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17.10.2025
Les Français sont-ils toujours pro-européens ?
À l’approche de la publication de la treizième vague de l’enquête Fractures françaises, cinq chercheurs du CEVIPOF livrent les premières notes de recherche d’une collection entièrement consacrée à cette étude annuelle emblématique, menée par le CEVIPOF en partenariat avec la Fondation Jean Jaurès, l’Institut Montaigne et Le Monde, et réalisée par IPSOS/BVA.
Dans cette cinquième note, Bruno Cautrès, chercheur CNRS au CEVIPOF, explore la complexité du rapport des Français à l’Europe depuis 10 ans : entre attachement durable et doutes persistants.
Une relation paradoxale
La France se distingue par un double mouvement : elle demeure largement attachée à la construction européenne tout en doutant de ses finalités et de ses effets.
Le pays a élu deux fois Emmanuel Macron, chef d’État le plus pro-européen de la Ve République, tout en offrant au Rassemblement national la victoire lors des trois dernières élections européennes.
Ce paradoxe illustre une tension profonde entre engagement institutionnel et méfiance populaire.
Dix années de bouleversements européens
Les données longitudinales des douze vagues de l’enquête Fractures françaises permettent de suivre une période dense : le Brexit, la crise du COVID-19, la guerre en Ukraine, la transition écologique et la régulation des plateformes numériques.
Ces événements ont tour à tour renforcé ou fragilisé la confiance dans l’Union européenne.
Ainsi, la confiance des Français dans l’UE a connu deux hausses notables :
– en 2020, à la suite de la gestion collective de la crise sanitaire,
– en 2022, après l’invasion de l’Ukraine et la réponse unie des États membres.
Mais ces effets positifs se sont révélés éphémères, la confiance retombant ensuite à son niveau d’avant-crise.
Une adhésion sans enthousiasme
Si la majorité des Français continue de juger l’appartenance à l’Union européenne comme “une bonne chose” (entre 45 et 57 % selon les vagues), seuls un Français sur cinq souhaite un renforcement des pouvoirs de décision européens.
L’adhésion à l’UE demeure donc plus diffuse que militante : les Français soutiennent le principe, mais se montrent réservés sur ses modalités concrètes, notamment en matière de politique migratoire ou économique.
Des fractures sociales et politiques persistantes
Les données confirment que les attitudes envers l’Europe sont profondément liées à la position sociale et territoriale :
– 75 % des cadres supérieurs et des diplômés jugent l’appartenance à l’UE positive,
– contre 40 % des ouvriers et 48 % des personnes sans diplôme supérieur.
Les habitants des grandes métropoles restent également plus favorables à l’Europe que ceux des zones rurales.
Sur le plan politique, les opinions pro-européennes dominent au centre et dans les modérés, tandis que les électorats “très à gauche” et “très à droite” se montrent nettement plus critiques.
Le risque d’un nouveau clivage européen
Bruno Cautrès conclut son étude sur une mise en garde : malgré les progrès de l’intégration, le risque d’un nouveau “moment 2005” — une fracture politique majeure autour d’un projet européen — ne peut être écarté à l’approche du prochain élargissement prévu pour 2030.
L’Europe demeure ainsi un miroir des fractures françaises, révélant la tension entre ouverture et protection, confiance et scepticisme.
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