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11.12.2025

Se faire ambassadeur de la recherche, mettre ses résultats en action, découvrir un autre milieu professionnel : interview croisée sur la thèse Cifre

Préparer une thèse dans un laboratoire de recherche tout en étant salarié ou salariée d’une entreprise, d’une association ou d’une collectivité territoriale : c’est ce que permet le dispositif Cifre, grâce à une aide publique versée à la structure qui emploie la doctorante ou le doctorant. Au CEE, plusieurs thèses sont financées par un contrat Cifre, dont celles de Simon Audebert et Marta Tramezzani, qui ont accepté de partager leur expérience dans cette interview croisée. 

Simon Audebert réalise une thèse sur le rapport à l'écologie et son influence sur le vote dans les territoires ruraux en France, sous la direction de Florence Haegel et Simon Persico, financée par un contrat Cifre avec la Fondation de l’écologie politique qui a démarré en février 2024. 

Marta Tramezzani a terminé cette année son contrat avec la Ville de Paris – elle était intégrée à la Direction de la transition écologique et du climat depuis sa création début 2022. Sa thèse, dirigée par Richard Balme, porte sur les communautés d'énergie urbaines, des coalitions de citoyens, acteurs publics et privés, organisations de la société civile, qui, au sein des villes, se regroupent pour installer des centrales solaires ou développer d’autres services énergétiques tels que la mobilité électrique ou des actions de lutte contre la précarité énergétique. Elle s'intéresse à la manière dont ces communautés interagissent avec l'action publique municipale à Paris, Barcelone et Milan. 

Qu’est-ce qui vous a amené à vous engager dans ces thèses Cifre ?

Simon Audebert : Ma thèse s’inscrit dans la continuité de mon mémoire de master sur la géographie électorale du vote écologiste, soutenu à Sciences Po. Les territoires ruraux sont apparus comme un élément intéressant à approfondir, avec un vote beaucoup plus divers qu'on ne le pense, et notamment un soutien aux écologistes très variable selon le type de ruralités, et j'avais vraiment envie de continuer dans la recherche. 

Concernant les modalités, j'ai eu le choix entre un contrat doctoral de Sciences Po et un contrat Cifre avec la Fondation de l'écologie politique. Cette structure de seulement 3 salariés a une double mission, de gestion et valorisation des archives du mouvement de l’écologie politique en France et de laboratoire d’idées, avec pour objectif de faire le lien entre le milieu de la recherche et l'écosystème écologiste (partis, associations, syndicats). J'ai beaucoup hésité entre les deux options mais j’ai finalement choisi le contrat Cifre car je trouvais le format extrêmement intéressant : être intégré dans cette structure, et plus précisément à son activité de laboratoire d’idées, facilite l’accès à certains terrains, à certaines personnes. Et offre aussi la possibilité, en étant au cœur des débats politiques sur les questions d’écologie, de promouvoir et traduire la recherche auprès de divers interlocuteurs et interlocutrices. J’ai aussi eu beaucoup de chance car mon sujet correspondait parfaitement à un thème que la fondation souhaitait développer depuis longtemps. J'ai donc pu proposer mon propre projet de thèse, et en faire un axe de travail de la fondation, tout en poursuivant avec mon directeur et ma directrice de mémoire (Simon Persico et Florence Haegel). 

Marta Tramezzani : Mon parcours est un peu différent. J'ai écrit mon projet de thèse près de trois ans après avoir terminé mon master en études latino-américaines à l’Université Sorbonne Nouvelle, où j'avais déjà travaillé sur les politiques énergétiques. Mais à la fin de ce master, j'hésitais à poursuivre dans la recherche. Avant de me décider, j'ai pris le temps de tester autre chose, dont un contrat en service civique à la mairie de Paris autour des questions de participation citoyenne. C’est là que j'ai eu connaissance de l’appel à candidatures Cifre de la Ville de Paris, qui était en place depuis plusieurs années déjà. À l’époque, les communautés d'énergie venaient d’être institutionnalisées à travers des directives européennes. J’ai donc estimé que c'était le bon moment pour démarrer un projet de recherche sur ce sujet. Et j’ai choisi un contrat Cifre parce que je n'étais pas sûre de ne vouloir faire que de la recherche, et que parmi les activités de la Ville de Paris, il y avait un certain nombre de projets que je trouvais intéressants. 

