Le projet de recherche

  • Le dispositif d'enquêteLe dispositif d'enquête

Une approche interdisciplinaire pionnière

SILICOSIS est un projet de recherche innovant qui combine l’histoire, la médecine et les sciences sociales. Ce projet s’intéresse à l’une des maladies professionnelles les plus meurtrières de l’histoire, la silicose, causée par l’inhalation de particules de silice cristalline.

Piloté par Paul-André Rosental, ce projet qui s’étend sur une durée de cinq ans a débuté en juin 2012. Il est financé par le Conseil européen de la recherche (ERC Advanced Grant) et basé au Centre d’études européennes de Sciences Po en partenariat avec le Centre d'Histoire. Les financements octroyés dans le cadre des "ERC Advanced Grants" permettent à des chercheurs dont le caractère de pointe et d’exception des travaux est reconnu de mener des projets innovants et à haut risque, susceptibles d’ouvrir de nouvelles voies de recherche.

Outre le professeur Rosental, l’équipe SILICOSIS se compose de deux sociologues, d’un pneumologue, d’un docteur en sciences spécialiste de minéralogie, d’un chercheur post-doctorant en histoire et d’une chef de projet. Le versant médical de SILICOSIS est conduit en collaboration avec le laboratoire Minapath du Centre Hospitalier Saint-Joseph Saint-Luc de Lyon.

Voici un article du Journal du CNRS sur le projet Silicosis

La silicose : une maladie "négociée"

L’une des plus anciennes maladies industrielles, la silicose, bien que largement répandue dans de nombreuses activités industrielles (de la construction à la verrerie, en passant par la taille de la pierre et le sablage), a surtout été identifiée – et gravée comme telle dans l’imagination populaire – à l’extraction minière.

Elle a décimé les rangs des travailleurs dans le monde entier aux XIXe et XXe siècles. Cette maladie demeure présente dans les pays industrialisés et progresse dans de nombreux pays d’économie émergente.

La définition médicale et les critères diagnostiques de la silicose sont loin d’avoir été exclusivement "scientifiquement" fondés. Ils résultent en réalité de négociations menées dans les années 1930 entre des employeurs, des syndicats de salariés et des États, sous les auspices du Bureau International du Travail (BIT). Ces négociations ont débouché sur un savoir tronqué et une définition délibérément minimaliste de la maladie, aux fins de réduire les possibilités d’indemnisation des travailleurs victimes.

Les conséquences de cette fondation se sont répercutées pendant des décennies, produisant en particulier une sous-estimation massive de la prévalence de la silicose, beaucoup de cas étant à tort diagnostiqués comme « tuberculose », maladie n’ayant pas une origine professionnelle, et exonérant à ce titre les employeurs de toute responsabilité.

Autre conséquence importance de la définition originelle de la silicose, les négociations ont également tendu à faire de cette maladie un “attrape-tout” de notre compréhension des effets délétères pour la santé de la poussière de silice cristalline. À l’encontre de cette représentation qui a la peau dure, la silice est aujourd’hui suspectée de jouer un rôle causal (au moins partiel) dans un ensemble de maladies systémiques qui ne présentent pas nécessairement des signes pulmonaires et dont l’origine est à ce jour inconnue.

De la "silicose" aux "risques de la silice"

SILICOSIS revisite cette histoire complexe en articulant une approche combinant l’histoire,  les sciences sociales et la santé publique avec les connaissances scientifiques issues de le pneumologie.

Le projet réexamine l’épidémiologie de la silicose et de la tuberculose au XXe siècle dans une perspective transnationale et en enquêtant pour savoir si ou comment la reconnaissance officielle de la silicose dans les années 1930 a pu, même de manière non intentionnelle, obstruer la compréhension des risques associés à la silice. En conséquence, SILICOSIS se propose également de tester dans quelle mesure une série de maladies chroniques inflammatoires (dont la sarcoïdose ou la polyarthrite rhumatoïde) est susceptible d’être causée, au moins en partie, par des expositions à la silice cristalline.

Enfin, dernier point, et non des moindres, les promoteurs du projet SILICOSIS espèrent concourir à la mise en place de mesures de prévention plus sûres pour la santé, à une plus grande sensibilisation aux dangers de la silice, bien au-delà du seul secteur minier, par exemple dans la construction et les fonderies.

Le dispositif d'enquête

Le projet Silicosis vise à établir si certaines maladies chroniques inflammatoires sont, au moins pour partie, provoquées par des expositions à de la poussière de silice cristalline. Pour mener ce travail, l'équipe collabore avec plusieurs équipes médicales pour développer une étude sur chacune des maladies concernées : le service de pneumologie  (Pr D. Valeyre) et le service de rhumatologie (Pr M.-C. Boissier) de l'hôpital Avicenne, le service de médecine interne (Pr P. Jégo) du CHU de Rennes, le service de médecine interne (Pr Pascal Sève) des Hospices Civils de Lyon, le service de pneumologie pédiatrique (Pr A. Clément, Dr N. Nathan) de l'hôpital Trousseau et le service de médecine interne (Pr Z. Amoura) de l'hôpital de la Pitié - Salpêtrière.

 Schéma du dispositif d'enquête (PDF, 84ko)

L’étude Minasarc 01, étude cas-témoin pilote, explore cette question dans le cas de la sarcoïdose.

Cette étude épidémiologique prospective sur le rôle des particules et nano-particules inorganiques dans l'étiologie de la sarcoïdose est menée par une équipe rassemblant pneumologues, médecins du travail, anatomopathologistes et minéralogistes. Elle associe le laboratoire Minapath, basé à l'Hôpital St-Joseph St-Luc de Lyon, et le groupe Sarcoïdose de la Société de Pneumologie de langue française (SPLF). Cette étude prospective multicentrée examine les niveaux de poussière relevés dans le Lavage Broncho-Alvéolaire (LBA) de 20 sujets sains et de 20 patients atteints de la sarcoïdose, grâce au microscope optique (MO) et au microscope électronique à transmission (MET), suivi de microanalyse (MA).

Au-delà de la dimension interdisciplinaire, la nouveauté est a) la mobilisation des techniques les plus pointues d'exploration pulmonaire des patients (LBA, microscope électronique, ...) b) l'utilisation d'un logiciel créé au sein du laboratoire Minapath par la chimiste Cécile Chemarin pour dénombrer les poussières dans les tissus pulmonaires c) le croisement de ces outils et méthodes avec les résultats de l'analyse anatomopathologique des granulomes des patients et avec les réponses obtenues à notre questionnaire sur l'exposition aux poussières inorganiques sur le cours de vie.

Les résultats de cette étude ont été révélés en octobre 2015 (page dédiée), et la méthode MINASARC a été étendue à une série d'autres maladies, comme la sclérodermie, le lupus systémique, la polyarthrite rhumatoïde, la sarcoïdose pédiatrique et l'uvéite.

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