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Entretien

Somalie : un pays à l’avenir toujours incertain

La crise liée au report de l’élection présidentielle en Somalie plonge le pays dans une période d’incertitude qui vient se rajouter à un ensemble d’autres crises non résolues. Un pays fractionné entre plusieurs pouvoirs toujours en attente de développement et de pacification que commente l’expert de la Somalie, Robert Kluijver. 

Somalie
Somalie © Nations unies/Stuart Price
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C’est dans un pays toujours divisé, tenu en partie par le groupe islamiste Al-Shabaab, que devait se tenir le 8 février une élection présidentielle pour choisir un successeur au président somalien Mohamed Abdullahi Farmajo, dont le mandat arrivait à expiration. Mais le scrutin n’a pas pu se tenir malgré des pourparlers de dernière minute entre la présidence et les 5 États de la Fédération somalienne. L’opposition, qui accuse le président d'avoir manipulé les commissions électorales pour se maintenir au pouvoir, ne reconnaît plus sa légitimité et demande la mise en place d’un comité de transition, car la Constitution somalienne ne prévoit pas une extension du mandat du président au-delà de 4 ans. Le pays déjà déchiré est depuis rentré dans une période de grande incertitude malgré les offices de la communauté internationale qui tentent de trouver un accord entre les parties. Des échanges de tirs ont éclaté vendredi en marge d'une manifestation de l'opposition dans la capitale somalienne Mogadiscio, placée sous haute surveillance par les forces de sécurité. Des discussions sont en cours dans un contexte de tensions et d’insécurité où se multiplient depuis bien longtemps de nombreuses crises.  

Robert Kluijver, doctorant en sciences politiques est un chercheur spécialisé sur la Somalie et les pays de la Corne de l’Afrique dont on peut retrouver les analyses sur son site www.robertk.space

RFI : Robert Kluijver, suite à l’échec de l’élection présidentielle, le pays est rentré dans une période de crise, quelle est la situation actuellement en Somalie ? 

Robert Kluijver : C’est le flou total. On attend que le gouvernement annonce comment il pense sortir de cette crise politique. Il y a un désaccord entre le président Farmajo et plusieurs présidents des États membres de la Fédération. Le principal contentieux est la région de Gedo, frontalière du Kenya, qui appartient à l’État fédéral du Jubaland qui est occupé militairement par le gouvernement fédéral sous prétexte d’ingérence du Kenya ; mais tous les Somaliens considèrent que Farmajo a occupé cette région pour permettre à son clan d’y contrôler le pouvoir. Le président Madobe du Jubaland réclame que Gedo lui soit restitué avant de procéder aux élections. Au-delà de ce conflit particulier, il y a l’effort de Farmajo d’installer des régimes favorables à son pouvoir dans tous les États membres, en vue d’une éventuelle réélection. Les Somaliens aussi bien que les observateurs étrangers pensent que cet effort centralisateur du gouvernement fédéral va à l’encontre de l’esprit fédéral de dévolution des pouvoirs. Depuis 2012, on n’arrive d’ailleurs pas à se mettre d’accord sur une Constitution définitive, surtout sur le chapitre qui concerne le partage des pouvoirs et des responsabilités – et des recettes – entre le centre et les régions. Le Jubaland et le Puntland sont les plus opposés aux velléités centralisatrices de Farmajo, au point de penser à la sécession. Mais finalement, il y a derrière tous ces conflits une autre réalité, bien perçue par les Somaliens : l’impasse actuelle permet à tous les acteurs politiques de rester au pouvoir ; c’est pour cela, dit-on, que ces acteurs ne semblent guère pressés de résoudre cette crise. 

Le président somalien Mohamed Abdullahi Mohamed, dit Farmajo, en 2017 à Mogadiscio.
Le président somalien Mohamed Abdullahi Mohamed, dit Farmajo, en 2017 à Mogadiscio. STRINGER / AFP

Comment est-on arrivé historiquement à une telle division en Somalie ? 