Le projet de thèse que j’ai proposé après l’avoir travaillé avec Richard Balme, mon directeur de thèse, avait pour but de comprendre quels types de transformations socio-politiques ces communautés d’énergie essaient de promouvoir, et la manière dont ces communautés sont gouvernées par les acteurs publics à Paris, Milan et Barcelone. J’ai aussi eu la chance qu’il soit accepté tel quel par la ville. J’ai été intégrée à la direction de la transition écologique et du climat (DTEC), créée à peine un mois avant le début de ma thèse, début 2022, et qui a de suite obtenu trois contrats Cifre. Jusqu’en février 2025, j’ai travaillé au pôle Énergies de la DTEC, qui traite de sujets tels que la précarité énergétique, le développement des énergies renouvelables dans la ville, la sobriété énergétique, la mobilité électrique et l’énergie dans l’espace public. J’étais la première arrivée en février 2022 et à la fin de mon contrat le pôle comptait une douzaine de personnes. 

Et qu’est-ce qui a motivé les structures dans lesquelles vous travaillez à embaucher une personne en thèse ?

M.T. : Ce qui a beaucoup intéressé le service où je travaillais, au moment de mon recrutement puis tout au long de mon contrat, c'est le volet comparatif : qu’est-ce qui est fait ailleurs sur les questions d’implication citoyenne dans la transition énergétique, comment on peut s’en inspirer, quels contacts on peut tisser avec les autres municipalités sur ces questions, dans l’objectif de repenser l'action publique parisienne ? Grâce à mon travail de recherche, je pouvais apporter des contacts directs avec les services des autres municipalités, et avec les collectifs citoyens actifs à Milan et Barcelone. Au-delà de ce sujet, j’ai été amenée à réaliser des synthèses de littérature sur différents sujets d’intérêt pour le pôle. Et lorsqu’il y avait des appels à projets européens sur des questions énergétiques (précarité, sobriété…) avec un volet de participation citoyenne, on me sollicitait pour savoir si la ville avait un intérêt à participer ou pas. Avec le recul, je pense que la chose que j’ai réussi à infuser dans ce pôle, c'est cette attention aux dynamiques de participation citoyenne. À la Ville de Paris, c’est un sujet traité au sein d’une autre direction. Travailler avec des collectifs citoyens, ce n'était pas du tout dans les pratiques ni même dans le radar du pôle Énergies, qui avait plutôt une focale technique. J’ai apporté cette dimension qui, je pense, est devenue un peu plus transversale au pôle.

S.A. : Dans mon cas, j’apporte une connaissance du monde académique qui facilite les ponts que souhaite construire la fondation entre recherche et écologie politique. Il est plus facile d'établir le dialogue avec des personnes du milieu académique si on y a aussi un pied. En tant que doctorantes et doctorants, on apporte aussi des compétences en termes de synthèse de littérature, de collecte et d'analyse de données, de travail cartographique dans mon cas. Je dirais qu'on ajoute aussi une certaine crédibilité qui va avec la casquette “recherche” en apportant certaines compétences mais aussi de la rigueur scientifique.  

Cette casquette de chercheur ou chercheuse hors du milieu académique, est-elle toujours facile à porter ? Avez-vous facilement trouvé votre place ?

M.T. : C’est effectivement un enjeu de trouver sa posture en tant que chercheuse dans un service où personne d’autre ne fait de la recherche. À la Ville de Paris, les thèses Cifre sont un gros dispositif, mais ensuite chaque personne en thèse est affectée à des services différents. Mon premier encadrant n'avait pas d’expérience de la recherche, cependant il avait énormément de curiosité pour ce que je faisais, et m’a aussi laissé carte blanche sur pas mal de choses. Mais d’autres collègues, même si humainement ça se passait très bien, avaient plus de mal à comprendre ce que je faisais, en quoi mon travail pouvait les nourrir, sur quoi ils et elles pouvaient, ou pas, me solliciter. Et pendant un moment, j'ai même été perçue comme une stagiaire par certaines personnes. Donc il y a eu un travail, de ma part, de légitimation : expliquer ce que je fais, pourquoi par moments je suis absente plusieurs mois, … 

C’est aussi quelque chose pour lequel mon directeur de thèse a beaucoup aidé : appuyer mes choix en termes de temporalité, de terrain de recherche. À la Ville de Paris, il y a quand même des règles qui encadrent les thèses Cifre. Tous les six mois, nous faisions un point avec mon directeur de thèse et la personne qui m’encadrait au pôle Énergies, pour parler de l'évolution du projet de recherche, des missions qui m’étaient confiées à la ville.

