Dans le Sud-Ouest de l’Andalousie, dans la province de Huelva, le Parc national de Doñana est bordé par des kilomètres de cultures sous serres, irriguées grâce à l’eau contenue dans des nappes phréatiques surexploitées, et dépendant de l’emploi d’une main d’œuvre majoritairement immigrée. Almonte est aujourd’hui l’une des principales localités productrices et exportatrices de fruits rouges à l’échelle internationale. C’est dans le cadre d’un plan d’irrigation étatique que cette agriculture intensive apparaît, l’accès à l’eau souterraine étant envisagée comme une possibilité inédite de progrès et de développement dans cette zone pauvre d’Andalousie rurale. 

Aujourd’hui, la tension croissante autour de l’épuisement de l’aquifère fait apparaître le futur de cette agriculture comme incertain, mettant en lumière les enjeux propres aux crises de reproduction sociale des économies extractives en « ruines ». À partir d’une ethnographie de seize mois menée dans la ville d’Almonte, j’interroge la manière dont l’agriculture intensive s’est convertie en un « mode de vie », naturalisant la contamination et l’épuisement des corps et des éléments biophysiques. D’une part, depuis les années 1970, les différents gouvernements ont durablement façonné ces pratiques extractives, présentant l’eau comme ressource illimitée qu’il convient de répartir au nom d’une justice sociale. D’autre part, l’ethnographie révèle comment les nouveaux référents affectifs, esthétiques et moraux produits dans ce « mode de vie », deviennent simultanément sa force de reproduction.

Intervenante

• Marguerite Maclouf (doctorante, Centre Maurice Halbwachs)

Responsables scientifiques

• Pia Bailleul (fonds Latour, CERI) et Inés Calvo Valenzuela (fonds Latour, CERI)