La Somalie c'est un pays peu peuplé de 12 millions d'habitants sur un territoire qui fait plus ou moins la taille de la France. A l’indépendance en 1960, c'était un peu l'espoir de l'Afrique parce qu'on voyait dans la Somalie le seul Etat-nation véritable du continent avec un peuple, une langue et une même religion, mais en 1991 l'État a failli.  Le président Mohamed Siad Barré, parvenu au pouvoir à la suite d’un coup d’État militaire en 1969 ruina le pays et l’amena au bord du précipice, dans lequel il tomba à sa chute en 1991 et le pays sombra dans une guerre civile très sanglante. À la chute de Siad Barré, une partie nord du pays s’est séparé de la Somalie en se déclarant libre et indépendante sous le nom de Somaliland, laissant le reste du pays sombrer dans la guerre civile. Après plusieurs années d’intervention sans succès de la communauté internationale, la Somalie a été abandonnée à son sort. 

Durant cette période, le pays a trouvé des ressources dans ses traditions d’auto-gouvernance qui ont un peu stabilisé la situation. Mais après les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, les responsables de la sécurité en Occident ont décidé que tout pays musulman où l’État avait failli, comme en Afghanistan et en Somalie, pouvait être un lieu d’hébergement pour le terrorisme. Cela a donné lieu à une chasse aux extrémistes en Somalie menée par les États-Unis puis par la France, qui ont eu des résultats contre-productifs puisque cela a donné lieu à une résistance et à une résurgence des tribunaux islamiques qui ont finalement créé un nouveau gouvernement islamiste dans le pays.

En 2006, alors qu’ils contrôlaient le centre et le sud de la Somalie, la communauté internationale a soutenu l’Éthiopie qui s’inquiétait du développement de ce pouvoir intégriste chez son voisin, et l’Éthiopie a envahi la Somalie et les a chassés du pouvoir. Une nouvelle séquence de conflits en a résulté où l’on a assisté à l’émergence de Al-Shabaab, qui est maintenant le mouvement nationaliste islamiste qui gère près de 30% du territoire.

Depuis les années 2000, l’Union européenne finance presque entièrement toutes les opérations de maintien de paix, et est devenue le plus grand financier du développement et de la reconstruction en Somalie. Avec ce soutien, un gouvernement fédéral a été reformé en 2012 et depuis, on essaye de faire fonctionner ce gouvernement fédéral, même si en réalité il a très peu d’emprise sur le pays. Donc c’est devenu plutôt un conduit pour distribuer l’argent international dans un système que l’on peut qualifier de clientéliste dans le pays, plutôt qu’un véritable gouvernement. 

Qui contrôle le territoire somalien ?

Il y a maintenant trois gouvernements en Somalie : le gouvernement fédéral soutenu par la communauté internationale qui est entièrement dépendant de ses soutiens ; le gouvernement du Somaliland qui est indépendant depuis 30 ans, mais qui n'est toujours pas reconnu par la communauté internationale, même si, de tous les points de vue, c'est un État qui fonctionne ; enfin, il y a l'émirat de Al-Shabaab qui gouverne pratiquement l'ensemble du territoire du sud et du centre de la Somalie et d’autres lieux où il partage ce pouvoir avec le gouvernement fédéral, c’est ce qu’on appelle la gouvernance de nuit et la gouvernance de jour. Le jour, c’est le gouvernement fédéral qui gère ces territoires, mais la nuit c’est Al-Shabaab. Par exemple, toutes les entreprises à Mogadiscio (la capitale) payent des impôts de guerre à Al-Shabaab. En ce moment, Al-Shabaab a un pouvoir de plus en plus soutenu. Il soutient des députés qui lui sont favorables et, là où ils n’ont pas de soutien, il crée du désordre par des assassinats, des attentats et toutes formes d’intimidations. 

Sur le plan économique, comment fonctionne la Somalie ? 

Le pays vit surtout de l’aide internationale, c’est la première source de financement. La deuxième source, c’est l’argent qui est envoyé par toutes les diasporas somaliennes installées principalement aux États-Unis, en Europe, en Chine ou dans les Émirats arabes unis, qui ont souvent réussi dans les affaires à l’étranger. Au niveau de l’économie nationale, le pays vit essentiellement de l’exportation du bétail, chèvres, moutons, dromadaires et vaches. 

