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25.01.2021
L'art de décrypter : Largo Winch, leader humaniste ou aventurier anticonformiste ?
Il y a des héros que l’on connaît avant même de se plonger dans l'œuvre de leurs auteurs : Edmond Dantès, Corto Maltese, Jane Eyre… Largo Winch en fait partie. Baptisé milliardaire humaniste, il incarne une certaine idée du capitalisme éthique et responsable.
Personnalité inspirante pour les uns, guide visionnaire pour d’autres, le leader peut-il se soumettre à un modèle prescriptif ? Eric-Jean Garcia, professeur et directeur de l’Executive Master Trajectoires Dirigeants nous éclaire sur la construction du leadership et sur les interactions humaines incontournables sur lequel il repose.
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Largo Winch, mythe du leader héroïque ?
Personnage créé par Jean Van Hamme et dessiné par Philippe Francq, Largo Winch célèbre cette année 30 ans d’existence, 22 albums et 40 millions d’exemplaires vendus à travers le monde. Fils adoptif de Nerio Winch, il hérite de l’empire financier à la mort tragique de son père. Propulsé à la tête du Groupe W, il est confronté à un destin inédit malgré lui. Il parvient à composer entre un personnage aventureux qui fait fi des usages, des protocoles et même des lois tout en ayant la profonde conviction qu’il peut changer le monde des affaires en imposant une vision de l’économie plus humaine. S’il gagne en maturité et affine sa pensée, il ne prend cependant pas une ride au fil des albums.
Un peu figé, Largo ?
“La figure de Largo Winch renvoie à une vision mythifiée du leadership” nous rappelle Eric-Jean Garcia en insistant sur la dimension fictionnelle du personnage qui ne vieillit jamais, “L’âge n’est pas un sujet anecdotique lorsqu’on parle de leadership. On ne dirige pas de la même façon lorsqu’on a 20, 30 ou 70 ans, tout dépend de nos expériences (succès, échecs, rencontres) et de notre perception du monde. Ou pour le dire autrement : très rares sont celles et ceux qui demeurent insensibles à l’expérience du temps.”
Pour les besoins de la saga, le leader héroïque incarne un personnage central duquel part toutes les intrigues, les rebondissements et les dénouements mais la réalité du pouvoir est plus complexe et surtout bien plus vacillante...
Leader humaniste : notion générique pour un rôle sur-mesure
Gagner la bataille des idées… et des parts de marché, voilà ce qui pousse un leader, d’autant plus humaniste, à s'engager à la tête d’une organisation. Eric-Jean Garcia abonde, “il vit avec la volonté chevillée au corps d’avoir une prise décisive sur le cours de l’histoire ou sur la destinée de son entreprise”. Sa quête pour le bien commun sera jonchée d’obstacles et de concurrents quand son dynamisme et son implication seront à la fois soutenus et mis à mal. Parce qu’il est au cœur d’une machinerie dont il dépend, le leader est sans cesse confronté à l’ambivalence et aux dilemmes. Pour remporter l’adhésion de ses collaborateurs, le leader a d’abord analysé avec finesse sa place à la croisée des relations de pouvoir. “L’exercice du pouvoir n’est jamais l’histoire d’un seul homme, il s’agit d’un phénomène relationnel. Le leadership ne se décrète pas. Il est toujours donné par ceux qui suivent.” De cette réciprocité singulière naît la fonction qui varie selon la culture de l’entreprise, la période et même les différentes cellules sociales dans lesquelles le dirigeant évolue. En retour, il faut une variété de modèles d’organisation parmi lesquels un leader sculptera son rôle et ne cessera de l’ajuster en fonction du contexte, sans oublier le caractère provisoire de son exercice. Définir de manière normative le leadership est aussi tentant qu’illusoire : s’il y a des caractéristiques communes aux chefs de file, dresser la liste des qualités requises paraît aussi inefficace que vain. Et c’est tant mieux !
D’ailleurs, Largo Winch serait bien incapable de transmettre les compétences qui lui ont permis de consolider la réussite du Groupe W. Son charisme, sa fougue, son goût du risque mais également ses manquements à la loi l’ont rendu inimitable et soulèvent l’épineuse question du devoir d’exemplarité du dirigeant. Un leader, de surcroît humaniste, qui s’évertue à privilégier le bien commun peut-il faire une entorse à l’éthique et à la morale ?
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Le leader humaniste : dirigeant ou représentant d’un collectif ?
En cette période d’incertitude où nombreux prophétisent sur le “monde de demain”, l’intérêt pour l’exercice du pouvoir est réel autant que le rejet de l’autorité est manifeste. “Il y a effectivement une façon de diriger qui ne fait plus recette mais ce n’est certainement pas un hasard que le leadership soit une notion aussi exacerbée et scrutée”. La répartition du pouvoir évolue, le monde de l’entreprise adopte les codes de la démocratie représentative, mais cela ne veut pas dire que les individus ne souhaitent plus être dirigés. Au contraire, ils restent désireux de connaître à nouveau l’alchimie et la force créative que génèrent la rencontre avec la personnalité qui prendra le contre-pied de l’ordre établi au bénéfice de l’intérêt collectif. “La nature humaine n’est pas univoque ni uniforme dans le besoin qu’elle a d’être dirigée” précise Eric-Jean Garcia.
Mais loin de cette aspiration, un leader humaniste possède-t-il réellement tous les moyens de faire bouger les lignes ? “On confond souvent la puissance financière d’une entreprise et le pouvoir décisionnaire de son dirigeant alors que les contre-pouvoirs sont colossaux. Le rôle du dirigeant est à nuancer, il n’a jamais tous les pouvoirs”. De décisions imposées en feuilles de route impossibles à remanier, le dirigeant peut vite se heurter à sa propre impuissance là où Largo Winch modèle sa trajectoire dans le sillage de la légende personnelle qu’il cherche à construire.
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