Les universités :

Les universités :

des anarchies organisées mais pas dysfonctionnelles
Hommage à James March
  • James March. Droits réservés.James March. Droits réservés.

Par Christine Musselin, directrice scientifique de Sciences Po, directrice de recherche CNRS, Centre de sociologie des organisations (CSO)
31 octobre 2018


Aux États-Unis, dans les années 60 et 70, les spécialistes du management et les sociologues des organisations ont souvent pris les universités comme objets d’études et ont utilisé ces travaux pour développer des théories plus générales. C’est le cas de James March, professeur de sociologie à la business school de Stanford, décédé à l’âge de 90 ans le 27 septembre 2018, dont les apports - avec ses comparses Michael Cohen et Johan Peter Olsen - ont été particulièrement remarqués et sont encore aujourd’hui très fréquemment cités en sciences de gestion, en sociologie ou en science politique.

J’ai eu l’occasion de mobiliser les travaux de Jim March et de les discuter à de nombreuses reprises dans mes propres recherches. J’ai aussi eu la chance de partager avec lui plusieurs échanges délicieux et pétillants dont je garde un souvenir vivace. En guise d’hommage à celui qui fut l’un des fondateurs des analyses organisationnelles, et certainement le plus original, le plus malicieux et le plus « poil à gratter » de tous, je voudrais rappeler la justesse de son regard et de ses analyses sur les universités, alors que les réformes de l’enseignement supérieur, en France comme partout dans le monde, visent à rationaliser, « managérialiser », mettre au carré, les institutions d’enseignement supérieur.

Des universités qui se plient peu aux lois du management

Jim March utilise un audacieux oxymore pour décrire les universités : il les qualifie d’anarchies organisées. Peut-être est-ce son amour des mots -  il écrivait des poèmes à ses heures perdues - qui explique sa capacité à élaborer des théories illustrées par des formules savoureuses dont celles de “technology of foolishness” qui devrait décourager tout enseignant lucide de proposer des cours de leadership, ou celle du fameux “garbage-can model of decision-making” (modèle de la poubelle en français).

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