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Fariba Adelkhah n'est plus accusée d'espionnage en Iran, une "joie de courte durée"

Les autorités judiciaires iraniennes ont levé mardi l'accusation d'espionnage visant Fariba Adelkhah. Mais le sort de l'anthropologue franco-iranienne et du chercheur Roland Marchal, détenus depuis juin en Iran, n'est pas réglé pour autant. Les deux ressortissants français restent sous le coup de chefs d'accusation passibles de prison.

La chercheuse franco-iranienne Fariba Adelkhah en février 2019 dans l'émission "Le Monde dans tous ses États" de France 24 et FranceInfo.
La chercheuse franco-iranienne Fariba Adelkhah en février 2019 dans l'émission "Le Monde dans tous ses États" de France 24 et FranceInfo. © France 24/FranceInfo
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Rares sont les bonnes nouvelles qui viennent d'Iran en ce début d'année. L'abandon du chef d'accusation d'espionnage qui pesait contre Fariba Adelkhah en est une. La chercheuse franco-iranienne du Centre de recherches internationales (Ceri) de Sciences Po, arrêtée en juin par les Gardiens de la révolution islamique, risquait jusque-là la peine de mort. Son avocat Saïd Dehghan a par ailleurs annoncé, mardi 7 janvier, que le ministère public abandonnait également ses poursuites pour "atteinte à l'ordre public" à l'encontre de la directrice de recherche de 60 ans.

Autre signe encourageant, la spécialiste du chiisme, jusque-là incarcérée dans l'aile dure de la prison d'Evin, près de Téhéran, contrôlée par les Gardiens de la révolution et réservée aux prisonniers politiques, a été transférée à la fin du mois de décembre dans une aile attribuée aux détenus de droit commun.

Détenus en pleine crise en Iran

Mais les raisons de se réjouir s'arrêtent là. Car Fariba Adelkhah reste poursuivie pour deux autres chefs d'accusation : "propagande contre le système" politique de la République islamique, et "collusion en vue d'attenter à la sûreté nationale". La première accusation est passible de trois mois à un an d'emprisonnement, la seconde, de deux à cinq ans.

Le sort de Roland Marchal n'est pas beaucoup plus enviable. L'ami de la chercheuse est lui aussi poursuivi pour "collusion en vue d'attenter à la sûreté nationale". Il n'a bénéficié à ce jour d'aucun transfert et croupit toujours, selon ses proches, dans un quartier hautement surveillé de la prison d'Evin. "La joie a été de courte durée, assène Richard Banegas, membre du comité de soutien de Fariba Adelkhah et Roland Marchal. C'est une victoire modeste car une large part d'incertitude pèse sur le sort des deux chercheurs."

Le sujet est d'autant plus épineux et incertain qu'il survient dans un contexte de crise. Depuis la mort du général iranien Qassem Soleimani, tué vendredi 3 janvier à Bagdad par un drone américain, provoquant une onde de choc mondiale, chacun s'interroge sur les conséquences pour les détenus français. "Il est encore trop tôt pour se perdre en conjecture et dire si la crise en Iran va bénéficier ou aggraver la situation de Fariba et Roland, estime Sandrine Perrot, chercheuse au Ceri et membre du comité de soutien, dans un entretien à France 24. Mais il n'est pas sûr que le contexte de tension entre Washington et Téhéran ait une incidence sur le sort de deux chercheurs. Il va falloir observer la situation dans les jours et semaines à venir."

Depuis le début de leur incarcération, le Quai d'Orsay n'a pas pourtant pas ménagé ses efforts pour réclamer leur libération immédiate et sans condition. Mais Téhéran n'a cessé de dénoncer de son côté une ingérence de Paris dans ses affaires intérieures, car l'Iran ne reconnaît pas la double nationalité de la chercheuse. Mardi soir, lors d'un entretien téléphonique avec Hassan Rohani pour plaider la désescalade, Emmanuel Macron en a profité pour appeler une nouvelle fois à la libération sans délai des deux chercheurs. "On se réjouit de savoir que la diplomatie française soit mobilisée sur le dossier et de voir le président français évoquer ce sujet sensible avec son homologue iranien, confie à France 24 Richard Banégas, professeur à Sciences Po et membre du comité de soutien aux deux chercheurs. Même si l'on sait que le chef de l'État français est déjà plusieurs monté créneau cet été à ce sujet sans obtenir de libération."

La "lionne" du Ceri

Pourtant, le temps presse. Roland Marchal souffre de problèmes de santé. Et Fariba Adelkhah a entamé avec Kylie Moore-Gilbert, une universitaire australienne détenue avec elle à la prison d'Evin à Téhéran, une grève de la faim illimitée depuis le 24 décembre. "Elle a perdu beaucoup de poids, elle ne pèse plus que quarante kilos, s'inquiète Béatrice Hibou, politologue rattachée au Ceri, et membre du comité. Mais elle tient moralement." Et Sandrine Perrot de surenchérir. "On ne la surnomme pas 'la lionne' pour rien. Elle est un esprit libre, une femme indépendante. C'est aussi une femme de terrain, une anthropologue qui ne faisait pas de politique, ce qui rend la situation d'autant plus absurde. Plus que jamais, elle est déterminée à se battre pour elle et pour tous ceux qui ont été arrêtés de manière arbitraire."

Les arrestations d'étrangers en Iran, notamment binationaux, accusés souvent d'espionnage, se sont multipliées depuis le retrait unilatéral en 2018 des États-Unis de l'accord sur le nucléaire iranien et le rétablissement de dures sanctions américaines contre Téhéran. Depuis, "les arrestations arbitraires sont devenues banales, juge Sandrine Perrot, la voisine de bureau de Roland Marchal. Le pouvoir est entré dans une mécanique qui vise à prendre tous les chercheurs pour des James Bond. Mais c'est absurde."

Et la professeure et amie des détenus, Béatrice Hibou de conclure. "Fariba et Roland sont deux grosses personnalités du Ceri. Ils nous manquent ici, nous les attendons de pied ferme."


Pour tromper l'attente et tenter d'obtenir leur libération, le comité de soutien est pleinement mobilisé. Chaque début de séminaire est consacré aux travaux de Fariba et Roland. "S'ils sont prisonniers, leurs idées, elles, sont libres et continuent de se propager."  

L'avocat des deux Français estime que les actes d'accusations définitifs des deux chercheurs devraient être transmis dans les jours qui viennent par le parquet au tribunal révolutionnaire de Téhéran. En attendant, Fariba Adelkhah poursuit toujours sa grève de la faim.

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