C'est un chemin qu'emprunte un nombre croissant de cadres. Tout en restant salariés de leur entreprise, ils réalisent une immersion dans une autre organisation, souvent pour quelques jours, parfois durant plusieurs mois. Affectés à une mission précise, ils font profiter de leur expertise et, dans le même temps, s'imprègnent de la culture et des modes de travail de la société qui les accueille. Une parenthèse qui est aujourd'hui considérée comme un atout tant pour la société qui reçoit le collaborateur, que pour celle dont il est issu.
Une pratique encadrée par la loi
Si la mise à disposition de salariés est aujourd'hui en plein développement, c'est d'abord parce que la législation française favorise sa mise en œuvre. De fait, la loi Cherpion en a, en 2011, défini les contours. Afin de « sécuriser » cette pratique de mobilité inter-entreprise, elle a imposé aux parties de conclure une convention de mise à disposition. Le salarié doit par ailleurs donner son accord à cette même mise à disposition, son refus ne devant entraîner ni sanction, ni licenciement, ni mesure discriminatoire. Un avenant à son contrat de travail apportant différentes précisions (horaires, travail confié...) doit également être rédigé.
Surtout, la loi précise que l'opération ne peut être menée à des fins lucratifs. En conséquence, « l'entreprise prêteuse ne facture à l'entreprise utilisatrice (…) que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l'intéressé au titre de la mise à disposition », détaille le texte.
Les ordonnances Macron sur le travail ont donné depuis le 1er janvier 2018 une nouvelle impulsion au dispositif, facilitant sa mise en place dans des start-up ou PME. Ces textes ont permis que la somme facturée par l'entreprise prêteuse soit inférieure au coût réel du salarié. De quoi donner la possibilité à des petites structures de bénéficier, pour une durée maximum de 2 ans, des compétences d'un cadre expérimenté dont elles n'auraient pu, en temps normal, se payer les services. Seules conditions : l'entreprise prêteuse doit avoir plus de 5 000 salariés, celle recevant le salarié moins de 250 salariés ou avoir moins de 8 ans d'existence.
« Trouver de la flexibilité dans un marché du travail difficile »
Une mise à disposition de salariés de plus en plus prisée des organisations ? Une évolution des mentalités est, de fait, constatée dans les entreprises. Prenant conscience des atouts d’une telle pratique, elles sont de plus en plus nombreuses à accepter que leurs collaborateurs partent temporairement dans une autre structure.
Les entreprises peuvent voir dans la mise à disposition de salariés un moyen de « trouver de la flexibilité dans le cadre d'un marché du travail difficile », indique Henri Bergeron, directeur de l'Executive Mastère Spécialisé® Management des politiques publiques de Sciences Po Executive Education. C'est d'ailleurs là l'un des moteurs historiques du prêt de main d’œuvre entre entreprises : permettre à une société d' « alléger provisoirement sa masse salariale », poursuit Henri Bergeron, sans avoir à licencier ou recourir à des dispositifs de chômage partiel. Ce qui lui évite, dans le même temps, de perdre définitivement des compétences. Si l'engagement des sociétés dans de telles démarches va crescendo, il n' exclut pas une certaine prudence quant au profil de l'entreprise avec laquelle aura lieu l'échange. La priorité étant d'éviter de transmettre, par l'intermédiaire d'un collaborateur, des informations, une expertise, un savoir-faire, qui pourraient profiter à la concurrence. « La mise à disposition de salariés se fera donc prioritairement entre organisations ayant déjà une interdépendance forte et une loyauté réciproque, ou qui n'évoluent pas sur le même marché, n'ont pas la même taille, ne sont pas en situation de concurrence », estime Henri Bergeron.