Jean-François Fogel
Jean-François Fogel
Jean-François Fogel, diplômé de Sciences Po, professeur affilié à l’École de journalisme et à l'Executive Education, nous a quittés ce week-end.
Pilier de l’École de journalisme, directeur de l’Executive Master en management des médias et du numérique, il est intervenu pour la première fois à Sciences Po à l’automne 2007 auprès des M1 en journalisme via un cours intitulé “introduction à la culture numérique”.
S’en sont suivis pas moins de 158 enseignements en formation initiale, allant d’ateliers pour “éditer en ligne”, “lire et analyser des informations”, ou des cours sur les “dynamiques du journalisme en réseau”, en passant par “l’histoire et l’évolution du journalisme”, “perfectionnement numérique”, etc.
Au-delà de ses interventions répertoriées, nous nous souvenons surtout de sa présence constante, auprès des équipes de l’Ecole de journalisme, et les conseils dispensés avec générosité à des générations d’étudiants et de journalistes professionnels. Tous ont été marqués par l’obsession de Jean-François Fogel d’avoir un ou plusieurs coups d’avance en matière de journalisme, se souviennent de son énergie débordante à combattre les réflexes rétrogrades qui empêchent les nouvelles pratiques, et sourient en se remémorant ses aphorismes et formules.
Mardi matin, un conseil stratégique de l’Ecole de journalisme de Sciences Po était prévu sur l’intelligence artificielle dans l’information. À la lecture de la présentation, il avait glissé “ces slides aideront à comprendre qu’on parle du présent et non du futur”.
Conseiller de grands médias sur les transformations de la presse, au Monde, à France TV Info, à Télérama, il a dirigé la Fondation pour un nouveau journalisme en Amérique latine, créée par l’écrivain Gabriel Garcia Marquez. Il a écrit de nombreux livres et essais dont deux avec Bruno Patino, sur la révolution de l’information à l'ère numérique, “La Presse sans Gutenberg” en 2005 et “La Condition numérique” en 2013, ainsi que d’autres qui montrent ses liens très forts avec l’Amérique latine et pour les personnages rocambolesques, comme “Le Testament de Pablo Escobar” en 1994. Son dernier ouvrage, “37 règles pour savoir tout écrire”, sorti en 2023, s’adresse à ceux qui “écrivent pour être lus” et qui, une fois ce petit livre lu, n’écriront plus jamais de la même façon.
Toutes les communautés de Sciences Po s'associent à la peine causée par la disparition de ce grand journaliste et très grand professeur.
Les intensives : 5 jours chrono
Camille Rochereau en reportage au Salon de l'agriculture
Bienvenue dans la période dite des "intensives", un format d'enseignement spécifique à l'Ecole de journalisme de Sciences Po.
Une intensive, c'est un projet éditorial mené tambour battant sur 4 ou 5 jours, encadré par des enseignants journalistes professionnels. Les étudiants s'organisent ainsi en groupe, comme dans une rédaction, pour produire des contenus journalistiques et les diffuser dans des conditions réelles.
Objectifs? Etre opérationnels et prêts à intégrer le marché du travail en gagnant en compétences et en confiance.
Au programme des "intensives" du lundi 27 février au vendredi 3 mars :
une intensive image spéciale Salon de l'agriculture
Est-ce rentable de se payer un stand au Salon de l'agriculture? Comment une vache devient-elle la miss France des vaches? Que font les marques Amazon et Lidl au Salon? Après deux jours passés au Parc des expositions de la porte de Versailles, les étudiants ont réalisé des reportages diffusés dans le cadre d'une édition spéciale depuis le studio de l'Ecole de journalisme de Sciences Po, encadrée par Soizic Boisard, rédactrice en chef de TF1, et Emmanuele Marzani, JRI.
Voir l'édition spéciale
une intensive son sur "la France des sous-préfectures", les villes moyennes dont on a beaucoup parlé à l'occasion des manifestations contre le projet de réforme des retraites
Reportages, immersion sur le terrain en Ile de France, directs, flashs... Les étudiants constituent des tranches d'information de A à Z et les animent au micro, sous la tutelle de Jean-Philippe Balasse, journaliste à France Inter. L'occasion de se créer des portfolios pour convaincre les employeurs de les recruter demain.
une intensive nouvelles écritures sur des vidéos à la Brut
Comment produire des vidéos calibrées pour les réseaux sociaux? Quelle accroche choisir? Comment tourner pour ce type de format? Les étudiants produisent des vidéos en ligne selon les méthodes de Brut, avec l'aide de Guillaume Priou, rédacteur en chef du service reportages de ce média en ligne.