Al-Shabaab par exemple se finance en taxant toutes les entreprises qui se retrouvent dans les zones sous leur contrôle. D’après les enquêtes des Nations unies, qui se sont intéressées de près à leurs ressources financières, Al-Shabaab a une gestion exemplaire. Il n’y a aucune corruption et il y a une maîtrise entière de tous les flux d’argent. Par exemple, quand les transporteurs en camion, et il y en a beaucoup en Somalie, passent un check-point de Al-Shabaab, ils payent une somme fixe, connue à l’avance et ils reçoivent un reçu qu’ils peuvent présenter à tous les autres check-point de Al-Shabaab, ils ne sont pas obligés de repayer. Par contre, pour les check-points du gouvernement, on ne sait jamais combien cela va coûter : il n’y a pas de reçu et il faut repayer à chaque contrôle. Donc Al-Shabaab vit surtout de la taxation, on dit qu’ils reçoivent aussi de l’argent d’al-Qaïda, mais d’après les études, il y a très peu de preuves qu’ils reçoivent des soutiens importants du terrorisme international. De plus, la piraterie souvent évoquée a beaucoup diminué depuis 2012. La criminalité est importante, mais ce qui afflige le plus la population, c’est la corruption du gouvernement et les impôts perçus par Al-Shabaab qui sont considérés comme du racket.

Un défilé des militants islamistes shebabs, à Afgoye, à l'ouest de la capitale somalienne (photo d'archives).
Un défilé des militants islamistes shebabs, à Afgoye, à l'ouest de la capitale somalienne (photo d'archives). KENYA-SECURITY/SOMALIA REUTERS/Feisal Omar/Files

Quelle est la situation générale sur le plan sécuritaire ?

Au niveau sécuritaire le pays stagne depuis 2012 : il y a des attentats de Al-Shabaab, des conflits entre des clans, d’autres conflits contre l’armée nationale somalienne comme ce qui ce passe dans la région de Gedo dans le Jubaland et il y a beaucoup d’assassinats en ce moment à Mogadiscio. Ces meurtres, souvent perpétrés par Al-Shabaab, ciblent souvent des hauts fonctionnaires et des anciens des clans qui soutiennent le gouvernement. Quand je parle avec la population pour mes recherches, le sentiment général est que Al-Shabaab a noyauté le gouvernement et les services de sécurité. Quand quelqu’un est témoin de quelque chose, il n’appelle pas la police, car il peut tomber sur un informateur de Al-Shabaab et risque d’être considéré comme un dénonciateur et de subir des représailles. Depuis près de 10 ans, il y a un déséquilibre entre ces deux pouvoirs qui oscillent en permanence entre violence et normalité, mais à côté de cela, il y a une grande partie du pays, comme le Puntland, qui couvre presque un tiers du pays, qui connaît la paix. Le conflit est local et sporadique, non pas généralisé. 

Comment la population vit cette situation ? 

Les populations disent souvent ne vouloir ni Al-Shabaab, ni ce gouvernement corrompu, tout en se disant que ce gouvernement, étant soutenu par la communauté internationale, est malgré tout une fenêtre vers un avenir et vers l’extérieur, car ils se disent aussi que si Al-Shabaab prenait le pouvoir, ce serait un isolement total. Mais en même temps, quand on interroge la population sur la légitimité du gouvernement, les gens disent que Al-Shabaab c’est quand même un peu mieux, car au moins, il y a la justice et ce n’est pas corrompu. Ils appliquent une justice qui ne nous convient pas mais au moins cela fonctionne et c’est prévisible. Al-Shabaab, avec la justice, essaye de marquer des points auprès de la population en garantissant une forme de paix sociale, en pacifiant les communautés et les problèmes par des jugements où l’on écoute toutes les parties. Leurs jugements sont de plus appliqués et on ne peut pas y déroger sinon cela devient très dangereux ; cela rassure les gens. 