J’ai aussi compris au fil du temps que c’était à moi de me saisir de sujets que je souhaitais faire monter à partir de mon travail et dont je pensais qu’ils pouvaient intéresser les autres collègues du pôle Énergies. 

S.A. : De mon côté, je travaille dans une toute petite structure et ces échanges sont donc moins formalisés, mais y a eu plusieurs rencontres avant la signature du contrat et on continue à avoir des échanges réguliers.

La fondation travaillait déjà avec des chercheurs et des chercheuses et avait donc une compréhension de ce qu'est la recherche, du temps dont on a besoin et du fait qu'on ne va pas avoir des résultats tout de suite. Le temps passé sur le terrain, c’est un sujet qu'on avait posé sur la table dès le début, mais il est vrai que cela nécessite à chaque fois de la pédagogie. En tout cas, je considère que j’ai la chance d’être compris et respecté dans mon statut et mon expertise sur les questions de recherche, car je sais que ce n’est pas toujours le cas, d’après certains témoignages. Il faut veiller à ce que les contrats Cifre ne soient pas perçus comme une opportunité d'embauche à bas prix de personnes “surqualifiées”. 

La question de la posture, elle se pose aussi de par nos deux casquettes, qu’il est parfois difficile de dissocier. À la fondation, je suis amené à répondre à la presse, et parfois les journalistes me citent avec mon statut de chercheur alors que je réponds en tant que “Responsable Opinion et Territoires” de la Fondation de l'écologie politique. Je sais que si j'écris quelque chose pour la fondation, le milieu académique va me regarder comme étant du milieu académique. Et en travaillant avec le milieu politique, on nous pousse parfois à tirer des conclusions, alors que j'en suis seulement au tout début de ma recherche. Dans ce type de situations, je me pose parfois la question : “là, est-ce que je suis encore dans mon rôle, quel est le bon équilibre pour concilier ces deux positions ?”

M.T. : Oui, c'est vrai que l'on attend de nous des recommandations, et moi je ressentais un manque de légitimité sur ce point car mes résultats sont très intermédiaires, que je n'ai encore rien publié dessus… Donc plutôt que de faire des recommandations, j'ai essayé de tourner la chose autrement, en proposant des ateliers de co-construction. 

Comment gérez-vous votre temps, entre le CEE et votre employeur, entre la thèse et les autres missions qui vous sont confiées ?

S.A. : En théorie, je passe deux jours au labo, deux jours au sein de la fondation et j'ai un jour de télétravail qui me permet de faire ce qui est prioritaire d'un côté ou de l'autre. Mais cette organisation n’est pas toujours évidente à tenir, quand il y a des projets avec d'autres personnes, que ce soit côté recherche ou côté fondation. La thèse étant un projet de long terme, il est facile de se laisser prendre par des choses de plus court terme. Tout l'enjeu est de ne pas se faire déborder... surtout en période d’enseignements, où je peux avoir l'impression de jongler entre trois postes différents. 

Une partie de mes missions à la fondation consiste à lire des travaux de recherche, créer du lien avec des chercheurs, des chercheuses, dont certains et certaines que je lis pour mon travail de recherche. Donc une partie du travail à la fondation m’est utile pour la thèse, et inversement ! L’autre partie consiste à faire vivre le dialogue entre milieu académique et non académique : organiser, participer à des événements, faire des présentations, coordonner la rédaction d’entretiens, de notes, … Ma première année a été bien chargée, avec deux vagues d’élections (européennes puis législatives anticipées), la coordination d’une publication, L'écologie depuis les ruralités, et la co-organisation d’une journée d'études au cours de laquelle elle a été présentée.  

M.T. : J'ai moi aussi essayé d'être présente deux jours de chaque côté sur le temps du contrat, mais c’est une moyenne. J’ai fait de longs séjours sur le terrain, 10 mois en tout où j'étais hors de Paris et ne travaillais que sur ma recherche. À l’inverse, il y a eu des périodes où je passais plus de temps sur des projets de la ville. Et à cela il faut aussi ajouter quelques enseignements. 

