Résumé 

Nous présentons les enseignements en termes de méthode d’un exercice éditorial consacré à l’évaluation des politiques de l’emploi en France, et à leur mise « au régime de l’expérimentation » (Socio-économie du travail, 2024, n°14 et 15). En tant que levier d’innovation sociale, le couplage évaluation-expérimentation est considéré sous deux aspects conditionnant démarche et méthode d’évaluation adéquates : la preuve de concept (n°14) et la démonstration d’impact (n°15). 

Dans une perspective de preuve de concept (« est-ce que ça peut marcher ? si oui, sous quelles conditions ? ») l’évaluation est embarquée dans une expérience collective et mobilise deux approches privilégiées : la collecte d’indices d’efficacité dans l’observation des pratiques (Practice-based evidence ; Bryk et al., 2015) ; l’évaluation basée sur la théorie (Theory-based evaluation ; Weiss, 1997). Nous examinons leur portée à l’aune de deux exercices d’évaluation relatifs respectivement à la Garantie Jeunes et à Territoires zéro chômeur. 

Dans une perspective de démonstration d’impact (« est-ce que ça marche vraiment ? si oui, comment ? »), l’évaluation expérimentale des politiques de l’emploi a de plus en plus régulièrement pris la forme de l’expérimentation contrôlée. Nous rappelons les limites, dans le cadre d’expérimentations de terrain, des essais contrôlés avec assignation aléatoire (Randomized controlled trials, RCT ; Zamora, 2011) et soulignons l’intérêt de l’application de méthodes mixtes quali-quanti à l’évaluation d’impact. Cet intérêt concerne notamment le cas des interventions complexes et les enjeux de non-scalabilité (« essaimage »). 

Nous examinons les lieux d’articulation des modalités quali- et quantitative d’enquête évaluative à l’aune d’exercices relatifs au Plan d’investissement dans les compétences (2018-2023) et pointons la portée intégratrice de l’approche basée sur la théorie. Une diagrammatique commune à cette approche et aux réseaux bayésiens (graphe orienté acyclique) permet en effet d’articuler finement enseignements quali- et quantitatfs.

Intervenants

• Laurent Duclos est économiste et sociologue du travail. Docteur en sociologie de Sciences Po Paris, il est actuellement Chef de projets à la Délégation Générale à l’Emploi et à la Formation Professionnelle (DGEFP) du ministère du Travail. Il est également chercheur rattaché au laboratoire des Institutions et Dynamiques Historiques de l'Économie et de la Société - IDHE.S (UMR CNRS 8533/Ecole Normale Supérieure de Paris-Saclay). 
• Olivier Baguelin, ancien chargé d’étude à la DGEFP et maître de conférences en économie à l’université d’Évry, est spécialiste de l’analyse statistique du marché du travail au sein du CEPS (Centre for Economics at Paris-Saclay) et membre de la fédération de recherche CNRS « Théorie et évaluation des politiques publiques » (Tepp). Ses recherches portent sur les institutions du travail et de l’emploi, en particulier l’assurance chômage et les contrats aidés, notamment dans une perspective d’évaluation.

Ils sont membres du comité de rédaction de Socio-économie du travail, revue universitaire consacrée à l’étude, dans une perspective interdisciplinaire, de la variété des systèmes d’emploi et formes de mobilisation du travail.