L’objectif de Al-Shabaab c’est de prendre le pouvoir, mais avec le temps ils se sont installés dans une situation de statu quo. Ils ont pas mal de pouvoir, ils gèrent une bonne partie du pays et ils savent que ni la communauté internationale, ni la plupart des Somaliens ne vont leur permettre de prendre le pouvoir. Ils regardent peut-être ce qui se passe en Afghanistan et ils se disent que s’ils continuent à résister 10 ou 20 ans de plus, ils feront partie de la solution. Leur commandement est assez unitaire : ils ont une sorte de conseil de direction avec des chefs qui sont rarement au même endroit, ce qui leur permet de faire face quand ils perdent un commandant, comme cela a été plusieurs fois le cas notamment par des attaques de drones. La guerre est permanente mais elle est de basse intensité. Quand on regarde le nombre de morts violentes en Somalie, cela reste inférieur au taux observé aux États-Unis. 

C’est surtout la tension permanente face au danger, symbolisé par les attentats contre les objectifs civils, qui rend le pays instable et qui épuise la population. Au-delà des problèmes sécuritaires et de cette tension permanente, la première préoccupation est l’emploi, car c’est aussi un pays qui a plusieurs fois connu dans son histoire des situations de détresse alimentaire avec, rien que sur ces 30 dernières années, deux grandes famines. La deuxième préoccupation, c’est cette incertitude sur l’avenir, cette impossibilité de prévoir, d’investir, de savoir de quoi sera fait le lendemain. Les gens s’inquiètent pour leurs enfants et beaucoup rêvent de les voir partir dans d’autres pays où ils trouveront de meilleures conditions de vie. Le manque d’accès aux soins, à l’éducation, aux infrastructures et aux services de base rend la vie difficile. Il n’y a pratiquement pas de routes goudronnées dans le pays par exemple, car le pays fait face à un manque développement général depuis très longtemps.  

Comment fonctionne le gouvernement fédéral dans ce contexte de crises permanentes ? 

En Somalie, la politique, c’est le pouvoir des clans. Par exemple, le président Farmajo, qui est du clan Marehan, a mobilisé son clan pour les élections. Mais comme ils ne sont pas très nombreux, il a dû chercher des soutiens dans d’autres clans. Toute la population somalienne appartient au même groupe ethnique qui se divise en clans, en sous-clans, et en sous-sous-clans, etc… C’est un système hiérarchique qui fédère tous les Somaliens. C’est le réseau de soutien, de solidarité, qui a toujours fonctionné, même pendant la guerre civile et qui a toujours permis aux Somaliens de survivre. Les clans ne s’opposent pas directement, ce sont les personnalités qui les constituent qui s’opposent même si tout le monde sait que derrière, c’est le clan. Quand on lit la presse somalienne, il n’y a jamais d’allusion aux clans. Mais quand on parle avec la population, tout est lié aux clans. 

Les clans sont déterminants dans le système électoral indirect de la Somalie. Les 275 membres du Parlement, qui représentent l’ensemble du pays, devraient être élus, chacun dans leur région, par des groupes électoraux de 101 personnes, selon le schéma convenu en septembre dernier, en détriment de la promesse de suffrage universel. Cela concerne également le Somaliland indépendant, considéré par le gouvernement fédéral comme faisant partie du pays. Les zones sous contrôle de Al-Shabaab sont aussi représentées pour le gouvernement par des hommes qui vivent à Mogadiscio et qui ne se rendent jamais dans leur circonscription électorale, car ils se feraient assassiner. Donc ces grands électeurs votent et sont payés, selon les élections, entre 5 000 ou 30 000 dollars le vote. Dans certains cas, cela peut monter jusqu’à 100 000 dollars pour faire élire un candidat. C’est une manière d’assurer que seuls les Somaliens qui représentent les grands intérêts économiques, ou qui représentent les pouvoirs étrangers, sont élus au Parlement. Le Qatar, les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite sont les principaux financiers de ce système. La Turquie donne aussi pas mal d’argent. Ensuite on trouve le Kenya, l’Éthiopie, la Chine et d’autres : chacun paye pour essayer d’assurer ses intérêts auprès des candidats. C’est un système qui ne plait à personne mais qui arrange tout le monde. Il n’y a aucun positionnement idéologique, car l’objectif est de capturer le vote du clan et, dans un clan, il y a toutes les sensibilités, donc on ne va pas prendre de position idéologique. Il n’y a aucun parti qui se positionne idéologiquement en Somalie. Tout le monde tient un discours anti-corruption, y compris le président, et tous ont un discours anti-Al-Shabaab car ils sont financés par l’étranger, mais sur ce sujet, ils sont aussi très prudents par crainte des assassinats. 