À mes débuts à la Ville de Paris, j’ai eu des missions qui n’étaient pas en lien direct avec mon sujet de thèse, mais plutôt typiques de ce qu’on peut faire en tant qu'agente municipale, comme de l'analyse de marchés publics. Ensuite, beaucoup de rencontres et de communication de mon projet de recherche à différentes étapes, que ce soit en interne avec l'équipe, au sein de la direction, auprès de partenaires comme l'Agence parisienne du climat. Une partie du travail consistait à traduire mes résultats de recherche, mes observations du terrain, de manière à ce que cela puisse donner des éléments d'action à la Ville de Paris. C’est ce qui m’a occupée les derniers mois de mon contrat. Cela demandait de rentrer un peu dans la profondeur des projets qui étaient menés par mon équipe et par l'Agence parisienne du climat et d’essayer, à partir de ce qui était en place, de voir si et comment on pouvait associer des collectifs citoyens. Nous avons travaillé cette question dans des ateliers.  

J’ai aussi joué un rôle de représentante de la ville dans des rencontres européennes sur l'énergie citoyenne, surtout la première année. Ce sont des opportunités que je mettais également à profit comme terrains de recherche. Et à plusieurs moments, quand il y avait une sorte de fenêtre d’opportunité en termes de financements, j’ai été impliquée dans le montage de projets en collaboration avec d'autres directions pour soutenir le développement d'initiatives citoyennes, même s’ils n’ont pas été concrétisés jusqu’à présent. 

Et que vous apporte cette expérience de thèse Cifre, cette double affiliation dans et hors du monde académique ?

M.T. : Sur le plan de la recherche, passer par la mairie a facilité l'accès à pas mal de choses : des données, mais aussi la prise de contact avec beaucoup de partenaires sur lesquels j’avais choisi d’enquêter. 

Ensuite, j’aborde les questions énergétiques du point de vue des sciences sociales mais mon premier encadrant, comme le reste de l’équipe, avait plutôt une expertise technique, issue de l’ingénierie. Cela m'a beaucoup apporté de confronter ces deux visions de l'énergie. Et aussi d’échanger avec ma deuxième encadrante sur les questions d’innovation qu’elle connaît très bien. 

S.A. : Pour ma part, la Fondation de l’écologie politique m’offre la possibilité de traduire et de promouvoir la recherche (la mienne, et d’autres) auprès de personnes qui spontanément ne prendraient pas le temps d'aller voir ce que font les chercheurs et chercheuses. Dans cet esprit, j'ai écrit quelques notes et comptes rendus, notamment en périodes d’élections européennes puis législatives, et c’est extrêmement stimulant car on est alors au cœur des débats. Ce n’est pas évident, cela prend du temps mais cela force à être clair et synthétique, à se concentrer sur les principaux messages. 

M.T. : Je pense que ce modèle de thèse nous aide aussi à voir nos résultats d'un autre œil. Dans mon cas, je suis un peu obligée d'entrer dans certaines technicités – modèles économiques, budgets, codes patrimoniaux urbains –, de prendre en compte des choses très précises que peut-être je n'aurais pas approfondies autant pour l'écriture académique. Mais je trouve que cela a une valeur ajoutée, je pense que ça fait émerger d'autres questions.

S.A. : Oui, on attend de nous une certaine opérationnalisation de nos résultats, et cela  nous amène, parfois, à pousser la réflexion d'une manière différente… 

J’ai l'impression que cela m'apporte beaucoup de discuter avec des publics non académiques, pour leur présenter nos travaux de recherche ou de manière générale des travaux de recherche, en sciences sociales, sur les questions d'écologie. Quand je vais parler d’écologie et de ruralités avec une association de terrain, avec des élus, avec des habitantes et habitants de territoires sur lesquels je travaille, cela pousse à trouver d’autres manières d’expliquer et parfois on a des retours complètement différents de ceux auxquels on est habitués dans le milieu académique. 

C’est assez stimulant aussi de se dire qu'on va essayer de mettre ces recherches en action, même de manière limitée. 

Enfin, cela nous offre aussi de faire de petits pas de côté, de sortir la tête de sa thèse. Certes, cela prend du temps mais parfois on fait reposer les choses pour mieux revenir à la thèse la semaine suivante. 

M.T. : Oui, c’est un moyen de découper l'horizon de la thèse. Et c'est satisfaisant de voir des choses qui prennent forme un peu plus rapidement. 

Quels conseils donneriez-vous à des personnes qui se posent la question d’une thèse Cifre ?

S.A.: Ne pas hésiter à contacter d'autres personnes qui ont eu des contrats Cifre. Cela permet par exemple de savoir que la validation d’un contrat Cifre est un processus très long. 

M.T. : Pour moi, cela a pris 8 mois. Début septembre j'avais des réponses positives de Sciences Po et de la Ville de Paris et j’ai donc démissionné de mon poste. Et finalement, je n'ai commencé mon contrat qu’en février de l'année suivante.  