"Ma formation m'a permis de trouver mon travail actuel"
Thomas Baïetto Crédit photo: Ecole de journalisme de Sciences Po
Pouvez-vous décrire votre parcours académique et professionnel?
J'ai intégré Sciences Po en 2007, juste après le bac. J'ai étudié deux ans au campus de Paris, avant de passer une année à l'université des langues étrangères de Pékin (Chine) et d'entrer à l'Ecole de journalisme de Sciences Po en 2010. En deuxième année, j'ai intégré la toute nouvelle rédaction web de France télévisions, comme apprenti. Le site francetvinfo.fr (devenu franceinfo.fr en 2016) a été mis en ligne une semaine après mon arrivée. Participer à la création d'un média et le voir grandir au fil des années jusqu'à devenir l'un des principaux sites d'information français a été une expérience assez unique et une formidable opportunité professionnelle. J'ai été embauché à l'issue de mon apprentissage en 2012 et j'y travaille encore aujourd'hui.
Quel poste occupez-vous aujourd'hui? À quoi ressemble votre travail au quotidien?
Je suis journaliste au pôle environnement/sciences de franceinfo.fr, où je couvre notamment les questions de climat et de biodiversité. Ces deux crises sont devenues au fil des années une priorité éditoriale pour ma rédaction et France Télévisions en général. Mon temps de travail se partage entre le traitement de ces questions (reportages, enquêtes, vulgarisation d'informations scientifiques, grand format) et le desk, où je suis amené à couvrir l'ensemble de l'actualité chaude, avec des contenus courts, à base de dépêches AFP.
Quelles ont été les contributions de votre formation à la fonction que vous occupez aujourd'hui?
Ma formation m'a très directement permis de trouver ce travail, puisque j'évolue encore dans la rédaction où j'ai fait mon apprentissage de deuxième année. Plus généralement, la formation dispensée à l'école permet de basculer très rapidement de l'étudiant au journaliste et d'être opérationnel en arrivant sur le marché du travail. Ce n'était pas encore le cas à mon époque, mais l'accent mis aujourd'hui sur les sujets environnementaux dans les enseignements m'auraient bien servis dans ma carrière.
Quels souvenirs gardez-vous de votre école, de votre promotion, de vos enseignants?
Je garde le souvenir de deux années intenses, avec une charge de travail conséquente et de belles rencontres. J'y ai appris un métier que j'adore et m'y suis fait de très bons amis. Côté enseignant, je ne peux pas tous les citer, mais je me souviens particulièrement des cours de presse écrite de François Ernenwein, avec son insistance sur l'importance du relationnel et de l'empathie dans ce métier. J'ai également beaucoup appris avec Sophie Marsaudon (radio), Corinne Delpuech, François Grangié (agence), Laurent Greilsamer (presse écrite) et Boris Razon (web et nouveaux récits). Je me souviens que ce dernier nous avait demandé un exposé sur un jeu vidéo au fil narratif particulièrement soigné et que nous nous étions retrouvés à jouer à la console dans l'une des salles de cours.
Quels conseils donneriez-vous à un étudiant qui souhaiterait devenir journaliste aujourd'hui?
Je lui conseillerais deux choses. La première, c'est de commencer à produire des contenus - texte, vidéo, son - avant même de commencer une formation de journaliste. Cela lui permettra de se faire la main, de trouver ce qui lui plaît et d'emmagasiner de l'expérience. La seconde, c'est de se former aux questions environnementales, même et surtout s'il se destine à couvrir d'autres sujets. Le problème aujourd'hui n'est pas tant qu'il n'y a pas assez de bons journalistes environnement : c'est plutôt le manque de connaissances sur ces sujets chez ceux qui couvrent l'économie, la politique, les faits-divers, l'international, le sport...
"On apprend vite qu’un sujet ne se fait jamais en étant seul"
Justine Jankowski
Pouvez-vous décrire votre parcours académique et professionnel?
Je suis entrée à Sciences Po Paris en première année de Bachelor. En troisième année, j’ai vécu un an à Pékin, en échange universitaire, où j'ai fait un stage au bureau de RadioFrance. Avant d'entrer à l'Ecole de journalisme de Sciences Po, j'ai accumulé les stages, à Télétoulouse, à la TV du Festival d'Avignon, j'ai écrit dans des médias étudiants en ligne. De courtes expériences qui m'ont aidée à me conforter dans l'idée que c'était ce métier, et pas un autre.
