Petits et grands hommes du Doubs

Petits et grands hommes du Doubs

La démographie des peuples selon Louis-Adolphe Bertillon
Séminaire scientifique de l'OSC, vendredi 12 juin 2020 à 11h30
  • Image Lightspring (via Shutterstock)Image Lightspring (via Shutterstock)

Séminaire scientifique de l'OSC 2019-2020

vendredi 12 juin 2020  de 11h30 à 13h
98 rue de l'Université, salle Annick Percheron, Paris 7e
ou en ligne via Zoom (inscrivez-vous pour recevoir le lien)

Petits et grands hommes du Doubs
La démographie des peuples selon Louis-Adolphe Bertillon

Alain Chenu

Professeur des universités émérite (OSC)

Alain Chenu (OSC)Le cas de la taille des conscrits du Doubs a été mis en exergue par Louis-Adolphe Bertillon (1821-1883) dans différentes publications portant sur la notion de moyenne : dans ce département, la distribution des tailles présente deux valeurs maximales, l’une de 1,63 m, l’autre de 1,69 m. Il en déduit que dans le Doubs coexiste deux populations, que ses confrères de la Société d’anthropologie de Paris qualifient de grands Burgondes et de petits Séquanes (ou Celtes). Il conclut que la moyenne est ici une valeur « subjective », ne décrivant correctement aucune des deux composantes de la population de la zone étudiée. L’article « Moyenne » (1876), centré sur le cas du Doubs, devient un classique, pour deux raisons : d’une part il rend les notions statistiques accessibles, notamment grâce à un graphique en dos de chameau qui devient célèbre ; et d’autre part il conforte les représentations racialistes alors prédominantes.

En 1895, le médecin militaire italien Ridolfo Livi estime que le creux entre les deux bosses de la courbe des tailles des conscrits du Doubs est un pur artefact, issu de la conversion en pouces de mesures prises au centimètre près. Deux éminents historiens des statistiques divergent quant à la pertinence de la critique de Livi : Stigler (en 1986) l’estime fondée, Desrosières considère que le texte de Bertillon ne semble pas la justifier (en 1993).

Dans une perspective proche de celle de Pierre Bourdieu, pour qui « L’histoire des sciences sociales n’est pas une spécialité parmi d’autres. Elle est l’instrument privilégié de la réflexivité critique » (P. Bourdieu, 1995 ; cité par Laferté, Pasquali, Renahy), nous étudions en détail le cas des conscrits du Doubs parce qu’il nous semble constituer un bon analyseur de ce qu’était la démographie pour Bertillon, et plus largement de ce que sont les sciences sociales, dans lesquelles les rapports entre questions de théorie et questions de méthode ne s’organisent pas toujours conformément aux intentions des chercheurs. L’un des traits caractéristiques de la démographie (et souvent de la sociologie) est de s’appuyer sur des données de source administrative, construites en vue de finalités pratiques ; ici la statistique de la taille des conscrits répond aux besoins de recrutement de l’Armée. A la différence de Livi, Bertillon n’était pas un familier des conseils de révision ; il s’est appuyé sur des nombres issus d’une boîte qui est hélas restée noire pour lui.

L'inscription au séminaire est obligatoire - Registration is mandatory

Alain Chenu mène depuis plusieurs mois un important travail d'analyse des publications de Louis-Adolphe Bertillon. Un ouvrage proposant une revisite de sa "Démographie figurée de la France" (1874), remarquable par ses planches de cartes et graphiques faites main,  est en préparation.  Démographie figurée de la France - Bertillon

Retour en haut de page