Accueil>Selectra : la plus grande startup issue de l’Incubateur de Sciences Po
18.05.2022
Selectra : la plus grande startup issue de l’Incubateur de Sciences Po
Selectra est le leader de la comparaison des offres d’énergie en France. Plus globalement, l’entreprise aide les foyers à gérer et réduire leurs factures domestiques : électricité, gaz, internet, téléphonie, assurances… L’enjeu : leur faire gagner du temps et de l’argent !
Une entreprise créée par deux étudiants de Sciences Po et incubée par Sciences Po
Selectra est née en 2007, lorsque les particuliers ont eu pour la première fois le choix de leur fournisseur d’énergie. Elle a été créée par Aurian de Maupeou et Xavier Pinon, âgés de 19 et 20 ans, encore étudiants à Sciences Po. Alors que les deux élèves terminent leurs études, Sciences Po prend le tournant de la promotion de la création d’entreprise comme débouché pour ses étudiants et lance son incubateur. Selectra intègre la première promotion et devient, grâce au soutien de l’incubateur, une entreprise à part entière avec des bureaux et des salariés.
1600 salariés, des services dans 16 pays
15 ans après sa création, Selectra compte plus de 1600 salariés qui proposent les services de l’entreprise dans 16 pays. L’entreprise a ouvert des bureaux en France (Paris, Lyon, Caen), mais aussi en Espagne, en Italie, au Japon et commence son développement en Amérique latine. En 2021, Selectra réalise un chiffre d'affaires de 75 millions d'euros.
L’entreprise paraît régulièrement dans des classements des entreprises à forte croissance et fait régulièrement parler d’elle dans la presse. Depuis février 2021, Selectra fait partie du French Tech 120, un programme gouvernemental conçu pour aider une sélection d’entreprises à devenir des leaders de rang mondial.
Faciliter la gestion et la réduction des factures domestiques
Le but initial de Selectra : aider les foyers à se retrouver dans la jungle des offres d'électricité et de gaz, pour choisir celle qui correspond à leurs besoins tout en optimisant leur budget.
Aujourd’hui, Selectra les accompagne plus globalement pour gérer et réduire l’ensemble de leurs factures domestiques. Ainsi, Selectra met à disposition de nombreux contenus sur ses différents marchés (l’énergie, les télécoms, les assurances…), notamment des comparateurs de prix permettant de simuler son budget annuel avec les différentes offres du marché.
La notoriété de Selectra s’est également construite par le lancement d’achats groupés, portant sur l’électricité, le gaz, les box Internet, l’assurance habitation ou l’assurance santé. Ce type d’initiative, parfois mené en collaboration avec des associations de consommateurs ou de défense de l’environnement comme le WWF France, consiste à négocier des prix de groupe après avoir rassemblé un large panel de consommateurs intéressés.
Rencontre avec Aurian de Maupeou, cofondateur de Selectra
Pouvez-vous nous expliquer le business model de Selectra ?
Les fournisseurs d’énergie, d’accès à Internet, ou les assureurs versent une commission d’apport d’affaires à Selectra pour chaque contrat vendu par notre intermédiaire. Le service est gratuit pour le client.
“C’est donc le client le produit ! Le comparatif ne peut qu’être biaisé !”
Nos comparateurs des fournisseurs d’énergie et d’accès à Internet référencent toutes les offres du marché, qu’elles soient partenaires ou non. Même si nous aurions un intérêt business de court terme à n’y mettre en avant que nos offres partenaires, notre intérêt de long terme est d’être l’outil de comparaison de référence, et donc de proposer un outil complet. A nous de nous débrouiller pour être partenaire des offres les plus compétitives si nous voulons gagner de l’argent !
Mais si un client vous appelle, vous ne lui proposez que vos offres partenaires ?
Tout à fait ! Toutefois, de nombreux fournisseurs d’énergie sont partenaires de Selectra, et nos clients ont donc accès au plus large panel d’offres du marché. C’est là toute la valeur ajoutée de notre service que de pouvoir offrir cette diversité ! C’est aussi ce qui nous distingue de toutes les alternatives qui s’offrent au consommateur, à savoir appeler un fournisseur d’énergie en direct, ou se laisser aller à souscrire suite à un démarchage téléphonique ou en porte-à-porte, ce type de canaux de distribution ne proposant en général qu’une seule marque, rarement la moins chère. Ainsi, si notre service téléphonique n’est pas parfait, puisqu’il ne permet pas de souscrire à toutes les offres du marché, il reste probablement la meilleure solution disponible pour le consommateur du point de vue de la diversité des offres proposées.
Vous avez pour ambition de rendre le monde ‘moins cher, plus vert et sans paperasse’. On comprend bien le ‘moins cher’ et le ‘sans paperasse’, on voit mal pour le ‘plus vert’.
Selectra propose aux consommateurs des solutions pour réduire leur impact environnemental.
D’abord, Selectra met en avant les offres d’électricité et de gaz des fournisseurs verts, par exemple par le biais d’opérations d’achat groupé dédiées à cette thématique environnementale, ou tout simplement sur son comparateur.
Par ailleurs, Selectra propose des simulateurs d’émissions de gaz à effet de serre, pour les particuliers comme pour les professionnels, ainsi que des solutions de compensation carbone.
Enfin, Selectra vend aussi du matériel comme des panneaux solaires photovoltaïques pour l’autoconsommation ou des boîtiers d’effacement diffus.
