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11.01.2018

L’innovation pédagogique : levier d’accessibilité vers une meilleure prise en charge des troubles psychiques et cognitifs dans l’enseignement supérieur

Depuis 2015, Sciences Po mène des expérimentations pédagogiques autour des handicaps dits « invisibles » : les troubles cognitifs et psychiques. À partir de travaux de recherche menés in situ et en partenariat avec une université canadienne, l’institution développe des ressources et expérimente des dispositifs éducatifs pour initier des pratiques innovantes et adaptées à ces types de handicap dans une visée inclusive d’égalité des chances.

De nombreuses études soulignent l’augmentation continue du nombre d’étudiants atteints de troubles cognitifs sévères (troubles DYS, autisme à haut niveau de fonctionnement, TDA/H, etc.), d’étudiants souffrant de troubles psychiques invalidants (dépression, anorexie, troubles bipolaires, etc.) et de formes diverses de mal-être (anxiété, stress, surmenage, angoisse de la performance). Cette hausse peut s’expliquer par les progrès conjugués du diagnostic de certaines pathologies et de l’évolution des législations en France qui tendent vers une meilleure reconnaissance du handicap et de sa prise en charge au sein des différentes institutions de la société.

En 10 ans, Sciences Po est passée de 20 étudiants en situation de handicap à 230 en 2017 et s’est dotée au fil des années d’une ambitieuse politique garantissant l’égalité des chances à tous.

Pour atteindre cet objectif, l’institution a engagé un travail de recherche et d’innovation pédagogique pour ses étudiants en situation de handicap cognitif et psychique. Ces travaux ont bénéficié du soutien financier de l’USPC (Université Sorbonne Paris Cité) en 2016 et de l’Agefiph (Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées) en 2017.

Dans cette optique, une série d’expérimentations pédagogiques ont été conduites auprès d’un échantillon de 250 étudiants (en situation de handicap ou non) et d’une quinzaine d’enseignants, soit :

– la mise en place d’un Dispositif d’Accompagnement Renforcé d’Education (DARE) pour des étudiants en grande fragilité dans leur environnement d’études ;

– des tests d’adaptation de supports de cours et de leurs modalités d’usage ;

– la proposition de ressources pédagogiques à des enseignants ayant dans leurs effectifs des étudiants en situation de handicap cognitif ou psychique.

Le résultat de ces travaux a fait notamment l’objet de la publication de guides et livrets d’accompagnement au changement publiés en 2016 et largement diffusés auprès de l’ensemble des étudiants et de la communauté enseignante de l’institution. Ces guides permettent de mieux comprendre les difficultés d’apprentissage et les potentiels des personnes atteintes de ces troubles ainsi que de diffuser des pratiques pédagogiques innovantes et adaptées, ayant rapport par exemple au format des documents et supports de cours, à l’environnement d’étude, aux attitudes à privilégier en fonction du handicap et aux modalités de transmission des savoirs pouvant faciliter la compréhension des étudiants. Ils définissent ainsi des recommandations précises pour améliorer la prise en charge et l’accompagnement des étudiants en situation de fragilité (handicaps cognitifs et psychiques, troubles de santé invalidants, problématiques singulières et multifactorielles). Ils présentent également un certain nombre de thématiques transversales comme par exemple les législations en vigueur, des éléments sur le rôle des enseignants ou encore la place de l’écran dans les interactions de cours et leurs incidences sur l’attention et la concentration des étudiants.

Dans le prolongement de ces innovations, un projet de partenariat entre Sciences Po et l’Université McGill (Canada), lauréats du Programme Samuel-De Champlain, a été signé en 2017 pour approfondir le travail de recherche déjà engagé et mener trois expérimentations croisées sur ces questions.

Dans le cadre de ce partenariat, un atelier de stratégies d’apprentissage basé sur les principes de la métacognition et des apports des neurosciences a été offert à titre expérimental à Sciences Po à la rentrée universitaire 2017. Ce cours optionnel, conçu par la psychiatre Camille Benoit et animé par des experts de ce domaine, est destiné au préalable à une cohorte d’étudiants de première année (sans troubles diagnostiqués). L’objectif de cet enseignement est de confronter les étudiants à leurs stratégies d’apprentissage et leur transmettre les outils nécessaires au traitement, à l’élaboration et à la communication des idées en vue de favoriser leur autonomie, leur engagement et leur réussite dans les études. Une équipe du Pôle Handicap de Sciences Po, porteur du dispositif en collaboration avec le Laboratoire de Pédagogie Active, évaluera l’impact de cet enseignement sur :

  • le bien-être,
  • l’investissement scolaire (assiduité),
  • le sentiment d’efficacité,
  • les performances et les compétences métacognitives des étudiants.

Enfin, un atelier similaire sera proposé au deuxième semestre aux étudiants manifestant des difficultés d’apprentissage dans leur scolarité, dont certains en situation de handicap. L’équipe de l’Université McGill le testera à son tour en 2018.

Les conclusions de ces expérimentations permettront d’enrichir un champ de recherche en constante évolution et de répondre ainsi à l’enjeu d’une meilleure accessibilité et inclusion des étudiants en situation de handicap dans l’enseignement supérieur.

Eva AUZOU, Conseillère scientifique, Laboratoire de Pédagogie Active, Direction des études et de l’innovation pédagogique, Sciences Po.

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