Peut-on faire l'économie du genre ?

Peut-on faire l'économie du genre ?

Revue RCE
Marie Duru-Bellat, Marta Dominguez Folgueras
  • Revue Regards croisés sur l'économie (La Découverte)Revue Regards croisés sur l'économie (La Découverte)

La revue Regards croisés sur l'économie publie dans son numéro 15, daté d'octobre 2014 un ambitieux dossier sur les inégalités de genre. Ambitieux car au travers de 19 articles, des historiens, économistes et sociologues sont invités à décrire précisémment les mécanismes fondant ces inégalités et à proposer des pistes pour les combattre pour "repenser le genre et sa place dans la société du XXIe siècle.
Ce numéro est disponible en ligne sur la plateforme CAIRN.

Quel rôle joue l'école dans la partition sexuée de l'économie ? Marie Duru-Bellat apporte une contribution avec son article « L'école, premier vecteur de la ségrégation professionnelle ? ».

Alors que les taux d’activité et les taux de scolarisation féminins ont connu une hausse spectaculaire en un demi-siècle, la mixité des emplois et des filières de formation est très loin d’avoir progressé proportionnellement. Le texte explore le rôle de l’école dans la reproduction de la ségrégation professionnelle. Certes, l’élévation du niveau d’instruction des filles a réduit la ségrégation verticale, mais la socialisation scolaire tend à entretenir la ségrégation horizontale, entre filières, en entérinant le partage entre disciplines masculines et féminines. De plus, la ségrégation qui existe dans le monde du travail est elle-même anticipée par les jeunes, de même que le fonctionnement de la famille qui entraîne des contraintes spécifiques, encore aujourd’hui, sur les choix des jeunes filles. Au total, le rôle propre de l’école, par rapport à ces anticipations réalistes apparaît plus modeste que ce qui est volontiers imaginé.

Marta Dominguez Folgeras constate elle que « L'inégal partage des responsabilités familiales et domestiques est toujours d'actualité ».

Pour comprendre l’actualité du partage des tâches domestiques en Europe, cet article utilise les données des diverses enquêtes « Emploi du temps », recueillies au niveau national, mais suffisamment unifiées pour pouvoir effectuer des comparaisons spatiales et temporelles. On constate que malgré l’entrée des femmes sur le marché du travail et les évolutions technologiques des dernières décennies, partout en Europe, les tâches domestiques demeurent essentiellement féminines, même s’il existe de véritables différences nationales. Plus que la quantité de tâches effectuées, ce sont leur « qualité » qui les rend plus ou moins féminines ou masculines. En effet, le ménage, et, dans une moindre mesure, la cuisine et les courses, sont largement féminisés, alors que les « loisirs » que représentent le jardinage et le bricolage sont l’apanage des hommes. Si l’on constate que le partage est plus égalitaire dans les couples jeunes, non mariés, et dans lesquels les femmes sont fortement diplômées, le facteur le plus déterminant semble être la présence d’enfants, et notamment en bas âge, au sein du couple. Le calcul rationnel de l’optimisation de la production domestique ne saurait expliquer que même les couples dans lesquelles la femme a une position plus favorable que son époux sur le marché du travail continuent à fonctionner selon le même schéma de tâches largement féminisées. Les études sur le genre permettent certainement d’appréhender de manière plus précise la façon dont la socialisation des enfants les amène à se construire et accepter un rôle genrée qui passe par un partage inégalitaire des responsabilités familiales et domestiques.

POUR EN SAVOIR PLUS

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