Les offres d’énergie verte… N’est-ce pas du greenwashing ?
Il y a beaucoup de débats concernant les offres d’électricité renouvelable et de gaz biométhane pour savoir si ces offres font une différence pour la planète, ou non. En effet, le développement des énergies renouvelables a été largement financé par une taxe payée par tous les consommateurs, et pas uniquement par ceux qui ont choisi des offres d’énergie verte. Au final, choisir une offre verte revient largement à s’approprier la part renouvelable d’électricité déjà injectée sur le réseau.
Toutefois, au fur et à mesure que les consommateurs choisissent les offres vertes, on a vu le prix des garanties d’origine, le certificat sous-jacent aux offres vertes, monter significativement. Cela veut dire que si les consommateurs continuent de faire le choix de l’énergie verte en masse, le prix des garanties d’origine pourrait augmenter jusqu’à constituer un facteur de revenu vraiment attractif pour les producteurs verts.
Les fournisseurs verts proposent également d’autres formes d’engagement comme des programmes de suivi et de réduction de la consommation.
On voit beaucoup de consommateurs écologistes convaincus et informés qui font le choix de fournisseurs très engagés garantissant une traçabilité courte entre la production verte et le consommateur, et proposant des outils de réduction de consommation. J’y vois le signe d’un consensus pour dire que toutes les offres d’énergie ne se valent pas d’un point de vue environnemental, et qu’accuser de greenwashing toute initiative pour l’environnement ne fait pas avancer les choses.
Et la compensation carbone… N’est-ce pas davantage du greenwashing ?
Là encore, il est plus facile d’accuser de greenwashing toute initiative que de faire avancer les choses…
Ce qui est clair, c’est qu’il vaut mieux ne pas émettre de gaz à effet de serre du tout. C’est pourquoi la réduction des émissions doit être la priorité. Toutefois, il semble incontestable qu’existent des émissions incompressibles pour les organisations comme pour les particuliers et que les compenser n’exonère pas sa conscience mais est un moindre mal par rapport à l’inaction.
Très concrètement, des centaines de projets dans le monde entier ont vu le jour uniquement car la vente de crédits carbone leur a permis de franchir le seuil de rentabilité. Barrages hydroélectriques, éoliennes, métro, récupérateurs de biogaz, cuisinières domestiques améliorées, reforestation, restauration de mangroves… Si ces projets ont pu émettre des crédits carbone, c’est parce que des organisations non gouvernementales reconnues leur ont attribué un label certifiant qu’ils n’auraient pas pu voir le jour sans les revenus tirés de ces crédits.
Selectra a aujourd’hui plus de 1600 salariés. Quel est votre secret ?
Peut-être parce que nous avons gardé en interne la plupart de nos fonctions au lieu d’externaliser à tout va ! Par exemple, beaucoup de nos cadres sont issus de notre centre d’appels, qui constitue une richesse formidable en permettant à de nombreux collaborateurs de briller et de s’élever dans la hiérarchie à la force de leur talent et de leur motivation plutôt que de leur diplôme. Ce sont probablement eux qui véhiculent le mieux les valeurs que nous avons choisies pour notre recrutement : l’humilité, l’excellence et la passion.
Le travail en centre d’appels est surtout connu pour être difficile et aliénant !
Il est clair qu’être au téléphone toute la journée n’est pas facile ! La pression est élevée, concernant les objectifs commerciaux comme le respect de la réglementation, qui impose de plus en plus des scripts précis qui tendent à transformer les humains en robots. Pour lutter contre ce sentiment de déshumanisation renforcé par l’immensité des plateaux d’appels, nous avons choisi de créer de petits centres d’appels familiaux d’une trentaine de collaborateurs, où tout le monde se connaît, répartis dans de nombreuses villes différentes.
Quels sont vos challenges aujourd’hui et pour les prochaines années ?
Assis sur un grand nombre de pays et de verticales, le business ressemble à un conglomérat d’activités qui ont chacune leur challenge. Notre défi est de continuer à nous diversifier pour limiter les risques propres à chaque activité tout en poursuivant notre objectif d’ensemble de rendre le monde moins cher, plus vert et sans paperasse. Par exemple, nous avons la capacité d’accompagner les ménages dans la transition énergétique grâce aux données de leurs compteurs intelligents. C’est l’un de nos défis les plus porteurs de sens.
Quel conseil donnez-vous à des étudiants qui voudraient se lancer dans l’entrepreneuriat ?
Choisissez soigneusement vos associés et vos recrutements clés. C’est ce qui fait le plus de différence sur le long terme.
Vous est-il arrivé de douter ; quels échecs avez-vous subi dans votre aventure ?
L’entrepreneuriat est une suite de hauts et de bas. Le doute en fait partie et le propre du métier est de savoir se remettre en question tout en gardant une ligne claire aux yeux du monde.
Les échecs sont nombreux, on a dû se retirer de différents pays après y avoir perdu beaucoup d’argent et d’énergie. J’ai également vécu douloureusement le départ de personnes clés à la concurrence. Enfin, nous avons eu un revers judiciaire contre une association de consommateurs qui développe des activités concurrentes de notre activité. De ces échecs qui vous empêchent de dormir.
À noter : Xavier Pinon, cofondateur de Selectra, a publié récemment aux éditions Baudelaire un livre sur le management en start-up.