Un conseil complémentaire : lire la littérature produite sur les thèses Cifre, qui commence à être assez étoffée (une sélection dans la rubrique “Pour aller plus loin”).

S.A. : Une fois que la décision est prise, je pense qu’il est très important de s’assurer dès le départ d’une bonne compréhension du statut de doctorant, de ce que c’est que de faire de la recherche, du temps nécessaire, surtout auprès d’un employeur qui n’a jamais eu de contrat Cifre, comme c’était le cas pour le mien. C'est important de bien avoir cette discussion avant, avec l’appui de la direction de thèse, et aussi d’avoir un dialogue constant pour le rappeler, quand on a besoin de disponibilité pour aller sur le terrain, ou qu'on commence à enseigner…

M.T. : Je dirais que ce dialogue est à faire dans les deux sens : avec l'aide de sa directrice ou de son directeur de thèse, mettre au clair ce que veut dire faire de la recherche pour la structure qui t'emploie. Mais de l'autre côté, que ce soit clair aussi pour la direction de thèse qu'il y aura d’autres missions un peu à côté de la thèse, afin que cela ne te mette pas dans une situation de conflit. Une thèse Cifre a des spécificités et il faut qu’elles soient comprises d'un côté comme de l'autre. 

Je conseillerais aussi de trouver des moments d'échanges avec d'autres personnes qui ont ce type de contrat, parce que l’on partage certaines problématiques. À la Ville de Paris, où les thèses Cifre sont assez nombreuses, un séminaire mensuel nous permet de nous retrouver et d'échanger sur les questions de positionnement qui peuvent se recouper même si l’on travaille sur des sujets différents. 

Enfin, je soulignerais un point de vigilance à avoir concernant d’éventuels risques juridiques. J’enquêtais sur des collectifs citoyens qui travaillent sur les questions d’énergie à Paris, dont j’étais devenue une interlocutrice régulière. Or, la Ville de Paris a lancé un appel à projets pour l'exploitation de 12 centrales solaires sur des bâtiments publics, auquel ces collectifs ont répondu. Il y avait un risque réel de conflit d'intérêts, car je faisais partie de la direction qui gérait cet appel d'offres, tout en étant en contact avec des collectifs qui y répondaient. Heureusement que mon directeur de thèse a soulevé la question. Pendant toute la procédure (plus de six mois), j’ai donc interrompu mes contacts avec ces collectifs, ce qui a complètement décalé mon planning. Ce sont des questions dont il faut être conscient pour pouvoir les anticiper.  

S.A.: Il faut aussi se dire qu'on va peut-être arriver dans un milieu qui ne connaît pas forcément la recherche. C'est l'occasion de faire découvrir ce que l'on fait et nos méthodes de travail, mais il faut accepter de prendre le temps nécessaire. Personnellement, ce rôle d’ambassadeur de la recherche me plaît, je trouve cela enrichissant d’expliquer comment on travaille, quelles sont nos méthodes...

Avec cette double expérience, comment voyez-vous la suite ? Plutôt dans l’univers académique ou en-dehors ? 

M.T. : J’aimerais poursuivre dans la recherche, soit dans le milieu académique, soit au sein de structures situées à la croisée de la recherche et de l’action publique, comme l’APUR, l’ADEME ou le PUCA.

S.A. : Moi, j'espère vraiment pouvoir continuer dans le milieu académique. Bon, je vais déjà finir ma thèse, ce sera une première étape ! Pour la suite, il faut reconnaître que le marché de l’emploi académique est tel que ce n’est facile pour personne. Dans ce contexte, je trouve rassurant de savoir que j’aurai développé d'autres compétences et une connaissance d’un autre milieu professionnel, lié à mes intérêts de recherche.

Propos recueillis par Véronique Etienne

Le dispositif Cifre décrit sur les sites de l’ANRT et du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

Quelques références bibliographiques sur les thèses Cifre en SHS :

L’association ADCifre SHS regroupe, autour des enjeux pratiques et scientifiques de la thèse Cifre en sciences humaines et sociales, des personnes qui en font ou en ont fait l’expérience. 

Les doctorantes et doctorants actuels du CEE qui ont bénéficié d’un contrat Cifre : Simon AudebertSoazig DolletArno LizetMatthieu SarninThéodore TallentMarta Tramezzani

Le dispositif Cofra, pour les thèses en partenariat avec les administrations de l’État.

La formation doctorale au CEE

L’admission en doctorat à Sciences Po