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25.04.2024
Sport et discriminations : l’affaire Caster Semenya et la normalisation du corps féminin au nom de l’égalité
À propos de cet événement
Le 25 avril 2024 de 10:15 à 12:15
Intervenante : Isabelle Rorive, Professeure, Faculté de Droit et de Criminologie, Centre Perelman, Equality Law Clinic, Université Libre de Bruxelles.
Mokgadi Caster Semenya est une athlète sud-africaine, spécialiste du 800 mètres, triple championne du monde et double championne olympique de la discipline. C’est le 19 août 2009, à 18 ans, qu’elle gagne ses premiers championnats du monde d’athlétisme à Berlin en réalisant la meilleure performance de l’année, en pulvérisant son record personnel et en établissant un nouveau record national pour l’Afrique du Sud. Elle est alors une quasi inconnue de la scène internationale d’athlétisme. Le lynchage médiatique est immédiat et la Fédération internationale d’athlétisme ne manque pas d’y contribuer. Pierre Weiss, alors secrétaire général, déclare dans une formule restée célèbre, “C’est clair que Semenya est une femme, mais peut-être pas à 100%”.
Les règlements pris par la Fédération internationale d’athlétisme, aujourd’hui World Athletics, se succèdent et fixent des seuils de testostérone de plus en plus bas pour définir le “sexe sportif” féminin. Cette réglementation repose sur des données scientifiques sujettes à caution et est, à deux reprises, mise en cause devant le tribunal arbitral du sport établi à Lausanne. Ce dernier la suspend dans une premier temps, avant de la valider, tout en reconnaissant qu’elle est discriminatoire. Un recours est alors introduit devant les juridictions suisses et, ensuite, devant la Cour européenne des droits de l’homme qui rend un arrêt particulièrement divisé en faveur de Caster Semenya en juillet 2023. L’affaire est actuellement réexaminée par la Grande Chambre de la Cour.
L’affaire Caster Semenya s’inscrit dans l’histoire de l’exclusion des femmes du sport en général, et de l’athlétisme en particulier, et de leur conquête progressive, et toujours en cours, de l’accès à différentes disciplines réservées pendant longtemps aux hommes. Elle cristallise les débats sur la définition du sexe biologique, sur l’évolution des critères utilisés et sur l’embarras des sciences médicales à reconnaître que “ce n’est pas si simple que cela”. Elle révèle comment les processus de normalisation du corps de personnes intersexuées, dénoncés depuis une dizaine d’années comme des “pratiques préjudiciables” par les comités internationaux de protection des droits fondamentaux, sont à l’œuvre dans le sport de haut niveau, tout particulièrement à l’égard de femmes du Global South. Elle nous montre à voir qui décide ce qu’est une femme et comment l’argument d’égalité peut se retourner contre le principe de non-discrimination.
Salle K008 (Sciences Po, 1 place Saint-Thomas d'Aquin, Paris 7ème).
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