m² !) permettra d’offrir davantage de mixité fonctionnelle et sociale dans tous les quartiers, gage de résilience.
De la même manière, les étudiants se sont interrogés sur la capacité des professionnels d’être au rendez-vous de la forte ambition de neutralité carbone portée par la Ville. Les solutions techniques existent - elles sont souvent simples - ce qui manque actuellement c’est un cadre réglementaire clair et un accompagnement des projets par la puissance publique.
Avec le PLU bioclimatique, le cap sera énoncé clairement et l’ensemble des professionnels pourront s’organiser de manière à atteindre les objectifs fixés. La Ville de Paris en appelle à l’ensemble des décideurs, notamment de la sphère étatique (ministères, ABF, préfecture de police, etc.) afin qu’ils encouragent et appuient cette nécessaire transition vers la neutralité carbone de la ville ».

Propos recueillis par les étudiants du Master Cycle d’urbanisme : Elise Baudry, Antoine Gestin, Goulven Jaffrès, Emma Lecomte et Julien Lussiez.