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08.03.2023

La France est à l’avant-garde concernant la féminisation des conseils d’administration

La place des femmes dans les conseils d’administration a sensiblement progressé en France en une dizaine d’années sous l’effet d’une réglementation contraignante pour les entreprises. De nombreux chantiers restent toutefois à mener pour l’égalité professionnelle dans les organisations, au sein comme à l’extérieur des conseils d’administration.

Ce fut une petite révolution législative, et une grande avancée pour l’égalité professionnelle. Le 27 janvier 2011 était promulguée la loi Copé-Zimmermann. Elle imposait une proportion minimale de femmes au sein des conseils d’administration et surveillance des sociétés cotées et des sociétés non cotées employant plus de 500 salariés (250 depuis le 1er janvier 2020) et présentant un chiffre d’affaires ou un bilan d’au moins 50 millions d’euros. Un quota de 20 % de femmes était exigé en 2014, de 40 % à partir de 2017.

 

Qu’en est-il 12 ans plus tard ? « D’importants progrès ont été réalisés », constate l’économiste Anne Boring, chercheuse associée au Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (LIEPP) de Sciences Po et directrice de la Chaire Women in Business. De fait, 46,4 % de femmes siègent aujourd’hui aux conseils d’administration des sociétés du CAC 40 et 46,3 % au sein du SBF 120, selon une étude de l’Institut français des administrateurs (IFA) et Ethics & Boards parue en mars 2023. Elles n’étaient que 13 % dans les conseils d’administration et de surveillance des sociétés du BSF 120 en 2010.

 « Des sanctions sont prévues pour les entreprises ne respectant pas la loi, rappelle Anne Boring. C’est un puissant levier pour que les organisations sortent de leur inertie et que la diversité progresse ». Différents dispositifs contraignants ont ainsi été mis en place comme la suspension du versement des jetons de présence en cas de composition irrégulière des conseils. Des sanctions qui apparaissent fondamentales pour faire évoluer la composition des conseils d’administration et de surveillance. Pour preuve, dans les PME n’entrant pas dans le champ d’application de la loi, les femmes ne représentaient, en 2021, qu’environ 18 % des membres de ces conseils, selon un rapport d’information de la délégation aux droits des femmes du Sénat.

Grâce à la mise en place de cette loi, la France fait désormais, sur le sujet, figure de bonne élève à l’échelle internationale. « Elle se situe à l’avant-garde, en compagnie de la Norvège », constate Anne Boring. Notre pays est aujourd’hui « au premier rang mondial en termes de féminisation des conseils d’administration des grandes entreprises cotées », précisait même, en 2021, le rapport sénatorial.

Des positions moins stratégiques pour les administratrices

Si l’égalité professionnelle a pu ainsi gagner du terrain dans l’entreprise, des marges de progression ont toutefois été identifiées. Elles concernent tout d’abord la position qu’occupent les femmes au cœur des conseils d’administration. « [En leur sein], elles accèdent moins que les hommes aux comités les plus stratégiques et les plus rémunérateurs (comité stratégique, comité d’audit…) », précise le rapport sénatorial. « Elles sont également moins souvent présidentes de ces conseils que leurs homologues masculins », relève Anne Boring. L’économiste incite toutefois à observer l’évolution du rôle des femmes dans ces instances sur le long terme, nombre d’entre elles ayant jusqu’alors moins d’années d’expérience que les hommes en leur sein. 

 

Autre sujet d’attention : l’évolution de la composition des conseils d’administration a-t-elle eu un impact sur la féminisation de l’ensemble de la direction opérationnelle des entreprises ? La réponse est aujourd’hui négative. Des marges de progrès existent donc là aussi. Les quotas imposés par la loi Copé-Zimmermann n’ont pas eu « l’effet de ruissellement attendu », tranche le rapport d’information sénatorial. Certains postes de direction sont, certes, davantage féminisés (direction marketing, communication ou RH). Mais d’autres rassemblent toujours très majoritairement des profils masculins (direction financière par exemple). « La question de la féminisation est complexe : elle revient à créer de la diversité au sein des entreprises, mais également sur l’ensemble des postes », note Anne Boring. 

Sur ce point, les conséquences de la loi Rixain seront suivies au plus près. Ce texte adopté fin 2021 prévoit des quotas de 30 % de femmes cadres-dirigeantes et de femmes membres des instances dirigeantes en 2027 (40 % en 2030) dans les entreprises de plus de 1000 salariés. « Il sera intéressant de voir comment les entreprises s’adaptent à ces textes contraignants dans les années qui viennent, note Anne Boring. Cela devrait avoir un impact fort sur leurs politiques RH ».

Pour favoriser l’égalité professionnelle au-delà des seuls conseils d’administration, il sera également nécessaire, selon l’économiste, de mener une réflexion sur un autre point : la place des jeunes femmes dans les différentes filières de l’enseignement supérieur. « On observe aujourd’hui des déséquilibres dans certaines disciplines comme la banque et la finance, où la proportion d’hommes est plus importante, relève-t-elle. Il faudra trouver des leviers pour que davantage de femmes suivent ces études. C’est à cette condition que l’on pourra observer une plus grande égalité entre femmes et hommes à l’entrée sur le marché du travail. Et, in fine, aux différents échelons de l’entreprise. »

Se méfier des stéréotypes de genre

Les femmes ont-elles des qualités spécifiques qui peuvent être bénéfiques à l’activité d’un conseil d’administration ? A cette question, Anne Boring répond par la prudence. « On dit fréquemment qu’elles savent prendre davantage leurs distances par rapport aux risques que les hommes, indique-t-elle. Mais il faut nuancer :  si cela peut être en partie vrai dans la population générale, certaines études laissent  penser que dans un environnement professionnel qui favorise la prise de risque, ce seront précisément les femmes qui prennent des risques qui seront promues ». L’économiste invite donc à prendre ses distances avec ce qui peut s’apparenter à des stéréotypes de genre.

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