La globalisation donne de nouvelles ressources aux nationalismes

La globalisation donne de nouvelles ressources aux nationalismes

Par Alain Dieckhoff
  •   Photo: Alain Dieckhoff  Crédits Sciences Po Photo: Alain Dieckhoff Crédits Sciences Po

La Nation est à la fois un concept libérateur et porteur d’exclusions : c'est le thème du dernier ouvrage d'Alain Dieckhoff, directeur de recherche CNRS et directeur du Centre de recherches internationales de Sciences Po (Ceri). En s’appuyant sur l’histoire de la nation, on comprend mieux les récentes mutations de ce concept et les tensions générées par le nationalisme. Interview


Vous situez le concept de nationalisme au cœur de la modernité, pouvez-vous préciser ?

Le nationalisme est à la fois une idéologie et un mouvement politique qui entend faire de la Nation - collectivité humaine partageant des caractéristiques communes, culturelles (langue, religion, histoire partagée…) et/ou politiques (appartenance à la même communauté politique territorialisée) – le lieu privilégié de l’expression collective. Le terme est apparu dans les principales langues européennes, d’abord timidement à la fin du 18ème siècle avant de s’affirmer au cours du siècle suivant. C’est dire qu’il s’agit d’un phénomène moderne lié à une transformation majeure : le fait d’investir le peuple de la souveraineté politique ultime, en lieu et place des monarques.


Comment expliquez-vous qu’il soit passé d’une acception « positive », synonyme d’émancipation et de liberté, à une acception « négative », synonyme d’exclusion et de renfermement sur soi?

Parce que l’idée nationale est en rupture avec la société inégalitaire d’Ancien Régime, elle est indissociable de l’avènement de la démocratie comme gouvernement du peuple. Le nationalisme a donc, à son origine, une dimension proprement révolutionnaire et émancipatrice. Du printemps des peuples en 1848 à la « décommunisation » des peuples soumis au joug soviétique dans les années 1990 en passant par la grande vague de décolonisation des années 1950-60, c’est cette portée émancipatrice du nationalisme qui s’est clairement manifestée. Or, à compter de la fin du 19ème siècle, d’abord en France et en Allemagne, puis dans nombre d’autres pays européens, le nationalisme a progressivement pris un autre sens lorsque certains courants politiques conservateurs se sont décidés à en faire une véritable doctrine fondée sur la primauté absolue des valeurs et des intérêts de leur seule Nation. Ce nationalisme de repli, de réaction, de l’enracinement, va de pair avec une double exclusion.

Lire la suite de l'nterview

Retour en haut de page