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ANALYSE

Yémen: derrière l'offensive des rebelles à Marib, une guerre de plus en plus complexe

Depuis plusieurs mois, le conflit yéménite se cristallise autour de la ville de Marib, alors que cette bataille pour le contrôle du dernier bastion du gouvernement dans le nord du pays a déjà poussé des dizaines de milliers de civils à se déplacer, selon les Nations unies. Les rebelles houthis poursuivent leur offensive contre les forces loyalistes. Si ce front éloigne la perspective des négociations, les problèmes soulevés par le conflit pourraient se faire sentir pendant des années.

Les affrontements autour de Marib, dernier bastion loyaliste dans le nord du Yémen, se sont intensifiés ces derniers mois. Ici, un soldat pro-gouvernement tient une position contre les rebelles houthis, près de Marib, le 17 octobre 2021.
Les affrontements autour de Marib, dernier bastion loyaliste dans le nord du Yémen, se sont intensifiés ces derniers mois. Ici, un soldat pro-gouvernement tient une position contre les rebelles houthis, près de Marib, le 17 octobre 2021. © AFP
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Ces dernières années, Marib était considérée comme l’une des dernières oasis de stabilité du pays. La ville est riche en pétrole et en gaz, et les tribus qui y habitent soutiennent farouchement les forces pro-gouvernementales. Ainsi, des milliers de familles y ont trouvé refuge après avoir dû abandonner leurs propres foyers ravagés par un conflit qui dure depuis maintenant sept ans.

Mais dans leur volonté d’étendre leur contrôle sur l’intégralité du pays, les Houthis ont donc lancé une offensive en février dernier en direction de cette ville. Au prix de centaines de morts dans leurs rangs, ils arrivent progressivement à l'encercler.

« Il y a eu des avancées ces dernières semaines dans la région d’Al-Baïda, au sud de Marib, avec une prise de ce gouvernorat qui coupe de plus en plus le lien entre Marib et le Sud, constate Laurent Bonnefoy, chercheur au Centre de recherches internationales (Ceri) de Sciences Po et du CNRS. Cela risque d’isoler encore davantage les forces du gouvernement et d’éloigner la possibilité de négociations. » En effet, tant que la rébellion houthie se sentira en position de force, il sera difficile d’ouvrir la discussion.

Pourtant, une série de rencontres ces derniers mois entre délégations iraniennes et saoudiennes avaient pourtant laissé espérer un début de détente entre les deux grands acteurs régionaux de ce conflit. « Mais si l’Iran est présenté comme l’allié des Houthis au Yémen, il est difficile de savoir quel pouvoir Téhéran a réellement sur les rebelles », soulève Franck Mermier, directeur de recherche au CNRS.

 À lire et à écouter aussi : Yémen: le faux espoir d’un apaisement

Face à eux, les forces pro-gouvernementales doivent affronter plusieurs difficultés. « Alors que les Houthis sont unis contre un ennemi commun, ce n’est pas le cas des forces anti-Houthies, rappelle Laurent Bonnefoy. Ces dernières sont fragmentées entre le gouvernement "légitime", l’Arabie Saoudite, les sudistes, les Émiratis, les islamistes et puis les partisans de l’ancien président Saleh, autrefois alliés aux Houthis et qui ont retourné leur veste fin 2017. »

Les forces gouvernementales soutenues par l’Arabie saoudite ne sont d’ailleurs pas à l’abri d’avoir à se battre sur un nouveau front au Sud, contre les séparatistes du Conseil de transition du Sud, ajoute Franck Mermier.

Une perte de puissance de la coalition saoudienne

Sur le plan international, l’Arabie saoudite a également changé de positionnement ces derniers mois, affaiblissant sa force de frappe sur le terrain. Ce conflit sans issue, dans lequel Riyad est engagé depuis six ans, commence à lui coûter cher. Alors que cette campagne militaire était prévue pour durer quelques semaines, elle s’est transformée en l’une des pires crises humanitaires au monde, ce qui ternit l’image du pays à l’international.

D’autre part, le changement d’administration aux États-Unis, grand allié des Saoudiens, force ces derniers à revoir leur copie. « Joe Biden a été élu avec l’idée qu’il ferait pression sur les Saoudiens, explique Laurent Bonnefoy. Il n’a pas rompu totalement avec Riyad, mais les pressions américaines ont réduit la capacité d’approvisionnement de l’Arabie Saoudite en armements. »

Aujourd’hui, tout en défendant le front de Marib, Riyad cherche donc une solution pour minimiser les pertes en sortant de ce conflit. Les autorités saoudiennes seront de toute façon forcées d’accepter la présence à leurs frontières des forces houthies. Mais du point de vue de Franck Mermier, une partition du Yémen pourrait intéresser certains acteurs régionaux : elle empêcherait la création d’un Yémen fort et démocratique tel qu’il était au déclenchement de la crise.

Une société de plus en plus fragmentée

La société civile riche et active d’avant-guerre, dynamisée par les printemps arabes, a, elle aussi, en partie disparue. La majorité de ses acteurs se trouvent aujourd’hui à l’étranger, selon Franck Mermier. Ceux qui sont restés au Yémen font face à une violente répression, particulièrement sur le territoire houthi. « Cette société civile a du mal aujourd’hui à faire entendre sa voix, reconnaît le chercheur, mais elle existe. Il y a des rassemblements de Yéménites qui réfléchissent à l’après-guerre et qui essayent de recomposer le tissu social et culturel déchiré du pays. »

Malgré ces efforts, plus les mois et les années passent, plus les fractures au sein de la population sont sévères. La dimension confessionnelle de cette rupture inquiète particulièrement Laurent Bonnefoy : « Le Yémen a cette composante zaïdite d’origine chiite représentée par les Houthis, qui est de plus en plus assimilée à l’Iran et au chiisme, face à une majorité sunnite. Au Yémen, il y avait un système de coexistence très intéressant et exceptionnel au sein de la région. Une fois qu’on a enclenché cette dynamique identitaire, on ne sait plus trop comment en sortir. »

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