La critique par temps de crise. L'irrationnel face à l'histoire

Description : 

Il est commun de définir la pensée critique comme une interrogation qui porte sur les fondements de la connaissance. La critique est porteuse d’un projet rationaliste qui s’appuie sur la reconnaissance des limites de la connaissance commune. De ce point de vue, la crise apparaît comme un défi que l’histoire lance à la critique, car elle conduit à la remise en cause de nos certitudes en forçant une confrontation de la théorie avec la pratique. Or, si la critique s’avère incapable de rattacher la crise à la théorie, il devient alors nécessaire d’explorer de nouveaux avatars de la raison ou de céder à la séduction de l’irrationnel – surtout si l’on considère que la critique elle-même est à l’origine de la crise. Par temps de crise, face à l’hors-norme, la critique est donc obligée de repenser l’opposition entre le rationnel et l’irrationnel. 

Mais ce faisant, la crise dévoile la nature éminemment politique de l’opposition entre raison et déraison en forçant la critique à plonger dans le monde pratique duquel la crise procède. Avec la crise, la pensée critique recouvre donc pleinement son sens politique qu’elle penche pour le rationnel ou l’irrationnel, à gauche ou à droite. On peut préliminairement distinguer quatre formes politiques de réactions critiques face à la crise : la nécessité d’un retour à un rationalisme classique (Arendt ou Strauss) ; la tentation de dépasser le cadre rationaliste (chez Benjamin ou Nietzsche) ; le désir de maîtriser la crise en l’intégrant dans un récit qui l’explique (chez Marx et Engels) ; l’appel à une responsabilité sobre et tragique qui ne s’illusionne pas sur la possibilité de résoudre la crise (Weber et Freud). Ces attitudes peuvent faire l’objet d’une analyse qui les recontextualise en les étudiant de manière synchronique – diverses réactions à une même crise – ou diachronique – un type de réaction face à différentes crises.

L’ambition de cette journée d’étude, qui s’adresse prioritairement aux doctorant·e·s, est donc de susciter une réflexion interdisciplinaire et collégiale sur la manière dont les crises recomposent l’univers du rationnel et de l’irrationnel, du saisissable et de l’insaisissable. A fortiori, il s’agira de réfléchir ensemble au défi que pose la crise à une raison qui, dès lors qu’elle en parle, cherche à s’en rendre maîtresse.

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