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Invité international

Cachemire: «Le Pakistan peut répliquer avec une sorte de neutralité américaine»

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Le gouvernement indien a annoncé ce lundi la révocation de l'autonomie constitutionnelle du Cachemire indien, une région en proie à une insurrection séparatiste et que le Pakistan revendique. L’analyse de Christophe Jaffrelot, directeur de recherches au CERI Sciences Po et au CNRS, auteur de L’Inde de Modi. National-populisme et démocratie ethnique.

Manifestation en soutien aux Cachemiris, à New Delhi, le 5 août 2019.
Manifestation en soutien aux Cachemiris, à New Delhi, le 5 août 2019. REUTERS/Danish Siddiqui
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RFI : Pourquoi l’Inde a décidé de mettre fin à l’autonomie du Cachemire et pourquoi aujourd’hui ?

Christophe Jaffrelot : Le pourquoi d’abord. C’était un article du programme de Narendra Modi et de son parti le BJP. Depuis toujours, les nationalistes hindous considèrent qu’en donnant un statut d’autonomie spécial au Jammu-et-Cachemire, l’Inde a en fait attisé le séparatisme et qu’il fallait à tout prix assimiler les Cachemiris en faisant disparaître ce statut spécial. [Celui-ci] permet notamment aux seuls Cachemiris d'acquérir de la terre au Jammu-et-Cachemire et d'avoir des emplois réservés.

► À lire aussi : L'Inde révoque l'autonomie constitutionnelle du Cachemire

Quant au moment, il s’explique, lui, d’une autre façon. L’Inde traverse un ralentissement économique. Donc, on peut imaginer que c’était une très bonne façon de détourner en quelque sorte l’attention de ceux qui venaient de réélire Narendra Modi et qui, quelques mois seulement après cette réélection, se trouvaient fort déçus.

Il y a quelques mois, la tension a été ravivée entre l’Inde et le Pakistan, on a même cru à une reprise des hostilités directes. Est-ce que c’est un risque assumé, voire revendiqué par les nationalistes hindous ?

On peut dire que cela fait partie de la stratégie de polarisation entre hindous et musulmans et au-delà, entre Indiens et Pakistanais, en ayant une pomme de discorde sans cesse envenimée au Cachemire. Quand on polarise, on permet de mobiliser à sa suite une population en majorité hindous.

Là où le risque paraît plus grand aujourd’hui, c'est que Imran Khan, le Premier ministre pakistanais, revient des États-Unis où Donald Trump lui a renouvelé sa confiance, lui demandant de faire en sorte que la question afghane soit réglée en partie grâce à lui. On sait que les Pakistanais ont un lien privilégié avec les talibans et Trump compte sur Imran Khan pour refaire parler les talibans et Ashraf Ghani, le président afghan.

Ce qui veut dire que les Pakistanais peuvent répliquer aux Indiens avec une sorte de neutralité américaine garantie, ce qui accroît encore les risques d’escalade.

Concrètement, la réponse pakistanaise peut être militaire ?

On va plutôt voir une intensification des tensions, qui peut passer par toutes sortes de canaux. On en parle peu, mais déjà les tirs au-dessus de la ligne de contrôle se sont beaucoup intensifiés au Jammu-et-Cachemire, il y a des victimes civiles toutes les semaines. L’autre canal de tensions, c’est bien sûr l’infiltration par des jihadistes du Cachemire indien. Et on peut penser que la situation s’y détériorant très vite, il y aura des candidats au jihad venus du Pakistan en plus grand nombre.

Comment la population du Cachemire a-t-elle réagi à cette annonce ? Y’a-t-il un risque d’insurrection ?

C’est d’abord pour elle un coup de massue. C’est déjà une population qui est victime d’une répression supérieure à ce qu’on connaissait ces derniers mois. Imaginez qu’aujourd’hui, il y a un soldat pour dix Cachemiris, 700 000 hommes qui y sont déployés. L’armée occupe littéralement le territoire, et là non seulement on annonce la fin de l’autonomie mais on place aussi en résidence surveillée les principaux leaders politiques, dont deux anciens chefs du gouvernement du Jammu-et-Cachemire. Donc on n’en est pas à la phase d’insurrection dont certains parlent, on en est plutôt à une phase de stupeur, mais la suite peut être effectivement celle-là.

L’Inde est en train de donner au Cachemire des allures de Gaza, certes sous une forme différente, mais dont le résultat pourrait avoir de grandes similarités.

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