Débarrasser la Chine de la corruption

20/05/2013

Xi Jinping, le nouveau dirigeant de la Chine, a vu juste : à peine nommé à la présidence de l'État chinois, c'est à la corruption qu'il s'est attaqué en premier lieu. Les victimes du mouvement sont nombreuses et situées à des niveaux élevés : bonne nouvelle.

Le test qu'il accepte ainsi de passer dans l'opinion publique est le plus important après le grand classique (une fois de plus réussi depuis quelques mois) qu'est le maintien du rythme de la croissance annuelle au-dessus de 7 %. La corruption est un scandale aux yeux de la population chinoise car elle contredit les idéaux tant du communisme que du confucianisme, et paraît placer le régime de Pékin dans la continuité directe de ceux qui ne surent pas défendre le pays face à l'impérialisme occidental.

En outre, elle fait peser sur l'économie du pays des menaces très lourdes. Ainsi, les statistiques bancaires sont, pour une large part, fausses car l'argent est rarement là où il devrait être. Les douanes sont, dans tous les sens, l'affaire des douaniers. La police veille à sa façon sur la drogue et la prostitution. L'appareil du Parti et de l'État s'arroge le droit de commercer le sol public. Et les échanges extérieurs de la Chine abritent des séries de passe-droits et d'irrégularités.

Sans doute ne faut-il pas exagérer. Il reste beaucoup de gens honnêtes en Chine, les touristes étrangers peuvent s'en rendre compte. Mais un événement s'est produit depuis quelques mois, qui porte le danger au plus haut : ce sont les révélations sur l'enrichissement des principaux responsables chinois. Qu'un Premier ministre pioche dans la richesse nationale n'est en soi pas le pire : il en restera toujours. Le pire, c'est qu'il se déqualifie et ouvre la voie aux imitateurs. Et quand le prestige se mesure au nombre des maîtresses, ce sont d'autres valeurs qui sont en jeu, et qui comptent dans la société chinoise comme dans la nôtre.

Nettoyer les écuries d'Augias

Surtout, si le sommet de la société commence à se gangrener, alors le pari de Xi Jinping devient risqué. Il était déjà difficile à gagner quand, il y a quelques dizaines d'années, les dirigeants laissaient l'appât du gain à leurs enfants et amis. En effet, « le Parti » était censé se rectifier lui-même. Résultat : on a connu des cas où la fameuse « commission de contrôle de la discipline » était un modèle... de corruption ! Mais c'est une situation pire encore qui menace désormais : celle où la corruption s'étendrait aux sommets de tous les niveaux, dans le pays, dans ses provinces, dans les districts ruraux et dans les villages, soutenue par des réseaux mafieux et même de petites armées d'hommes de main.

Alors apparaîtrait aussi dans les provinces, loin des regards du pouvoir central, un deuxième danger dont le pays aurait grand mal à se défaire : le règne de bandes de soudards en principe subordonnés à des responsables politiques, mais en fait libres de tout contrôle. Déjà, les journalistes chinois hésitent à traiter certains dossiers, et déjà les prisons privées prolifèrent dans les provinces périphériques...

On souhaite bien évidemment que le nouveau patron du régime chinois commence au moins à nettoyer les écuries d'Augias : la solidité de l'économie chinoise ne pourra qu'y gagner. Et on souhaite tout autant qu'il mobilise à cet effet des moyens relevant de la loi et de l'État, non du Parti ou de la violence. Mais le pourra-t-il et le voudra-t-il ?

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