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27.03.2019

Valérie Peugeot « Avec le numérique, les organisations auront de plus en plus besoin d’individus capables de changer de regard régulièrement »

Valérie Peugeot, Digital Studies at Orange Labs, membre de la CNIL(1), a été nommée directrice de l’Executive Mastère Spécialisé® Digital Humanities. Le numérique, source de « complexité heureuse » dans les organisations ? C’est sa vision. Entretien.

Quels sont les changements induits par le digital dans les organisations et les tendances pour demain ?

Valérie Peugeot - Avec le numérique, les organisations font face à une transformation profonde de tous les métiers. Le renouvellement rapide des technologies numériques requiert une adaptation permanente. Toutes les organisations, publiques comme privées, doivent prendre à bras le corps cet enjeu pour permettre à leurs collaborateurs de s’adapter de façon incrémentale aux outils numériques, à de nouvelles pratiques et savoir-être. Il faut ainsi faire du digital une source de « capacitation » au sens d’Amartya Sen(2). Le digital doit être aussi porteur d’une logique horizontale, pour créer des échanges de savoirs au sein des organisations. L’autonomie croissante du travail voire son atomisation, l’effacement du middle-management, obligent à anticiper de nouveaux collectifs pour demain dans lesquels la formation de pair à pair jouera un rôle important. Les organisations travaillent déjà de plus en plus en réseaux, dans des écosystèmes d’innovation ouverte, avec de nouveaux modèles d’affaires, et ces phénomènes devraient être amenés à s’accentuer.

Quelles sont les compétences à acquérir dans ce contexte ?

Valérie Peugeot - Ces transformations réclament de nouveaux savoir-être et des changements de posture. Les managers deviennent des facilitateurs pour des équipes de projet et doivent se défaire en partie d’une logique de contrôle. Ils doivent être capables de cultiver une vision prospective pour anticiper les changements, tout en portant un regard critique, distancié, sur les promesses qui fleurissent dans le monde du numérique. Il est par ailleurs essentiel pour les managers de savoir interagir avec les détenteurs de savoirs techniques (développeurs, designers, juristes,…) et donc d’acquérir des notions en termes de codage, de droit ou de design par exemple. Enfin une compréhension plus générale des transformations à l’œuvre dans nos sociétés, dans l’environnement de l’organisation, est indispensable  pour forger une vision stratégique et être force de proposition.  

Comment l’Executive Mastère Spécialisé® Digital Humanities prépare-t-il à appréhender ces transformations ?

Valérie Peugeot - La spécificité de la formation est d’hybrider des connaissances théoriques issues des sciences sociales avec des savoirs très opérationnels. Les premières permettent de porter un regard historique, sociétal sur les technologies numériques et les controverses qu’elles suscitent. Et la formation offre aussi la possibilité d’étudier des cas concrets en situation. Tout le travail de méthode réalisé est également très important car il fournit aux personnes en formation une véritable boîte à outils - numériques ou non - des outils issus de la recherche et utilisables dans leur pratique professionnelle. Le parcours se termine d’ailleurs par un hackaton qui utilise, par exemple, des méthodes de design créatif.  

Pourquoi avez-vous accepté de prendre la direction de cet Executive Mastère Spécialisé® ?

Valérie Peugeot - Ma vie professionnelle m’a conduite à aborder la question du numérique sous différents prismes, dans les univers associatifs, de l’entreprise, de la recherche, des institutions. Je souhaite inciter les participants à oser ces changements de regards, qui enrichissent l’expérience professionnelle et sont sources d’opportunités. Les organisations auront de plus en plus besoin de passeurs, d’individus capables de se décaler régulièrement. J’espère insuffler dans cette formation cette idée de complexité heureuse chère à Edgar Morin qui nous rend capable de passer d’un monde à un autre dans une société en mouvement.   1. Commission nationale de l’informatique et des libertés. 2. Prix Nobel d’économie, et contributeur essentiel aux indicateurs de développement humain (IDH), Amartya Sen a défendu pendant les années 1980, la “capacitation” ou encore le “pouvoir d’agir” (“empowerment” en anglais). La capacitation recouvre ainsi la possibilité d’orienter son existence, de transformer des ressources sociales dans des activités qui font sens pour l’individu.  

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