 

Attentat a Mogadiscio en décembre 2019
Attentat a Mogadiscio en décembre 2019 REUTERS/Feisal Omar

 

Il y a des intérêts économiques qui pourraient expliquer ces financements étrangers ? 

C’est un intérêt potentiel mais qui n’est pas sur le court terme. Par exemple, le 8 janvier dernier, le gouvernement avait annoncé qu’il allait mettre en vente des blocs d’exploitation pétroliers, mais le 9 janvier, le Fonds Monétaire International (FMI) est intervenu pour leur dire que la Somalie ne pourrait pas emprunter de l’argent sur les marchés internationaux parce qu’il n’y a aucun cadre légal pour mettre en vente des blocs d’exploitation pétrolières en Somalie. Donc il y a des efforts du gouvernement, mais les spéculateurs ne souhaitent pas s’engager sur un terrain dans les conditions actuelles. Par exemple, j’avais rencontré des hommes d’affaires chinois qui étaient intéressés par des gros projets dans le Puntland, parce que c’est une région plus stable : ils ont rencontré toutes les autorités pour voir s’ils pouvaient investir et ils sont repartis en disant que le cadre légal étant complètement flou, il était impossible d’investir dans le contexte actuel pour protéger leurs investissements. Les Turcs sont pratiquement les seuls à investir très concrètement dans le port maritime de Mogadiscio, dans la construction d’hôpitaux, de routes. Ils sont très appréciés en Somalie, car parmi tous les donateurs, ce sont les seuls qui veillent à ce que leur argent ne disparaisse pas dans les poches des hommes politiques somaliens. Ils font tout eux-mêmes, avec des compagnies turques qu’ils ont fait venir sur place. De plus, ils entraînent l’armée somalienne et en obtiennent protection.

Quel regard portez-vous sur l’action de la communauté internationale en Somalie ?

La communauté internationale semble plus intéressée dans le système politique que dans ses péripéties actuelles, comme les pays environnants. Elle est exaspérée qu’il n’y ait toujours pas un système démocratique libéral basé sur le suffrage universel – même si c’est très discutable si un tel système serait mieux que des élections indirectes ou un système non-électoral. Par exemple, que signifie un quota pour les femmes dans le Parlement dans un système électoral clanique, si les femmes ne peuvent pas représenter les intérêts des clans ? Est-ce que les élections amènent automatiquement plus de démocratie ? La ‘démocratie’, telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui, permet surtout de consolider une petite oligarchie qui représente les grands intérêts d’affaires somaliens et de géopolitique régionale. La population ne voit pas ce que cela peut lui apporter. Il n’y a aucun débat public sur l’avenir du pays. La gouvernance traditionnelle en Somalie, c’est le consensus. On continue à parler jusqu’à ce que tout le monde soit d’accord, et à ce moment-là seulement on applique l’accord. Les élections, c’est un système où, par un truchement institutionnel, on arrive à un gagnant qui n’a pas forcement la majorité absolue des votes. Et ce gagnant prend tout, ce qui est un système anti-consensuel et le résultat au niveau politique en Somalie, c’est davantage de conflits. Ce sont des questions que la communauté internationale doit se poser si elle veut parvenir principalement à la pacification. Peut-être faut-il encore passer par des élections indirectes, organiser un débat public. Pourquoi ne peut-on pas parler avec Al-Shabaab, qui gouverne 30% du pays ? Faudra-t-il attendre comme avec les talibans en Afghanistan, qu’il contrôle 70% du pays ? Tout cela coûte beaucoup d’argent : rien que le maintien des troupes de la paix Amisom coûte 250 millions d’euros par an au bas mot, et cela est, presque entièrement financé par l’Union européenne. Ce serait bien d’avoir un véritable débat sur cette question en Europe et avec la communauté internationale, mais surtout en Somalie, avec les Somaliens.

 

 

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