Après avoir été acceptée à l'Ecole de journalisme de Sciences Po, en M2 j’ai fait un second échange à l’université de Hong Kong. Là- bas, j'ai eu un aperçu du journalisme à l'anglo-saxonne, nos professeurs étaient Hongkongais ou Britanniques, et les élèves venaient de tous les continents. En rentrant à Paris, juste après mon diplôme, j’ai eu la chance d’intégrer le service reportage de TF1 après avoir remporté le Prix Bourrat, dans la catégorie JRI. J'y ai passé six mois en CDD, puis j’ai saisi l’opportunité de repartir à Pékin, cette fois-ci pour intégrer le bureau de France 2 Chine comme JRI rédactrice.
J'y suis restée trois ans, et en 2020, j’ai rouvert le bureau de TF1 à Pékin, dont je suis désormais la correspondante.
Quel poste occupez-vous aujourd'hui? A quoi ressemble votre travail au quotidien?
En tant que correspondante du bureau de TF1 à Pékin, je réalise des reportages sur la Chine et le reste de l’Asie pour les JT du 13h et du 20h. Au quotidien ce sont des sujets news, mais je propose aussi beaucoup de sujets « mag » sur la société, l’économie, la culture, des sujets découverte… Je travaille en équipe, avec une fixeuse chinoise, et une JRI monteuse. On voyage régulièrement dans toute la Chine. Depuis que le pays a rouvert ses frontières, nous partons aussi tourner dans le reste de l’Asie : en Thaïlande, aux Philippines, à Hong Kong... Une fois les tournages terminés, nous les montons au bureau (ou parfois dans une chambre d'hôtel quand le timing est trop serré), puis le sujet est diffusé au JT. En cas de grosse actualité, je fais aussi des directs, notamment pour LCI.
Quelles ont été les contributions de votre formation à la fonction que vous occupez aujourd'hui?
La formation terrain. Je me souviens du premier cours de télé, dans lequel on nous a collé une caméra dans les mains en nous disant « dans trois heures, vous revenez avec de quoi monter un sujet ». Ça fait une petite montée d’adrénaline, un vrai challenge. Et c’est finalement ce qu’on ressent à la rédaction, quand on doit le matin même sortir un sujet pour le soir, donc c’est une formation qui colle à la réalité du métier.
Être propulsée si vite dans le concret, ça permet de progresser rapidement. On se trompe, on tourne bleu, flou, on ne comprend pas le concept d’une séquence… Jusqu’à ce que ça rentre.
L’Ecole de journalisme de Sciences Po m’a aussi permis de découvrir tous les médias. Je suis entrée en M1 en pensant devenir journaliste pour la presse papier, et j’ai découvert la télé, notamment grâce à Sophie Merle, qui m’a transmis sa passion. Faire passer une information via une image, en étant créative, synthétiser une idée en trouvant les mots les plus "impactants", c’est ce qui m’a plu, ça m’a aussi aidée à déconstruire les idées reçues que j’avais pu avoir sur l’univers de la télé.
Quels souvenirs gardez-vous de votre école, de votre promotion, de vos enseignants?
On était comme une équipe, très soudée. J’y ai rencontré des amis, de ceux qui comptent le plus aujourd’hui. Il y a ce côté collectif, beaucoup d’entraide, de solidarité, qui m’a permis de prendre confiance en moi. Et qui reflète aussi l’ambiance d’une rédaction, en tout cas en télé, ou l’on travaille toujours en équipe. On apprend vite à l'École de journalisme de Sciences Po qu’un sujet ne se fait jamais en étant seule.
Je me rappelle de la pluralité des intervenants et enseignants, des récits de photographes de guerre, des anecdotes de journalistes, il y a une certaine horizontalité dans les rapports enseignants/élèves, de la bienveillance aussi.
Ce qui m’a le plus marquée, c’est définitivement les semaines d’intensives, durant lesquelles on sent l’émulation qu’il peut y avoir dans une rédaction. Il y a du stress, une deadline, de l’épuisement aussi, et la fierté de boucler un JT à la fin de la journée.
Quels conseils donneriez-vous à un étudiant qui souhaiterait devenir journaliste aujourd'hui?
Croyez en vous! Et si vous n'y arrivez pas encore, croyez en ceux qui croient en vous.
