Éric-Jean Garcia : « L'importance de l'esprit de discernement en situation de crise »

Éric-Jean Garcia - Je ne crois pas aux recettes post hoc. Le niveau d'incertitude de notre monde est tel que ce qui a marché par le passé ne peut constituer un repère fiable. S'y référer risque au contraire de brider l'innovation, la créativité, l'audace. Le dirigeant doit donc, à mon sens, adopter une démarche beaucoup plus empirique. Il doit dans le même temps savoir faire preuve d'intuition en s’appuyant sur cette forme de compréhension spontanée située entre la sensibilité et la conscience, qui relativise nos expériences et puise dans notre imaginaire afin de ressentir subjectivement la situation pour mieux deviner ce qui serait utile de faire. C'est d'autant plus vrai lors de la crise actuelle qui place le leader à un niveau d'ignorance inhabituel, face à une situation qu'il ne peut maitriser. Ceci étant, le dirigeant doit être en capacité de décider dans des univers incertains - une dimension que la crise actuelle va renforcer. A charge pour lui de trouver des moyens de faire progresser son entreprise et rassurer ses équipes malgré les écueils, de simplifier dans la complexité. D'être, en somme, un réducteur d'incertitudes.

Éric-Jean Garcia - Les dirigeants parfaits, parés de toutes les qualités nécessaires face à la crise, n'existent pas. Il s'agit là d'une construction mentale. Il est donc préférable de les appréhender comme des individus complexes à la tête d’écosystèmes organisationnels et stratégiques singuliers. En outre, les bouleversements actuels ne les impactent pas de manière uniforme. Certains sont durement touchés, d'autres très peu. Ce qui peut toutefois les rassembler, c'est l'intérêt à recourir à l'esprit de discernement. Ils doivent pour cela faire la part des choses entre le rationnel, le factuel, l'analytique, l'émotionnel et ce que la situation exige. Il est important qu'ils se saisissent de l'ensemble de ces dimensions pour décider. S'en remettre par exemple uniquement à l'intelligence émotionnelle serait une erreur tant les émotions peuvent nous égarer. De même, ils ne doivent pas se limiter à la seule mesure des risques. L'esprit de discernement, c'est donc jouer entre l'objectif et le subjectif, entre le déductif et l’intuitif avec cette capacité de progresser prudemment mais avec détermination dans des univers clairs-obscurs. 

Éric-Jean Garcia - Tous les grands navigateurs le disent : au cœur de la tempête, la nature humaine est souvent mise à nue. C’est en période de crise, quand des décisions importantes et graves doivent être prises, que vous découvrez la vraie nature de votre équipage et le caractère profond de vos officiers. Car c'est dans ces moments que l'on teste la résistance, la résilience, le calme, le degré de sagesse des uns et des autres mais aussi le courage et la détermination de s’en sortir au mieux le plus rapidement possible. C’est aussi dans ces moments que la cohérence de l’entourage du leader apparait en plein jour. Car savoir s’entourer est un acte de leadership. À l’arrivée, une crise agit toujours comme un révélateur de la trempe de celles et ceux qui ont la charge d’emmener leur équipage à bon port.