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21.11.2017

La méthode des cas : apprendre en faisant

L’interactivité peut faciliter l’apprentissage des étudiants pendant le temps qu’ils passent en cours magistraux. Cet article présente plus particulièrement une technique d’interactivité, appelée « réfléchir-s’associer-partager », qui permet aux étudiants de devenir des apprenants actifs.

Le cours magistral n’est plus ce lieu de transmission de savoir unidirectionnelle : il se construit avec les étudiants. Il peut même être interactif, et ce, quel que soit le nombre d’étudiants. Ainsi, un cours construit en veillant à la participation de ses étudiants accroît l’efficacité de l’apprentissage qui a lieu pendant les heures de cours magistral.

En effet, des travaux de recherche montrent que le cours magistral traditionnel est loin d’être optimal : les étudiants ont tendance à mieux maitriser les concepts lorsqu’il est interactif et qu’ils sont mis en situation d’apprenants actifs (par exemple Crouch & Mazur, 2001 ; Hake, 1998 ; Lorenzo, Crouch & Mazur, 2006). Bien que ces travaux de recherche portent largement sur des enseignements en sciences, des travaux menés sur l’interactivité en cours magistral dans des disciplines des sciences humaines et sociales montrent aussi une amélioration de l’apprentissage (par exemple en sociologie Mollborn & Hoekstra, 2010).

Plusieurs techniques ou activités existent pour rendre le cours magistral interactif. L’une d’entre elles est issue d’une stratégie d’apprentissage collaboratif appelée « réfléchir-s’associer-partager » (« Think-Pair-Share »). En cours magistral, l’enseignant pose une question à ses étudiants, puis leur demande de réfléchir quelques instants de façon individuelle. Après, l’enseignant demande à ses étudiants de comparer leurs réponses avec leurs voisins et de s’expliquer pourquoi ils ont répondu comme ils l’ont fait. Enfin, les étudiants sont invités à partager leurs réponses avec le reste des étudiants du cours magistral, par exemple par un mécanisme de vote en amphi.

J’ai appliqué cette technique en cours magistral de microéconomie et ai trouvé cinq avantages majeurs :

  1.  les étudiants l’apprécient et jouent bien le jeu ;
  2. les étudiants sont actifs et se rendent mieux compte de ce qu’ils ont plus ou moins bien compris du cours, car cette stratégie les force à réfléchir et à appliquer les concepts ;
  3. les étudiants apprennent très bien entre eux, car ils peuvent expliquer les concepts différemment, sans souffrir de la « malédiction de la connaissance », qui est inévitable pour les enseignants. Cette « malédiction » fait référence au fait qu’il est très difficile pour une personne qui sait de se mettre dans la situation d’une personne qui ne sait pas encore (cf. cette explication de Steven Pinker, professeur de psychologie, à partir de la 31ème minute) ;
  4. je vois moi-même mieux quelles notions ont été plus ou moins bien acquises par les étudiants. Je peux ainsi adapter mon enseignement, quitte à revenir sur des notions essentielles qui n’ont en réalité par encore été maitrisées par les étudiants ;
  5. elle rompt la monotonie du cours et permet de diviser le cours magistral en différentes séquences d’apprentissage.  

Ce type de stratégie de pédagogie active peut prendre un peu de temps sur le cours magistral, mais le regain d’attention des étudiants fait économiser du temps dans l’apprentissage global. Les bénéfices sont largement supérieurs aux inconvénients.

Eric Mazur, professeur en sciences physiques, est connu pour avoir développé et fait connaitre des méthodes de pédagogie active en cours magistral : ses conseils sont très utiles. Aussi, dans un article largement cité de 1993, Alison King, professeure en psychologie de l’éducation, propose d’autres méthodes de pédagogie actives pouvant être intégrées à un cours magistral. Ces méthodes ont toutes pour avantage de rendre les étudiants actifs pendant le cours. Les chercheuses Tara Gray et Laura Madson (2007) proposent aussi des conseils très utiles pour rendre un cours magistral interactif.

Enfin, dans un autre article, je reviendrai sur l’utilisation de systèmes de réponses instantanées qui sont aussi une méthode particulièrement utile pour favoriser l’interactivité (par exemple Régnier, 2013).

Questions pour la préparation des enseignants :

  • Avez-vous prévu des moments dans le cours où vous pourriez mettre en place des stratégies de pédagogie active ?
  • Quelles activités de pédagogie active seraient particulièrement adaptées à vos objectifs d’apprentissage pour les étudiants ?

Anne BORING, Maître de conférences en économie, Erasmus University Rotterdam et chercheuse affiliée au LIEPP et PRESAGE, Sciences Po.

Références

  • Crouch, C. H., & Mazur, E. (2001). Peer instruction: Ten years of experience and results. American Journal of Physics69(9), 970-977.
  • Gray, T., & Madson, L. (2007). Ten easy ways to engage your students. College Teaching55(2), 83-87.
  • Hake, R. R. (1998). Interactive-engagement versus traditional methods: A six-thousand-student survey of mechanics test data for introductory physics courses. American Journal of Physics66(1), 64-74.
  • King, A. (1993). From sage on the stage to guide on the side. College Teaching41(1), 30-35.
  • Lorenzo, M., Crouch, C. H., & Mazur, E. (2006). Reducing the gender gap in the physics classroom. American Journal of Physics74(2), 118-122.
  • Mollborn, S., & Hoekstra, A. (2010). “A meeting of minds” using clickers for critical thinking and discussion in large sociology classes. Teaching Sociology38(1), 18-27.
  • Régnier, N. (2013). Systèmes de réponse instantanée pour une pédagogie active. 21ème Congrès Français de Mécanique, 26 au 30 août 2013, Bordeaux, France (FR).

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