Partez à l’étranger. On a tout à y gagner. Il y a des opportunités qui font mûrir plus vite professionnellement qu’en France, même si vous restez seulement quelques mois. Quand je suis arrivée en Chine, je ne savais que tourner… Deux ans plus tard, je montais des reportages de 5 minutes, j’écrivais des sujets, je faisais des plateaux et des directs. Notamment parce qu’Arnauld Miguet, le correspondant avec qui je travaillais, m’a transmis tous ces savoirs, et il m’a fait confiance. Je n’aurais peut-être pas été autonome si vite dans une grande rédaction où les rôles sont plus assignés. Le fait d’être dans de petits bureaux, ou freelance, ça permet d’avoir plein de cordes à son arc, de rencontrer des correspondants étrangers, qui pratiquent le journalisme différemment, d'aller sur une multitude de terrain : un jour on interviewe une ouvrière dans une usine de textile, au fin fond du bassin industriel de Canton, le lendemain un inventeur de chien-robot ou un pêcheur sur les rives de l'Irrawaddy au Myanmar. C’est parfois dur d’être loin, géographiquement, culturellement, mais cela permet de ne pas s’endormir dans une routine, dans une zone de confort. Et se frotter à l’inconnu, c’est l’essence même de notre métier.
"Les intervenants ne se comportent pas comme des enseignants mais comme des rédacteurs en chef"
Charles Bonnaire Crédit photo: RomestBanr
Pouvez-vous décrire votre parcours académique et professionnel?
Mon parcours est assez classique. J’ai fait toutes mes études à Sciences Po, en licence à Nancy (campus franco-allemand), en troisième année à Potsdam près de Berlin, puis en master à Paris à l’école de journalisme de 2016 à 2018.
Je travaille depuis début 2019 à Radio Classique, au reportage puis en matinale.
Quel poste occupez-vous aujourd'hui? A quoi ressemble votre travail au quotidien?
Depuis septembre 2021, je présente les journaux de la matinale de Radio Classique (6h30 / 7h30 / 8h30). Je mène donc une vie décalée, levé à 2h30, à mon poste une heure plus tard. Je quitte le bureau entre 9h30 et 10h et reprends le travail de manière active depuis chez moi en fin d’après-midi avec le suivi de l’actualité de la journée. Je coupe le soir jusqu’à ce que le sommeil s’en suive (vers 21h30).
Quelles ont été les contributions de votre formation à la fonction que vous occupez aujourd'hui?
L’Ecole de journalisme de Sciences Po apporte de bons réflexes pour traiter l’information et une formation technique pour apprendre le montage et la mise en page. Les deux années ne sont pas de tout repos, bien au contraire. Le master est professionnalisant. Les intervenants ne se comportent pas comme des enseignants mais comme des rédacteurs en chef. Et cela change tout. La note se base sur une question « est-ce que le sujet est diffusable ? ». Si la réponse est oui, c’est que le sujet a un intérêt. Pour ma part, j’ai pu faire ma dernière année en apprentissage (2 jours en rédaction, 3 à l’école), ce qui est un bon complément dans la formation.
Quels souvenirs gardez-vous de votre école, de votre promotion, de vos enseignants?
A l’école, on rencontre de futurs collègues (et de futurs amis si affinités) que l’on croise ensuite dans les rédactions. C’est aussi le lieu où on rencontre des journalistes en activité, de potentiels recruteurs et donc là aussi, de futurs collègues.
Et puis je me souviens que, dans l’ancien bâtiment, lorsque l'Ecole de journalisme de Sciences Po était située au métro Odéon avant son déménagement sur le nouveau campus, l'apprentissage de la radio se faisait dans une salle au sous-sol, sans fenêtre, ce qui n'était pas très agréable sauf les jours de canicule.
Quels conseils donneriez-vous à un étudiant qui souhaiterait devenir journaliste aujourd'hui?
S’exercer, lire, s’informer et s’intéresser.
Faites des stages, dans une radio associative ou dans un média professionnel. Cela permet d’être sûr d’avoir envie de faire ce métier.
De même, suivre l’information est indispensable. Variez les plaisirs en changeant de radio tous les jours, en allumant la télévision, en suivant les contenus sur les réseaux sociaux, en lisant des livres. Suivre régulièrement de l’information (même un petit peu chaque jour), cela permet d’avoir une culture générale de l’actualité.
Enfin intéressez-vous à des choses qui ne vous intéressent pas. Dans le métier de journalistes, cela peut être utile. Vous détestez le sport? Essayez de regarder le fonctionnement du Top 14.
Et plus le plus important, ne faites pas que travailler!