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13.10.2025

La génération est-elle encore un marqueur des fractures politiques françaises ?

À l’approche de la publication de la treizième vague de l’enquête Fractures françaises, cinq chercheurs du CEVIPOF livrent les premières notes de recherche d’une collection entièrement consacrée à cette étude annuelle emblématique, menée par le CEVIPOF en partenariat avec la Fondation Jean Jaurès, l’Institut Montaigne et Le Monde, et réalisée par IPSOS/BVA.

Après l’analyse de Luc Rouban sur l’implantation du RN dans la société française depuis 2015, Anne Muxel a choisi d'interroger un marqueur longtemps central de la vie politique : la génération

Sa note propose d’identifier les évolutions les plus marquantes des positions et affiliations politiques (niveau d’intérêt, orientation idéologique, appartenance partisane) entre les générations, en mesurant les différences ou similitudes entre les plus jeunes et les plus anciennes au cours d’une période de dix ans. La génération constitue-t-elle encore un marqueur des divisions politiques en France ? Plusieurs résultats viennent contredire un certain nombre d’idées reçues.

La génération, un marqueur qui s’efface… ou se transforme

Contrairement à l’idée d’un « fossé générationnel » hérité de Mai 68, Anne Muxel observe que les différences d’attitudes politiques entre jeunes et aînés se sont atténuées au fil du temps.
Si les jeunes demeurent plus critiques vis-à-vis du système politique, leur intérêt pour la politique se renforce : en dix ans, l’écart entre les moins de 35 ans et les plus de 60 ans s’est réduit de moitié.
Ils restent attachés à la démocratie, mais expriment une demande croissante de participation directe et une méfiance accrue envers les institutions représentatives. Cette évolution traduit, selon la chercheuse, une forme de “citoyenneté critique”, parfois porteuse d’une déconsolidation démocratique.

De nouvelles lignes de fracture au sein même de la jeunesse

La note met également en lumière un nouveau clivage interne aux jeunes générations.
Si la gauche reste mieux représentée chez les moins de 35 ans que dans le reste de la population, la droitisation du paysage politique touche aussi cette tranche d’âge — plus marquée chez les jeunes hommes que chez les jeunes femmes.
Ces dernières, plus sensibles aux enjeux d’égalité, de droits humains et d’environnement, tendent à réaffirmer un ancrage à gauche, créant un “gender gap” générationnel inédit.
Par ailleurs, la montée d’une citoyenneté plus critique et de formes d’engagement non conventionnelles (protestation, abstention, vote intermittent) redéfinit les contours du lien politique entre les générations.

Une lecture renouvelée des fractures françaises

En confrontant dix ans de données, Anne Muxel montre que la génération reste un repère essentiel, mais qu’elle ne suffit plus à expliquer seule les divisions politiques.
Les fractures sociales, économiques et culturelles traversent désormais toutes les classes d’âge, dessinant un paysage politique plus fragmenté, où l’âge n’est plus un facteur structurant unique mais une variable parmi d’autres des nouvelles lignes de clivage françaises.
 

 

(crédits : Shutterstock_Nuva Frames)