Entretien avec les directeurs des ouvrages : Gouverner les conduites (Presses de Sciences Po) et Faire la concurrence (Presses des Mines)

Gouverner les conduites sous la direction de Sophie Dubuisson-Quellier avec les contributions des personnes qui sont ou ont été au CSO : Pauline Barraud de Lagerie, Henri Bergeron, Camille Boubal, Patrick Castel, Sophie Dubuisson-Quellier, Laure Gaertner, Jeanne Lazarus, Etienne Nouguez, Anna Perrin-Heredia, Marie Piganiol et Olivier Pilmis.

Autres auteurs : Nicolas Delalande, Maris Plessz, Sandrine Barrey, Séverine Gojard.

Faire la concurrence. Retour sur un phénomène social et économique sous la direction de Patrick Castel, Léonie Hénaut et Emmanuelle Marchal avec la postface de Denis Segrestin et les contributions des personnes qui sont ou ont été au CSO : Guilhem Anzalone, Jérôme Aust, Julien Barrier, Hugo Bertillot, Julien Brailly, Patrick Castel, Benoît Cret, Fabien Foureault, Léonie Hénaut, Emmanuel Lazega, Emmanuelle Marchal, Stéphanie Mignot-Gerard, Malka Older et Audrey Vézian.

Autres auteurs : Mathieu Cloarec, Guillaume Favre et Magali Robelet.

Le 19 mai dernier, deux ouvrages collectifs du CSO paraissaient en même temps. Outre cette anecdote d’agenda, ces publications montrent combien la dynamique collective de recherche n’est pas un vain mot au sein du laboratoire. Gouverner les conduites et Faire la concurrence croisent des approches (sociologie économique, de l’action publique, des professions, des organisations,…) et des domaines de recherche (consommation, environnement, santé, recherche, enseignement supérieur…) multiples.

Les chercheur.e.s, doctorant.e.s, post-doctorant.e.s et chercheur émérite du CSO échangent, réfléchissent et publient ensemble comme nous l’expliquent les directeurs des deux ouvrages qui feront l’objet d’un petit-déjeuner à la rentrée universitaire.

Quel est le point de départ de ces ouvrages collectifs ?

Sophie Dubuisson-Quellier pour Gouverner les conduites : Le point de départ est un projet ANR sur le Gouvernement des conduites que j’ai monté en 2008, avec la volonté d’associer deux programmes du CSO, celui sur la santé et celui sur les conduites économiques, afin de créer une dynamique transversale au sein du laboratoire. Puis, cette dynamique collective s’est trouvée renforcée par l’idée de produire des résultats à l’articulation de deux champs de recherche très structurants au CSO : la sociologie économique et celle de l’action publique.

Patrick Castel, Léonie Hénaut et Emmanuelle Marchal pour Faire la concurrence : De notre côté, nous avons lancé un appel à propositions très large auprès des membres du CSO, en partant du constat que beaucoup d’entre nous abordaient la question des innovations managériales sous un angle original et critique. Mais en discutant très précisément des matériaux empiriques recueillis par chacun, à l’occasion de plusieurs séminaires, nous nous sommes aperçus qu’un autre thème transversal émergeait de ces terrains : celui de la concurrence, que l’on observait aussi bien dans le secteur privé que public. Ce sont ces réflexions collectives qui nous ont amené à bâtir notre problématique issue directement des travaux empiriques dans une démarche bottom up.

Quelles sont les principales idées que vous avancez ?

Sophie Dubuisson-Quellier : L’ouvrage analyse les formes du gouvernement des conduites individuelles qui se développent dans plusieurs champs d’action publique (la santé, le crédit, l’environnement notamment), il en identifie les acteurs et les instruments, ainsi que la manière dont l’Etat légitime cette intervention sur les comportements des individus. Mais il propose de montrer que ce gouvernement des conduites n’est pas une fin en soi : il est plutôt l’un des moyens de l’intervention de l’Etat dans l’économie et notamment dans la régulation des entreprises.

Patrick Castel, Léonie Hénaut et Emmanuelle Marchal : A partir de terrains très variés, notre ouvrage montre le caractère processuel, instable et controversé de la concurrence. C’est pourquoi, plutôt que de partir d’une définition préalable du phénomène, nous avons demandé aux contributeurs de s’attacher à décrire comment les acteurs eux-mêmes appréhendent et travaillent la concurrence. Le livre montre d’une part le caractère outillé (comme les dispositifs de comparaison et de classement par exemple) et collectif de la concurrence et la réflexivité dont font preuve les acteurs vis-à-vis de celle-ci.

Quelles capacités requiert la rédaction d’un livre à plusieurs mains ?

Sophie Dubuisson-Quellier : Cet ouvrage est l’issue d’un processus assez long. Le projet ANR (2008-2012) a permis de déboucher sur des résultats autour du gouvernement des conduites. Puis j’ai organisé en 2012 une journée d’études afin de croiser nos résultats avec ceux d’autres chercheurs travaillant sur le même type d’objets. Du même coup, cela m’a permis d’assumer une position éditoriale forte, à travers la rédaction d’un long texte, qui forme aujourd’hui l’introduction et la conclusion de l’ouvrage, qui a permis aux auteurs d’inscrire leur contribution dans une argumentation d’ensemble qui est celle de l’ouvrage.

Patrick Castel, Léonie Hénaut et Emmanuelle Marchal : Comme Sophie, dans la mesure où notre livre a également un projet éditorial fort, il a fallu maintenir un délicat équilibre entre le respect d’une certaine autonomie des participants, tout en maintenant la cohérence d’ensemble du projet. S’ajoutait la difficulté liée au parti pris que nous avons indiqué : les contributeurs devaient accepter de jouer le jeu de travailler leur matériel sans définition préalable de la concurrence et donc d’avancer dans une forme d’inconnu.

Vous indiquez une « marque CSO »… comment peut-on la définir ?

Sophie Dubuisson-Quellier : Je crois en effet que cet ouvrage porte la marque du CSO. D’une part, il articule ces deux champs de la sociologie de l’action publique et de la sociologie économique, très importants au CSO. D’autre part, il propose de tenir un argument plutôt théorique autour du gouvernement des conduites et de la régulation économique, à partir de travaux qui sont très ancrés empiriquement, avec un grain d’analyse qui se veut très fin, au plus près des acteurs et des instruments.

Patrick Castel, Léonie Hénaut et Emmanuelle Marchal : Ces deux points nous paraissent également bien définir le CSO et la dynamique de notre ouvrage. Non seulement la sociologie de l’action publique et la sociologie économique ont été mobilisées, mais, du fait de la problématique, la sociologie des organisations et celle des professions ont également constitué des ancrages pertinents.

Entretien réalisé le 1er juin 2016

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