En 1945, l’instauration de la Sécurité sociale inaugurait en France un modèle d’assurance universelle et inconditionnelle à l'égard des « risques de la vie », financée par la cotisation et gérée par les représentants des syndicats (Valat, 2001). En 80 ans d'existence, cependant, d’importantes transformations ont marqué la nature de l’institution. Des réformes de 1967 au recours à l’impôt pour financer le régime général, de l’introduction de politiques de contrôle à la conditionnalité de certaines aides, comment la protection sociale a-t-elle été transformée ? Du point de vue de sa gestion comme de la protection fournie, quelle est l’actualité de la philosophie de l’institution ?
 

Une riche littérature a été produite sur la philosophie de la protection sociale en France. Les études de François Ewald sur l’assurance (1986), celles de Robert Castel sur la solidarité (1998; 2003) s'arrêtent cependant dans leurs analyses autour des années 1970-1980. Poursuivant leur travail, ce séminaire vise à réfléchir de manière empiriquement ancrée au sujet des évolutions successives des principes de l’institution. Loin des discours médiatiques et partisans, il s’appuie sur les contributions pluridisciplinaires (sociologie, économie, histoire, science politique) afin de produire une réflexion sur l’évolution des principes de la protection sociale en France de 1945 à aujourd’hui.

Séminaire organisé par Maud Barret Bertelloni (COSTECH, UTC; médialab, Sciences Po), Camille Collin (Cevipof, Sciences Po) et réalisé avec le soutien de l’EN3S et du Comité d’Histoire de la Sécurité Sociale à l’occasion des 80 ans de la Sécurité sociale, du CEVIPOF (Sciences Po) et du medialab (Sciences Po).

1. Le projet de 1945 : quelle protection à l’égard des risques de la vie ?
(17 septembre 2025)
Divers héritages et idéaux politiques - du christianisme à la tradition républicaine, du socialisme au communisme - se sont côtoyés dans la longue histoire de la protection sociale française. Ceux-ci se retrouvent au moment de l’instauration du régime général. Assurance contre les « risques de la vie » (Valat, 2001), institution de solidarité ou instance visant à libérer de l'’angoisse du lendemain - que signifie pour chacune de ces traditions la « protection » propre à la Sécurité sociale ? Comment peut-elle être relue à l’aune des réflexions sur le soin ?

Avec Colette Bec (professeure émérite des Universités en sociologie à l'Université Paris Descartes), Sacha Lévy-Bruhl (philosophe et politiste, postdoctorant au Laboratoire d'anthropologie sociale (LAS)).

Salle : 1, Place Saint Thomas d’Aquin, salle K.008
Date et horaire : 17 septembre 2025 à 17h

2. Conditionnalité des droits, politiques d’activation, workfare : de l’assistance au travail gratuit ? (22 octobre 2025)
L’instauration en 1945 de la Sécurité sociale inaugurait en France un modèle d’assurance sociale inconditionnelle à l'égard des « risques de la vie » (Valat, 2001), se distinguant explicitement du modèle d’assistance qui l’avait précédée ou qui se mettait en place ailleurs, comme en Grande-Bretagne. À partir des années 1970, cependant, la crise du financement de la Sécurité sociale et la « nouvelle pauvreté » ont induit le retour de formes d'assistance (Duvoux, 2012). Depuis, des politiques dites “d’activation” au workfare, institutionnalisé en France par la réforme du RSA de 2025, semblent avoir introduit une contrainte au travail des allocataires comme gage de solidarité (Simonet, 2020). Si l’assurance promettait une collectivisation des risques sociaux, quelles conceptions du risque et de la solidarité émergent de ce nouveau modèle de protection sociale ?

Avec Clara Deville (sociologue chargée de recherche à l'INRAE) et Maud Simonet (sociologue, IDHES, Paris Nanterre).

Inscription : lien d’inscription
Salle : 1, Place Saint Thomas d’Aquin, salle K.008
Date et horaire : 22 octobre 2025 à 17h

3. Économie mixte et pluralité de systèmes de protection sociale (novembre 2025)
Malgré la prépondérance du système de Sécurité sociale, une pluralité de formes privées de protection sociale coexistent depuis 1945 en France : mutuelles, institutions de prévoyance, assurances privées, associations charitables. La notion « d’économie mixte du welfare » permet d’interroger la répartition entre public et privé tant sur le plan historique (Perrier et al., 2022) que dans son actualité. Ces formes contribuent-elles à la « mise en marché » de la protection sociale ? Quelles en sont les conséquences du point de vue de la protection sociale et de ses valeurs ?

Inscription : lien d’inscription
Salle : à confirmer
Date et horaire : à confirmer

4. L’État dans la gestion de la Sécurité sociale(15 décembre 2025)
Le modèle de gestion de l’institution issu des ordonnances de 1945 prévoyait la participation des assurés à la gestion de l’institution, par le biais notamment de leurs représentants syndicaux (Jabbari, 2012), selon une logique de démocratie sociale. Les réformes de 1967 à celles des années 1990 ont progressivement associé l’État au financement autant qu’à la gestion du régime général (Palier, 2002). Comment cela oriente les politiques de protection sociale ? Quelles conséquences pour les relations avec les bénéficiaires et sur l’organisation du travail dans l’institution ?

Avec Bruno Palier (Directeur de recherche du CNRS à Sciences Po (CEE)) et Christophe Capuano (professeur d’histoire contemporaine à l’Université Grenoble-Alpes).

Inscription : lien d’inscription
Salle : 1, Place Saint Thomas d’Aquin, salle K.031
Date et horaire : 15 décembre 2025, 17h

5. Le genre de la protection sociale (14 janvier 2026)
Le genre figure parmi les « nouveaux chantiers » de la protection sociale (Dauphin et al., 2025). Deux approches se distinguent : une première interroge ses exclusions et ses impacts dif érenciés sur les hommes et sur les femmes (Périvier, 2015). Une seconde, issue des théories féministes de la reproduction sociale, problématise la division genrée du travail reproductif et les risques de sa re-domestication (Dalla Costa, 1997; Munro, 2021) Cette séance vise à faire dialoguer différentes approches autour du genre de la protection sociale.

Avec Sandrine Dauphin (Politiste, INED/Cresppa-gtm) et Hélène Périvier (économiste et directrice de recherche à l’OFCE Sciences Po.

Inscription : lien d’inscription
Salle : 9, rue de la Chaise, salle 900
Date et horaire : 14 Janvier, 17h